Le Festival du film francophone de Namur poursuit son propre rythme ponctué de projections, de forums et de fêtes nocturnes sous un grand chapiteau. Dimanche dernier a coïncidé avec la première projection pour la presse du film Douar de femmes, de Mohamed Chouikh. C'est un film certes politiquement courageux (face à l'intégrisme, un groupe de femmes se lève pour défendre un village les armes à la main), mais qui n'est pas parfait. Mohamed Chouikh, acteur ingénieux, cinéaste chef de file, est victime du syndrome de La Citadelle. On attend tout le temps de lui qu'il atteigne ou dépasse même ce qui fut son chef-d'œuvre. Douar de femmes, malgré la bonne volonté du réalisateur et le travail chevronné de Allel Yahiaoui à la photo, sans compter des interprètes désireux de bien faire, semble suivre le chemin inverse. Mais peut-on reprocher à Mohamed Chouikh, qui a sûrement manqué de moyens, d'opérer un miracle semblable encore une fois à sa fameuse Citadelle ? Cependant, ce cinéaste très attachant à l'immense avantage de se placer autant devant que derrière la caméra, et il pourrait créer une œuvre cinématographique majeure. Ce n'est qu'une question de temps et de moyens. Au Festival de Namur, il s'agit de ruser pour arriver à l'heure et trouver un dernier strapontin dans les salles tellement l'enthousiasme des spectateurs namurois est grand. L'autre jour, un grand bouchon humain s'est produit devant la salle Eldorado pour la projection d'un film d'Anne Fontaine (avec l'acteur Benoit Poelvoorde, namurois pur jus) et on a frôlé une mini-émeute, parce que la salle était déjà pleine. Salle pleine aussi pour le film libanais en compétition, A Perfet Day, de Khalil Jerriga et Joana Hadji Thomas. Les réalisateurs ont voulu prouver qu'au Liban personne n'a oublié la guerre civile caractérisée, entre autres malheurs suprêmes, par la disparition de milliers de personnes, dont on recherche encore les traces ou les corps ensevelis sous les chantiers de reconstruction. Dans un souffle quasi documentaire (on voit bien la vie quotidienne de Beyrouth aujourd'hui), le film nous installe au cœur d'une famille victime, il y a 15 ans, d'un drame irréparable : la disparition du père a laissé la mère et le fils unique dans le désarroi total. Deux êtres vulnérables qui, bon gré mal gré, doivent accepter de célébrer le deuil. On est frappé par la simplicité d'une mise en scène très forte. Eloquent témoignage de la qualité du nouveau cinéma libanais.