La journaliste et documentariste algéro-canadienne, Nadia Zouaoui, vient d'être doublement primée au Festival international du cinéma Vues d'Afrique de Montréal dont la 29e édition a pris fin samedi dernier. Elle a remporté le prix de la Meilleure production indépendante pour son documentaire Fear, anger and politics (Peur, colère et politique) qui aborde l'islamophobie et la condition musulmane aux Etats-Unis, après les attentats du 11 septembre 2001. Le même documentaire a retenu l'attention du jury de la section Droits de la personne, qui lui a remis une mention spéciale. A noter qu'un autre réalisateur algérien, Anis Djaâd, a obtenu une mention spéciale du jury pour son court métrage, Le hublot. -Vous n'en êtes pas à votre première distinction en tant que documentariste. Est-ce qu'on finit par s'y habituer ? C'est vrai que j'ai remporté plusieurs prix : un Gémeaux pour le voyage de Nadia, un autre aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, un prix au Festival international du Grand reportage d'actualité (France), en Belgique aussi… Mais je suis toujours étonnée, car il y a tellement de bons films. Les membres du jury de la section Droits de la personne ont donné une mention spéciale à mon film car son sujet n'a pas encore été abordé par d'autres. Je suis contente, car c'est une cause qui me tient à cœur. En allant chercher le prix, j'ai pensé à tous ces gens que j'ai rencontrés et qui souffrent en silence. J'ai pensé aussi aux conditions difficiles — surtout financières — dans lesquelles j'ai fait ce film. Seuls mes enfants, ma famille et mes amis sont témoins. Mais avec la persévérance tout est possible. -Votre film n'a toujours pas été diffusé sur les télévisions au Canada, sauf sur Al Jazeera. Est-ce que ce prix pourrait débloquer la situation ? J'espère que ce prix va faire réfléchir les faiseurs d'opinion du Québec (journalistes, animateurs...) qui n'ont absolument rien dit sur mon film qui est pourtant en compétition. Le plus important est qu'on commence à parler de la discrimination que subissent les musulmans comme on parle de n'importe quelle autre forme de racisme. Quant à moi, je passe à autre chose… -Pensez-vous que votre film pourrait aider à dissiper les incompréhensions dont sont l'objet les musulmans au Québec ? Oui, je crois que mon film aura un impact. La salle de projection était pleine de jeunes dont deux Américains. Ils ont été bouleversés par les histoires que raconte mon film. Plusieurs dont des jeunes d'Amnesty International veulent le diffuser dans les écoles. Je crois que la jeunesse, qui vit dans la diversité, ne voit pas et ne comprend pas cette discrimination qui a pour base la religion. Je n'ai pas la prétention de changer les choses, mais c'est un début. Une petite brèche pour commencer un travail de longue haleine. Et ce n'est pas évident avec les récents attentats terroristes déjoués au Canada ... Les Musulmans doivent placer la barre haut. Il faut que chacun donne son meilleur surtout dans l'éducation des jeunes.