Au cours des dernières décennies, les industries ont produit près de 100 000 nouvelles substances chimiques. Et jour après jour, quantités d'entre elles finissent dans les mers, les rivières pour atterrir, parfois, dans nos propres verres. Beaucoup de ces substances proviennent des médicaments négligemment jetés. En outre, de nombreux traitements ne sont pas entièrement assimilés par notre organisme, qui les élimine alors par les voies naturelles pour refaire un tour dans le cycle de l'eau. En effet, la proportion non assimilée est de : 70 % pour les antibiotiques, 80 à 90% pour les anti-grippaux. S'agissant de la Metformine (un antidiabétique), la proportion non assimilée atteint pratiquement 100%. A ces produits parfois dangereux se joignent les pesticides et autres produits toxiques utilisés dans l'agriculture, qui se retrouvent dans les sols et les nappes phréatiques. Et ce magma polluant est encore renforcé par les additifs des produits d'entretien, les produits cosmétiques ainsi que les textiles, qui finissent souvent dans les canalisations, scellant ainsi leur union souillée avec les eaux usées des industries chimiques et pharmaceutiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, ce sont quelque 3,4 millions de personnes qui décèdent de la pollution aquatique. 3,1% des décès dans le monde sont expliqués par la mauvaise qualité de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Notons que, d'après le même organisme international, 2,6 milliards d'humains ne disposent tout simplement pas de sanitaires. Dans une étude intitulée «La pré-concentration de micro-polluants organiques dans l'eau et leur extraction par des nanomatériaux», Dahane Soraya explique que «l'activité humaine produit de nombreux composés organiques qui sont rejetés dans l'environnement par l'intermédiaire des eaux usées. Ce dégagement représente une source majeure de pollution pour le système aquatique. Une grande variété de contaminants sont aussi présents dans les rejets des usines de traitement des eaux usées et peuvent avoir un impact sur la faune et les humains en raison de leur effet biologique, en particulier sur les systèmes hormonaux ». Nouvelles méthodes d'analyse Proposant la mise au point des méthodes multi-résidus de pesticides et de produits pharmaceutiques dans l'eau par le couplage de la chromatographie liquide et de la spectrométrie de masse, le mémoire recommande la classification des contaminants par famille chimique (produits chimiques de structure totalement nouvelle), par type d'application (nouvelles applications de type industriel ou domestique), par type d'effet toxique qu'ils génèrent (nouveaux effets découverts), par type de source (comme les nouvelles sources précédemment inconnues pour les produits chimiques existants) et par type d'exposition (voies qui n'avaient pas été prévues ou avaient été précédemment jugées négligeables). Avec cette approche, Dahane Soraya considère les produits pharmaceutiques, les produits à usage personnel et les pesticides comme des contaminants émergents «en raison des possibles effets toxiques qu'ils peuvent générer». Elle accorde toutefois une importance majeure aux produits pharmaceutiques «en raison de leur grand volume de consommation et de leur forte activité biologique (comme par exemple les perturbateurs endocriniens), mais aussi en raison de leur qualité d'agents causatifs de résistance bactérienne (comme les antibiotiques)», précise-t-elle dans l'étude. Regrettant le manque de données permettant le classement des contaminants, par manque de réglementation, la chercheuse dénonce le manque de méthodes analytiques pour «éventuellement permettre une évaluation appropriée des risques, pour la surveillance de la qualité des eaux de surface et souterraines», souligne l'auteur de l'étude. Elle préconisera ainsi le développement des procédures analytiques pour surveiller certains problèmes environnementaux spécifiques qui permettront d'obtenir des mesures fiables. «Seules de telles mesures peuvent nous fournir les bases scientifiques nécessaires pour estimer l'occurrence et la persistance des résidus dans l'environnement», insiste l'étude. Proposant trois méthodes analytiques, optimisées et validées au sein d'un laboratoire et appliquées directement à huit échantillons réels (deux rivières, deux barrages, deux sources et deux stations d'épuration), Dahane note que la détection est observée pour les produits pharmaceutiques et les pesticides dans les échantillons. Seulement le Diclofénac est trouvé à une concentration légèrement supérieure dans l'échantillon (35,5 ng L-1) alors que pour les eaux usées, les concentrations élevées sont vues pour l'Acétaminophène (3491 ng L-1), le Naproxène (2237 ng L-1) et l'Ibuprofène (1363 ng L-1). «Ce travail a donc abouti à la mise au point d'une méthode d'analyse multi-résidus, permettant la détection et la quantification de 20 composés organiques dans les surfaces aquatiques. Les méthodes analytiques développées au cours de cette thèse, autorisent désormais le contrôle d'une multitude de pesticides et produits pharmaceutiques dans les différentes sources d'eau», affirme la chercheuse. Ce travail pourrait apporter un plus dans le cadre de la mise en place d'études sur l'évaluation des facteurs de concentration des pesticides au cours des procédés d'extraction des eaux environnementales. «Même si les méthodes analytiques développées autorisent la détection d'un grand nombre de composés organiques, elles restent néanmoins soumises au principe de ‘‘On ne trouve que ce que l'on recherche''», indique la chercheuse.