Après avoir conçu et réalisé, en 2008, des mini-reportages (treize en tout, dont huit complètement finis et prêts à la diffusion) pour une émission éducative baptisée «Prodiges» sur les lauréats du bac et du BEM ayant obtenu des moyennes de plus de 18/20, Athmane Ghallab, concepteur, employé à l'entreprise publique de télévision (EPTV), station régionale de Constantine, s'étonne, et s'insurge, qu'aucun numéro n'ait été diffusé à ce jour. D'autant plus, précise-t-il, qu'il avait été payé pour ce travail, entamé avec l'aval du responsable et appuyé par un arsenal de documents officiels, dont, entre autres, des ordres de mission établis en bonne et due forme. (Des copies ont été remises à El Watan). Ecoutons ce qu'il déclare, à ce propos : «J'estime que le public a le droit de savoir que nous avons des enfants qui ont du génie ; certains sont issus de familles démunies, habitant des régions enclavées, et malgré cela ils réussissent à obtenir des moyennes qui atteignent les 19/20 ; cela tient du prodige. Nous les avons filmés au jour le jour, dans leur environnement, parcourant des kilomètres à pied pour rejoindre leurs établissements où il n'y avait même pas de cantine, alors que d'autres enfants plus nantis, n'arrivent même pas à décrocher une moyenne honorable.» Et d'ajouter sur un ton plein d'amertume : «On demande pourquoi je médiatise l'affaire ? Je réponds qu'après presque 5 ans, il est de mon devoir de dire que ces enfants et leurs familles ont été trahis par la médiocrité de cette station dont les responsables sont les ennemis de l'intelligence ; ces enfants avaient cru qu'ils étaient plutôt un sujet de fierté pour l'Algérie, qu'ils ne seraient pas lâchés, qu'ils seraient suivis de près pour devenir l'élite du pays. Mais hélas, ils ont été complètement gommés.» Nous avons pu joindre quelques-uns de ces jeunes prodiges : la plupart d'entre eux suivent aujourd'hui un cursus universitaire des plus ordinaires. Le père d'un de ces surdoués, -qui avait créé l'évènement dans l'histoire de l'Algérie indépendante en décrochant plus de 18/20 au bac session 2008-, nous livre ce témoignage: «L'équipe de télé avait suivi mon fils et beaucoup d'autres durant toute l'année du bac ; c'étaient des élèves hors du commun, et l'effort de montrer leur courage au quotidien était admirable ; nous nous sommes longtemps demandé pourquoi l'émission n'était pas passée…». Cette quête de «cerveaux» a fini, hélas, aux oubliettes. Pour Athmane Ghallab, ce genre d'émissions est une véritable bouffée d'oxygène au milieu de la médiocrité télévisuelle intolérable dont est gavé le téléspectateur de l'EPTV. Non seulement, estime-t-il, parce qu'elles participent d'une thématique éducative sérieuse, mais aussi parce qu'elles sont loin de tout calcul politicien. «Nous avions pu approcher plus de 8 millions d'élèves brillants, de vraies intelligences qu'on aurait pu aider, qui auraient pu devenir de grands savants… mais ils habitent, pour beaucoup d'entre eux, dans des douars perdus, et ce n'est pas intéressant, n'est-ce pas ?» a-t-il martelé. Pour en savoir un peu plus sur les raisons de la non-diffusion de cette émission éducative, nous avons contacté le directeur de la station de télévision régionale, Mustapha-Kamel Brouki, qui nous fait part des éclaircissements suivants : «Outre l'étonnement que je ressens quant au traitement de cette affaire- car j'estime qu'elle est interne à la télévision-, il faut savoir que cette émission et beaucoup d'autres, très intéressantes aussi, étaient programmées dans le cadre d'un projet de télévision régionale ; le projet en question a été annulé, et je ne pourrais pas vous dire pourquoi, ne le sachant pas moi-même. Je ne peux m'aventurer à des spéculations, au risque de vous donner de fausses informations.» M. Brouki reconnaîtra, tout de même, que les programmes actuels sont «mauvais», et que beaucoup d'efforts restent à faire dans ce sens.