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le raï n'enchante plus
Sa voix se perd dans le Marseille multiculturel
Publié dans El Watan le 27 - 07 - 2013

«Nous avons encore des produits qui nous viennent d'Algérie, mais ce n'est plus comme avant, beaucoup de CD viennent de Belgique grâce à la communauté marocaine.»
Le raï résonne encore dans les rues de Marseille, mais sa présence est aujourd'hui beaucoup plus discrète qu'elle ne l'a été à une époque où régnaient, notamment au cœur du quartier de Belsunce, une véritable effervescence algérienne avec ses circuits commerciaux, ses disquaires, ses cabarets et ses réseaux de transfert d'artistes entre les deux rives. Mutations urbaines, changements politiques, crise économique et son corollaire : repli identitaire vers le fait religieux, autant d'ingrédients qui, conjugués aux considérations esthétiques, entrent en jeu pour expliquer cette situation.
Evoquant des souvenirs de jeunesse dans ce quartier, Gilles Suzanne, universitaire marseillais qui a eu à travailler sur le raï durant les années 1980/1990 (voir entretien), déclare : «On avait du mal à marcher dans les rues tellement il y avait du monde. C'étaient les bagnoles avec des chargements en hauteur de divers produits et le soir, évidemment, c'étaient les cabarets. Il y avait une clientèle composée de ces commerçants nantis, de personnes de passage ou même des résidents du quartier qui, le soir après le boulot, allaient prendre un verre, faire la fête ou simplement écouter de la musique.»
Arpentant les mêmes rues aujourd'hui, on remarque bien cette présence algérienne (immigrée ou française d'origine algérienne), mais on se rend très vite compte que cette ambiance vécue, ou mythifiée, par les chanteurs de raï eux-mêmes (saknat Marseille !) a périclité. Beaucoup d'anciens disquaires se sont reconvertis en diversifiant leur commerce et les programmations de chanteurs de raï jadis très fréquentes dans les cabarets sont devenues occasionnelles. «Nous avons encore des produits qui nous viennent d'Algérie, mais ce n'est plus comme avant, beaucoup de CD viennent de Belgique grâce à la communauté marocaine», indique un jeune disquaire qui atteste cependant que la majorité des succès sont toujours disponibles et à seulement 5 euros le CD (10 euros les 3) comme le dernier Cheb Akil, décédé récemment dans un accident de la circulation au Maroc.
Tarissement des sources
Pour Gilles, Ce sont les accords de Schengen qui, en durcissant la politique des visas, ont fini par tuer la relation commerciale particulière qui existait entre le Maghreb et ce quartier et tarir l'une des sources de financement du raï. Aujourd'hui, si le raï se fait discret, les signes extérieurs mettant en avant l'appartenance religieuse semblent par contre prendre une place de plus en plus importante au sein de la communauté maghrébine en général, algérienne en particulier. Certaines rues de la zone située au-delà de la porte d'Aix (arc de triomphe) avec des étals qui débordent sur la chaussée et ses revendeurs de cigarettes sur les trottoirs évoquent bien Mdina Jdida à Oran.
Ce quartier, situé à quelques encablures de la gare Saint Charles, abrite la seule mosquée de Marseille, discrète, mais bien présente avec sa couleur ocre et sa belle façade clairsemée de croissants de lunes et d'étoiles grises. Pourtant, les salles de prière, de simples locaux, avec des entrées qui donnent directement sur les rues commerçantes, officient encore et les fidèles qui les fréquentent ne se gênent pas d'afficher leur appartenance par l'apparence : barbe et gandoura.
Parti d'Oran il y a à peine quatre ans pour s'installer définitivement à Marseille, Youcef n'a pas l'esprit communautaire et ne fréquente pas le quartier, mais il comprend certaines réactions de ses compatriotes. «Je n'excuse pas tous les comportements mais je crois qu'à force de subir l'idée que leur renvoie la société, les désignant comme étant différents, certains ont voulu aller plus loin en affichant justement cette différence comme une réponse aux barrières qui se dressent face à l'intégration», explique-t-il, pensant notamment à ceux des générations intermédiaires qui, coupés de leurs racines car n'ayant plus la possibilité de retour, restent suspendus dans un entre-deux propice à tous les basculements.
«Nous sommes tous surdéterminés par notre culture qui influe sur notre comportement, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas un effort à faire dans le sens de la cohabitation», ajoute-t-il en avouant qu'il lui arrive de vivre des moments de nostalgie en pensant à son ancienne vie, mais que, dans l'ensemble, il se sent bien à Marseille, une ville, dit-il, facile à vivre.
Dynamisme artistique
«Je ne dis pas que Marseille est une ville raciste, mais je pense que le Marseille cosmopolite qui a existé dans les années 1910/1920, peut être 1930, n'existe plus. Il n'a jamais plus existé. Ou alors il faut vraiment aimer les clichés, être content d'être au bord, de voir passer des Noirs, des Blancs des Chinois, des grands et des petits et de se dire ‘‘ah ! C'est magnifique, ils sont tous là !''», analyse Gilles, coauteur avec Michel Samson (journaliste au Monde) d'un ouvrage sur le jazz : A fond de cale, un siècle de jazz à Marseille. Il estime que, depuis, dans le centre-ville, les gens se croisent mais ce n'est pas parce qu'ils se croisent qu'ils font des choses ensemble. Peu importe, Marseille garde toujours son dynamisme artistique et recèle une grande variété musicale. Son festival, MIMI, pour Mouvement international des musiques innovantes, en est à sa 28e édition.
