Une énième expertise de l'état du site et des constructions objet de craintes a été commandée par l'actuel wali, Noureddine Bedoui. Le promoteur n'a pu obtenir la régularisation des actes dans le cadre de la circulaire n°1 du Premier ministre. Voilà environ huit ans, le wali Tahar Sekrane avait menacé la CNEP de lui retirer son parc de logements construits à Constantine et inexplicablement non attribués, pour le verser dans les quotas de logements sociaux. La banque, à travers sa filiale promotrice, s'était empressée de distribuer les appartements à ses clients, à l'exception d'une partie composée de 600 unités. Des immeubles à la mine piteuse et sur lesquels poussent aujourd'hui des arbres ! Il s'agit exactement de 582 appartements âgés entre sept et quinze ans et de 12 villas âgées, elles, de… 22 ans, demeurés à ce jour inoccupés et objet de commentaires sarcastiques sur ces faits absurdes qui amplifient la crise de logement et la crise de confiance entre le citoyen et les décideurs. Cet îlot d'habitations fantomatique a été construit sur un terrain instable, malgré les voix qui se sont opposées à l'époque à ce projet, jugé risqué. Il s'agit du côté versant de la méga-cité Boussouf, située à l'entrée ouest de la ville de Constantine. Les premières analyses géotechniques du sol, fournies à la fin des années 1970 pour la réalisation d'une zone d'habitations urbaines (ZHUN), ont révélé qu'il s'agit d'un terrain hétérogène peu favorable à la construction si ce n'est avec des techniques coûteuses. C'est aussi un versant traversé par des oueds et des ruissellements souterrains. A certains endroits (là où se trouvent les logements CNEP notamment), le bon sol se trouve à 24 m de profondeur, affirme Noureddine Khelfi, architecte et membre du CLOA. Le site a été classé zone rouge, c'est-à-dire inconstructible, par une expertise réalisée voilà dix ans par le bureau d'études français Simecsol. Les résultats de cette enquête ont fait peur aux décideurs à cause des conséquences fâcheuses que le classement impliquait, d'où sa disparition dans les tiroirs. Un promoteur négligent Une énième expertise de l'état du site et des constructions objet des craintes a été commandée cette fois par l'actuel wali, Noureddine Bedoui, à la direction de l'urbanisme et de la construction (DUC) de Constantine, aux frais du contribuable et au profit de la CNEP. Selon les indiscrétions recueillies, y compris au sein d'Assure-Immo qui a remplacé CNEP-Immo, il y a peu de chances que cette expertise puisse être favorable à la libération des logements. Le préjudice est énorme. D'un point de vue commercial, la CNEP a perdu beaucoup d'argent dans ces projets. Pour les Constantinois, c'est un gâchis innommable et inexplicable. Sur les 1314 unités construites par la banque sur ce site, environ 700 sont habitées. Mais les habitants sont toujours privés de leurs actes de propriété et ne savent plus à quel saint se vouer. Le promoteur n'a pas à ce jour obtenu le certificat de conformité indispensable pour l'établissement des actes. La CNEP a en effet entrepris de construire ces logements sans l'obtention d'un permis de construire et se trouve en situation illégale, en quête d'une régularisation après coup. Elle prend en otages des centaines d'acquéreurs qui ne peuvent disposer de leur propriété à leur guise. Pourquoi la CNEP a-t-elle été volontariste, entreprenant un chantier colossal pour être obligée d'attendre aujourd'hui de la part de l'Etat un geste de régularisation qui, probablement, n'interviendra jamais ? Les espoirs de régularisation soulevés au sein de l'actuelle direction de la banque par les vertus de l'instruction n°1 signée par le Premier ministre de l'époque, Ahmed Ouyahia, le 3 janvier 2012 (pour la régularisation des actes), se sont vite évanouis. Limité dans le temps, le délai imparti à cette initiative du gouvernement est aujourd'hui expiré, sans que les logements CNEP de Boussouf puissent bénéficier des largesses de l'Etat. Une perte sèche Cette exclusion est sans doute due à l'arrêté signé par l'ex-wali de Constantine, Abdelmalek Boudiaf, bloquant les logements Boussouf sur la base du rapport de Simecsol et des appréhensions fondées que le simple bon sens interdit d'ignorer. Sur les 600 logements inoccupés en dépit du fait qu'ils ont été achevés voilà quinze ans, le sort d'une cité composée de 150 unités est peut-être scellé depuis des années, puisque fissurées et gravement endommagées sous l'effet des glissements de terrain. Cette cité, qui a coûté plus de 3 milliards de dinars à l'époque, est la preuve du volontarisme et des inconséquences de la direction locale de la banque. Le promoteur se défend toujours arguant des assurances données par les sous-traitants techniques, notamment le CTC. Mais à vrai dire, la CNEP a refusé d'écouter les voix opposées au projet. Plus de 3 milliards de dinars ! Si c'était un placement en épargne avec un taux d'intérêt de 2% annuellement, la somme aurait généré plus de 260 millions de dinars en trois ans seulement et le chiffre est exponentiel. De quoi construire des centaines de logements encore ! A cette perte sèche, il faut ajouter les frais de gardiennage et le coût des dégradations apparues sur les bâtiments. D'autre part, ces immeubles sont devenus une véritable source de nuisance pour les riverains en abritant des nids de délinquance, et l'environnement est tout aussi massacré sous l'effet de ce cimetière de béton. Selon Benmaâlam Abdeldjalil, responsable régional au niveau d'Assure-Immo, la direction générale accorde une attention particulière au problème de Boussouf. Mais peut-on rattraper les dommages causés par une série de mauvaises décisions et dont les auteurs ne sont nullement inquiétés ? Par ces méfaits irréversibles, la CNEP a perdu tout son avantage populaire pour devenir un promoteur prédateur à mettre sur une black list.