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«L'Algérie est aussi au fond de moi»
Nashoba Hotah Hogan . Auteur américain sioux et «algérien»
Publié dans El Watan le 01 - 04 - 2017


PAR AHMED BENJADIR*
En venant, vous m'expliquiez la signification de vos noms. Voulez-vous la reprendre pour les lecteurs d'El Watan ?
Hogan est mon nom de famille. C'est le nom des anciennes habitations en terre. Mes prénoms sont purement amérindiens et propres à la nation Sioux à laquelle j'appartiens. Nashoba signifie «le loup». Il représente le courage, la détermination… On donnait et on continue de donner aux enfants des noms de guerriers pour honorer la bravoure des ancêtres. Auparavant, on donnait un nom provisoire au nouveau-né et, quand il devenait adolescent, il pouvait choisir le sien. L'autre prénom, Hotah, veut dire «blanc» parce que, comme vous pouvez le voir, j'ai la peau assez claire. Enfin, c'est relatif ! Chacun peut être plus clair ou plus foncé qu'un autre. Je tiens cette teinte de mon grand-père paternel que je n'ai pas connu, celui que je nomme pour l'instant «l'Algérien».
Justement, comment avez-vous découvert vos origines algériennes ?
Assez tard. Je suis né en 1958. Pas trop d'études. Une passion pour les chevaux, les motos et les autos, un peu aussi pour la bagarre. Je ne pouvais que devenir cascadeur pour les studios d'Hollywood ! J'ai bien travaillé là-dedans, surtout pour les scènes de voitures. En 1980, j'ai travaillé sur Mad Max 2 auprès de Mel Gibson. Il y a eu beaucoup d'autres films. Mais en 2000, sur le tournage de Opération Espadon, avec Travolta, j'ai eu un grave accident avec de nombreuses fractures et brûlures. J'ai cru que je ne m'en sortirai jamais. Je suis resté un an au Good Samaritan Hospital de Los Angeles. Quand je suis sorti, je me suis mis à lire. C'est tout ce que je pouvais faire d'ailleurs ! J'ai découvert que la lecture est quelque chose de profond et magnifique.
La lecture a changé ma vie. Heureusement, j'avais une bonne assurance et les producteurs m'ont versé de bons dédommagements. Ça m'a permis après d'étudier l'histoire en auditeur libre à la NDSU (North Dakota State University) de Fargo. L'histoire m'intéressait un peu, mais pas plus que ça. Je n'avais jamais pensé auparavant à étudier l'histoire. C'est comme si je recevais un appel…
Un appel à travers les générations ?
On peut dire les choses de cette manière, même s'il n'y a pas eu de transmission volontaire. J'étais un peu différent physiquement de mes amis d'enfance, mais comme toute communauté, les Lakotas (ndlr : une des grandes tribus sioux) ont des personnes différentes de diverses manières. Mais ils n'en tiennent pas beaucoup compte et donc, je ne me suis jamais intéressé à cet aspect. Mais je posais beaucoup de questions sur mes parents qui sont morts dans un accident de bus lorsque j'avais six ans.
Ce sont mes grands-parents maternels qui m'ont élevé. Ils me parlaient de mes parents, mais rarement de mes grands-parents paternels. C'est un ami à mon père qui m'a mis sur la piste. Il m'a parlé de cet «étranger», mon grand-père paternel, qui avait été accueilli par les Lakotas et avait fini par être intégré. C'était, paraît-il, un très bon artisan du cuir. Il a appris le lakota et a épousé une Indienne.
Ils ont eu deux enfants, mon père et ma tante qui est partie vivre à Détroit avec son mari et qui est morte là-bas. Que voulait dire «étranger» ? Je savais seulement que ce n'était pas un blanc des USA. J'ai même pensé un moment que c'était peut-être un Latino. Mais l'ami de mon père et d'autres anciens m'ont dit que c'était un étranger «d'au-delà des mers». Ça, ils le savaient car mon grand-père paternel aurait parlé parfois de son pays et il aurait dit qu'il était aussi occupé par des Blancs venus de la mer.
Pensez-vous que votre entourage vous a caché des choses ?
