Tizi Ouzou, un jour de semaine. Le thermomètre affiche 40 degrés à l'ombre. La ville suffoque. Quoi de plus rafraîchissant qu'une virée à Tigzirt. Plage du centre, il fait beau, il fait bon. Des dizaines de personnes rôtissent au soleil. D'autres narguent les grosses vagues malgré le drapeau rouge. Ambiance estivale. Depuis le début de l'été, le littoral de l'antique Iomnium affiche souvent «complet», notamment le week-end. On y vient de toutes les communes de la wilaya, mais aussi d'autres régions du pays. Selon des statistiques arrêtées au 20 août, cette charmante ville balnéaire a accueilli près de trois millions d'estivants depuis le début de la saison estivale. C'est ce que nous a indiqué Mohamed Azouz, président de la Fédération nationale des offices de tourisme. Cette affluence record résulte non seulement de la canicule, mais aussi de la réouverture de la RN 24 reliant Tigzirt à Dellys (Boumerdès), deux décennies après sa fermeture pour des raisons de sécurité. L'hospitalité légendaire des habitants, les atouts naturels de la région et le retour de la paix après les années de feu et de sang de la décennie noire sont parmi les autres facteurs ayant contribué grandement à la réussite de la présente saison estivale. Les artères de la ville fourmillent de monde matin et soir. Les restaurants et les terrasses de crémeries et des cafés maures ne désemplissent pas. La même fébrilité est constatée sur le front de mer, au port de plaisance et sur le site archéologique, points de chute de centaines de vacanciers, et ce, jusqu'à une heure tardive de la nuit. Seule fausse note au tableau, selon M. Azouz, le manque d'animation culturelle. «Hormis quelques soirées artistiques assurées lors du festival arabo-africain de danse folklorique qui a eu lieu du 6 au 10 août et la tenue du Salon de l'artisanat, la ville de Tigzirt n'a pas connu d'autres activités.» S'agissant des infrastructures d'accueil, cet ancien cadre du secteur du tourisme dira : «La commune de Tigzirt ne dispose que de quatre hôtels d'une capacité totale de 250 lits. Cela reste bien évidemment insuffisant pour répondre à la forte demande des estivants qui choisissent Tigzirt comme destination pour leurs vacances d'été.» Depuis la fin du Ramadhan, il est quasiment impossible de trouver une chambre d'hôtel. Seule solution pour les vacanciers désirant y séjourner, le recours à la location d'un appartement chez des particuliers, mais bien avant le début du rush estival. Un business florissant en cette période de l'année, au grand bonheur des propriétaires qui investissent dans le bâtiment. Les chantiers s'étalent à perte de vue le long du littoral. Le prix de location varie d'un quartier à un autre. Entre 4000 et 7000 DA la nuitée. «La location chez l'habitant connaît un véritable engouement chez les estivants. Près de 40% du parc immobilier de la ville de Tigzirt est loué en août», précise M. Azouz. Des potentialités inexploitées Mer, forêts, vestiges historiques millénaires, traditions séculaires. La région de Tigzirt recèle des potentialités indéniables en matière de tourisme, mais qui demeurent inexploitées. «Les infrastructures d'accueil font défaut dans notre commune. Sans négliger l'apport des complexes touristiques à la région, on doit s'orienter vers le développement du tourisme populaire en réalisant des campings et des centres familiaux. Il s'agit aussi de promouvoir le tourisme de jeunesse par la relance des colonies de vacances d'antan, qui attiraient chaque année des centaines d'enfants vers la commune de Tigzirt.» Sur un autre volet, ce responsable déplore le retard qu'accusent les zones d'expansion et sites touristiques (Zest) dont l'étude d'aménagement tarde à voir le jour afin de permettre le lancement de projets d'investissement dans ce secteur d'activité. Il faut dire que Tigzirt sur mer ne manque pas d'atouts naturels à même d'attirer plus d'estivants nationaux et étrangers, si les pouvoirs publics venaient à mettre les moyens nécessaires à la relance du tourisme balnéaire. La ville qui se distingue par son îlot a un passé historique millénaire qui remonte à plusieurs siècles. La première structure d'occupation romaine à Tigzirt est un casernement fortifié qui date de 147 après J. C., construit sous l'ordre de l'empereur Antoine le Pieux, afin de réprimer les insurrections et les rebellions des Berbères contre l'occupation romaine de l'Afrique du Nord. A la conquête des Vandales, au Ve siècle, la cité antique fut détruite, incendiée, pillée puis abandonnée complètement. Au VIe siècle, les Byzantins ont construit leur cité sur la partie nord de la ville romaine. Parmi les monuments de cette période, la grande basilique chrétienne et ses annexes, le Fort et autres vestiges. En 2007, des travaux de restauration et de remise en l'état ont été effectués par la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, suite aux importantes dégradations subies par les différents monuments. Le site archéologique de Tigzirt a été classé parmi les monuments historiques en 1994. Une agence d'archéologie a ouvert sur les lieux pour gérer le site et l'entretenir. L'autre perle touristique très prisée par les estivants est l'îlot qui se trouve à quelques mètres du port de plaisance de la localité. Une flottille de barques de pêcheurs assure la liaison vers cet endroit féerique. Les promenades sur le site ne sont pas sans conséquences sur la faune et la flore. «Nous interpellons les autorités concernées pour protéger cet îlot. Les dégradations causées par les visiteurs dans ce milieu naturel ont fait fuir goélands, mouettes et autres oiseaux qui y nichent vers d'autres cieux plus cléments. Il est temps d'affecter un gardien pour veiller sur les lieux», insiste Mohamed Azouz. Autre vœu émis par le responsable du secteur du tourisme à Tigzirt : la réalisation d'un théâtre de verdure de 10 000 places. Oubliée du développement, Tigzirt mérite plus d'égards au vu de son rôle durant la guerre de Libération nationale et sa contribution à l'essor du tourisme en Algérie.