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«Le marché algérien est d'un grand apport pour la promotion de la destination Tunisie», mais... Le secteur du tourisme tunisien devrait connaître une croissance de 5 a 7% à fin 2016
Avec au moins 1,5 million d'Algériens qui auront franchi la frontière à fin décembre, 2016 sera l'année de tous les records pour le secteur du tourisme tunisien puisque, à en croire les prévisions de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), celui-ci se sera offert une croissance allant de 5 à 7% comparativement à 2015, année durant laquelle le pays voisin a accueilli pas moins de 1,480 million de visiteurs venus des quatre coins de l'Algérie. De l'aveu même du président de la FTH, «le marché algérien est d'un grand apport pour la promotion de la destination Tunisie», a-t-il admis dans une déclaration à la TAP, le 3 août 2016. Et il dit vrai. Comme en témoignent, de janvier à la mi-août, les 700 000 Algériens qui ont foulé le sol tunisien, assurent des sources douanières d'Oum Tboul. Mieux, rien qu'à Sousse, l'une des destinations les plus prisées par les touristes algériens, environ 30 000 ont séjourné dans des hôtels étoilés de la région, de janvier à fin juillet, nous a indiqué Cherif Otmani, patron de l'agence de voyages OTS basée à Annaba. C'est dire que bien qu'elles soient boudées par les voyagistes européens depuis les attentats terroristes du Bardo (18 mars 2015) et de Sousse (26 juin 2015), les villes touristiques tunisiennes ont, en revanche, continué à drainer un nombre sans cesse grandissant d'Algériens. En effet, si le nombre de touristes issus du vieux continent s'était sensiblement contracté de janvier à septembre 2015, car amputé de près de la moitié, la même période particulièrement difficile, a, par contre, été marquée par une hausse de 17% à l'actif des Algériens. Et c'est donc bel et bien sur ces mêmes Algériens que le voisin de l'Est, qui ne figurerait plus parmi les destinations dites «safe», pouvait s'appuyer pour amortir l'impact et compenser le manque à gagner induit par l'absence des nationalités traditionnelles des touristes européens. «70% de notre clientèle proviennent des pays frontaliers (Algérie et Libye) et des quatre grands pays européens (France, Allemagne, Italie)», c'est un ex-ministre du tourisme tunisien, Elyès Fakhfakh,qui le reconnaissait. Mieux, à chaque fois, les Algériens étaient là pour apporter leur aide lorsqu'il était question de sauver le tourisme tunisien, déterminant pour ne pas dire vital pour l'économie du pays — il fait vivre près d'un cinquième de la population et pèse plus de 14% du PIB. La solidarité devenue systématique, nos compatriotes n'en avaient-ils pas également témoigné bien avant la période post-attentats Sousse/Bardo ? Tunisiens et Algériens s'en souviennent encore : ce fut quelques mois après l'éclatement de la révolution du Jasmin de janvier 2011 : ils étaient des milliers à affluer sur la frontière, répondant, en quelque sorte, au SOS du ministre tunisien du Commerce et du Tourisme de l'époque, qui avait retenti du haut de la tribune de l'hôtel Hilton à Alger : «Les Tunisiens ont besoin du regard de leurs frères algériens pour se rassurer… Nous avons sur les bras un sérieux problème, celui d'assurer un emploi à quelque 700 000 chômeurs tunisiens dont près d'un tiers sont universitaires», insistait-il. D'autant que, quatre mois à peine après le soulèvement populaire, les recettes touristiques avaient chuté de 40% en Tunisie. Aujourd'hui, les autorités tunisiennes «le rendent bien» à ces mêmes Algériens. Outre la taxe de 30 DT (plus de 2300 DA) imposée avant de traverser la frontière terrestre, suscitant le déclenchement début août, d'une vive polémique qui se poursuit toujours, les cris dénonçant des dépassements et des mauvais traitements à l'égard de touristes algériens dont sont accusés des douaniers et «pafistes» tunisiens se multiplient et fusent de partout. Ils ont d'ailleurs été projetés sur la scène diplomatique. Et pas que : des agissements dégradants, discriminatoires et attentatoires ont été enregistrés. De nombreux Algériens disent en avoir été victimes lors de leur séjour dans des établissements hôteliers ou ailleurs, de l'autre côté de la frontière : «Je logeais dans un hôtel 4 étoiles à Gammart, car j'avais rendez-vous chez une endocrinologue. Le soir, je suis descendue prendre mon dîner au restaurant de cet établissement. Aussitôt attablée, j'ai été invitée par un serveur, qui a usé d'une agressivité verbale étrange, à changer de table sous prétexte qu'elle était réservée à d'autres personnes. Alors qu'il s'est avéré que ce serveur tunisien cherchait à y installer une Européenne, une vieille dame, qui plus est qui tenait une bouteille d'eau minérale qu'elle avait achetée à l'extérieur. C'est à ce moment là que j'ai compris que certains Tunisiens préféraient accorder plus d'égards aux touristes qui sentent l'Europe. Je vous laisse le soin d'imaginer la réaction que j'ai eue, moi qui ai laissé en Tunisie plus de 1000 euros en deux jours, entre les frais médicaux et le séjour hôtelier», fulmine Leila B., cadre supérieur dans une grande entreprise mixte basée à Annaba. Une autre, médecin de son état, qui était partie quant à elle faire du tourisme esthétique, abonde dans le même sens, non moins exaspérée : «J'étais dans un célèbre salon d'esthétique à El Menzah pour me refaire une manucure et un lissage brésilien à la kératine. Une jeune femme m'a interpellée, je cite : ‘‘Il paraît que les plasmas qui ne coûtent pas cher chez vous se vendent à même le sol dans un marché qui s'appelle El Hattab. Il paraît aussi que devant chaque ‘barraca'(gourbi) dont regorge Annaba on voit un Tiguan 4x4 parqué !'' Toutes les clientes alors présentes ont ri sous cape et cela m'a mise dans une colère folle. Mais croyez-moi, cette dame a eu droit à une réponse ‘‘aala guadha'' (à sa taille).» Fort heureusement, ce n'est pas une règle générale dont il s'agit. Nombreux sont, en effet, les Tunisiens aux yeux desquels les liens de fraternité entre les deux peuples sont et restent solides et ne peuvent en aucun cas être entamés ou remis en cause : «L'Algérie, c'est la Tunisie. Les Tunisiens installés ou en visite ici, à Annaba ou un peu partout en Algérie, se sentent chez eux et vice-versa : les Algériens sont chez eux en Tunisie et cela ne date pas d'hier. Nous avons de très beaux pays. C'est pourquoi nous devons nous unir et œuvrer ensemble pour en faire une puissance touristique et économique à l'échelle régionale, voire méditerranéenne», a insisté le Tunisien Chiheb Ben Khalifa, directeur général de l'hôtel Rym El Djamil de Annaba, lors d'une récente entrevue avec El Watan.