Il est organisé depuis 12 ans à l'hôpital Caroline (îles du Frioul), une vieille bâtisse aujourd'hui en phase de restauration, qui a notamment servi comme zone de quarantaine pour se protéger des épidémies au XIXe siècle. Offrant une superbe vue sur la baie qui embrasse la cité phocéenne, le lieu, accessible par bateau (navette) à partir du mythique vieux port, est idéal pour ces prestations surréalistes de musique se revendiquant parfois du rock, mais qui poussent jusqu'aux limites du compréhensible les performances sonores de ses adeptes.
«Nous recevons une moyenne de 600 demandes de participation par an, mais nous n'en sélectionnons qu'une dizaine pour trois à quatre soirées thématiques», indique Ferdinand Richard, directeur, qui précise que la majorité des sollicitations viennent d'Europe ou d'Amérique du Nord, très rarement d'Afrique. Une des soirées porte justement l'intitulé «Nuit des doigts dans les plaies du rock». Les interprètes ne manquent pas d'humour, à l'instar du duo avignonnais, Algecow, ou de Thomas Bonvalet, qui s'est fait rebaptiser l'«Ocelle Mare».
Au délire musical s'ajoutent souvent des mises en scène bigarrées, mais le clou de cette soirée-là sera le groupe américain «Père Ubu», d'inspiration punk rock dont la naissance remonte au milieu des années 1970, mais qui reste toujours actif et alternatif grâce à la persévérance de son fondateur, David Thomas. Cette «quarantaine musicale» a son propre public, des touristes mais aussi des habitués à qui on propose d'acheter toutes sortes d'objets ou de produits culturels non conventionnels.
Marseille c'est avant tout l'Europe
Le hard rock résonne aussi au centre de la vieille ville de Marseille qui abrite beaucoup de lieux où on joue ou diffuse toutes sortes de musiques (percussion africaine, rap, reggae, etc) pour la clientèle nocturne de tout le périmètre, qui englobe la place Jean Jaurès, le cours Julien et le Palais des arts. La Maison hantée au milieu de la rue Vian est vite envahie par le noir, celui des tee-shirts des fans de Metal. Samedi soir : une ambiance à réveiller les morts avec une compilation détonante accompagnée de la projection de dessins animés pour adultes sur des murs où sont accrochés également des fanions à la gloire des pionniers comme celui de Motörhead. Le style est typiquement anglo-saxon, mais Marseille c'est avant tout l'Europe.
L'événement «capitale de la culture européenne» (MP 2013) a été à l'origine de pas mal de financements de projets pas très visibles. C'est particulièrement le cas de La Friche la Belle de mai où une ancienne usine de tabac a été réaménagée et mise au service de l'art et des artistes. Pour cet été et sur deux niveaux, une impressionnante exposition de photographies est proposée sous l'intitulé «Des images comme des oiseaux». Des centaines d'œuvres d'époques et de pays différents sélectionnées par Patrick Tosani, qui a exploré
12 000 épreuves du fonds photographique du Centre français des arts plastiques (CNAP). Plus impressionnant est aussi l'événement «New Orders» avec l'installation «Slave city», une réalisation de l'Atelier du désigner hollandais Josep Van Lieshout. Une vision terrifiante d'un monde caractérisé par la dualité entre un «être humain réifié et une architecture devenue organisme vivant».
L'œuvre, proposée au 4e niveau de l'édifice, comporte un ensemble de plans, de maquettes et d'objets évoquant un monde fermé sur lui-même où tout se recycle, y compris les être humains. Développé entre 2005 et 2008, ce travail fait partie d'un ensemble plus vaste rendant compte d'une réflexion sur le monde d'aujourd'hui dominé, au-delà de toute idéologie, par un collectivisme outrancier. Des performances d'autres artistes sont programmées régulièrement dans cet espace où sont exposées plusieurs installations, vidéo ou autres. Truffé d'humour, l'essai d' «auto-historicisation» du jeune artiste suisse Darren Roshier proposait néanmoins une réflexion originale sur la perception directe ou différée du spectateur qui assiste de visu ou qui découvre l'œuvre artistique par l'intermédiaire d'un média.
Mutation urbaine
Mais le visage de la ville va sans doute changer encore une fois avec le grand projet d'aménagement urbain EuroMéditerranée et dont l'un des effets les plus visibles reste la construction de la bâtisse du Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée), pas loin de l'effervescence du mythique vieux port (également réaménagé). Une structure futuriste reliée à partir de son toit, pour les besoins des visites touristiques, par une sorte de cordon ombilical à un monument historique, le fort Saint Jean. «Premier déménagement de l'intégralité des collections d'un musée national en région», note-t-on dans le programme de cet été 2013. Le fort fait écho à un autre monument, une autre attraction touristique de masse sur les hauteurs de la ville entre le 6e et le 7e arrondissement, la basilique Notre Dame de la Garde, qui offre une vue panoramique à 360° sur l'ensemble de la baie marseillaise.


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