Le long métrage La Nuit et l'enfant, de David Yon, est un brillant exercice de style qui se déploie et s'affirme comme un poème cinématographique. Sélectionné au Festival de Berlin en février 2015, il est projeté actuellement au cinéma Saint-André-des-Arts à Paris dans une programmation complétée sur plusieurs jours par des courts métrages algériens parmi lesquels Les Bonnes, de Soufiane Adel et Archipel, de Djamel Kerkar. Originaire de Marseille, David Yon a découvert Djelfa et ses environs en 2007 et y a réalisé son premier film, Les Oiseaux d'Arabie (2009) sur les républicains espagnols internés dans cette région durant la Seconde Guerre mondiale. Le coup de foudre pour les lieux se prolonge par une amitié partagée avec la famille Lahrech composée de plusieurs frères : Salah, Ilyès, Idriss et Boubaker avec lesquels David Yon évoque l'idée d'un film qui donnera naissance à La Nuit et l'enfant, sorte d'ode à la liberté et à la nature. Le déclic en sera le casting qui va offrir le rôle principal et la coécriture du scénario à Lamine Bacher auquel sera associé très vite l'enfant Aness Baitich. Avec une dimension à la fois bucolique et onirique, le récit entremêle une quête initiatique et une enquête à propos d'une steppe sur laquelle le soleil ne se lève plus. La quasi-totalité du film est tournée la nuit, introduisant une dimension fantastique qui s'ajoute à cette marche dans l'obscurité à laquelle se livrent l'adulte et l'enfant dont on ne sait trop ce qu'ils fuient ou ce qu'ils recherchent. Les dialogues à forte connotation littéraire distillent certains repères comme celui du passé terroriste pas très éloigné qui a bouleversé les habitants au point qu'ils ont déserté les villages pour se réfugier en ville au moment de la décennie noire. «Cette traversée nocturne au cœur d'une nature majestueuse prend tour à tour les accents fantastiques d'une quête, d'un jeu ou d'un récit initiatique», indique le réalisateur. Et la poésie des paysages de nuit est restituée par l'image et une bande-son en parfaite adéquation, laquelle exhale la symphonie des bruits de la nature, qu'il s'agisse du chant des grillons ou du bruissement des feuilles d'arbres sous le vent… Ainsi, La Nuit et l'enfant ne raconte pas une histoire linéaire. Le film exprime des sentiments, des sensations, un climat, une atmosphère trouble et troublée par le terrorisme. Des lumières très travaillées avec des clairs-obscurs, une omniprésence de la nature qui, en fin de compte, devient un personnage central du film. Les reliefs, les animaux, les fleurs sont autant d'éléments agencés de telle manière que l'écriture cinématographique brille par son originalité, voire même sa singularité. C'est dire combien une œuvre maîtresse peut naître de la rencontre des hommes et du partage qui a été le leur jusqu'à créer une fiction qui doit autant aux uns, de simples citoyens algériens, qu'à l'autre, le réalisateur.