Non, je ne pense pas. Je vous ai dit, les Lakotas sont assez fermés, mais quand ils acceptent quelqu'un, ils l'adoptent entièrement. Peut-être aussi que le problème est là. En adoptant, ils oublient la différence de l'autre. C'est à la fois positif et négatif, car j'ai mis beaucoup de temps à remonter la piste et ce n'est pas fini.
Que savez-vous aujourd'hui de votre aïeul algérien au moment où votre livre va être publié ?
D'après les recherches que j'ai effectuées, ce serait un compagnon du justicier algérien Hadj Abdoun qui s'était révolté avec d'autres, en Kabylie, contre l'ordre colonial français à partir de 1890. Abdoun a été capturé et condamné à mort en 1884. Mais sa peine a été commuée en travaux forcés à perpétuité. Il s'est retrouvé au bagne de Cayenne en Guyane. Là, il a réussi à s'évader avec quelques compatriotes. Il ont volé une barque à des Chinois et ont pris la mer.
Il y a eu une tempête et un bateau anglais les a repêchés et conduits à Panama. Ils ont travaillé sur le chantier du canal. Abdoun est allé aux Antilles, puis à Londres, puis à Gilbratar, puis au Maroc et il a rejoint l'Algérie pour se venger des traîtres… En 1895, les Français l'ont décapité sur la place de son village. Je ne sais pas si mon grand-père était son compagnon déjà en Algérie ou s'il l'est devenu au bagne. Ce qui est sûr, c'est qu'il faisait partie des évadés qui se sont sauvés à Panama. Et l'ami à mon père, aujourd'hui décédé, m'avait bien parlé d'une évasion par bateau.
Mais avez-vous réussi à établir l'identité de votre grand-père ?
Non, pas encore. Mon livre va sortir avec des questions en suspens. J'ai 59 ans aujourd'hui et je voulais déjà fixer par écrit ce que j'ai découvert. Je continue mes recherches en vue d'une future édition. Donc, je n'ai pas encore l'identité de mon grand-père algérien. J'ai plusieurs noms, mais je ne peux pas encore m'avancer. Il est difficile à partir des USA d'accéder aux archives du bagne qui sont en France et… en français ! J'ai eu l'aide d'un historien français spécialiste du bagne, Michel Pierre, et je le remercie surtout qu'il connaît bien l'Algérie. Donc, je poursuis mon travail. Le nom indien de mon grand-père algérien était Eciyapi toki. Et vous savez ce que cela veut dire ? «Il s'appelle loin» ! C'est quand même significatif par rapport à son histoire.
Que lui serait-il arrivé après l'évasion ?
Ce qui est sûr, c'est qu'il a été séparé de Abdoun à Panama. Peut-être s'est il perdu et s'est trouvé isolé de ses compagnons ? Peut-être se sont-ils disputés ? Peut-être l'a-t-on arrêté un moment pendant que les autres devaient poursuivre leur chemin ? Je ne peux me prononcer actuellement. Je suppose qu'il est remonté vers le nord, traversant le Mexique, puis les Etats-Unis en croyant trouver un moyen de traverser l'Atlantique pour rejoindre l'Afrique du Nord. Et pour des raisons inconnues (blessure ? maladie ? découragement ?), il s'est retrouvé au Dakota et a été accueilli par les Lakotas. Après, le temps a fait son œuvre, ainsi que l'éloignement. On n'imagine pas aujourd'hui ce que représentaient les distances, surtout entre continents !
Sur quelles sources avez-vous travaillé ?
Je ne suis pas un historien professionnel, mais j'ai travaillé scientifiquement en essayant de mettre de côté mon affect. Le document qui m'a convaincu de poursuivre se trouve aux archives de l'Etat du Dakota, le manuscrit d'une monographie sur ma tribu, établie par un administrateur du comté. A un moment, une page parle de la population des Lakotas et, dans la marge, il a inscrit au crayon : «One of North Africa living here !» (ndlr : «Un Nord-africain vivant ici ! »). Malheureusement, il n'a pas approfondi et, dans l'édition imprimée, la note a disparu. Par la suite, j'ai travaillé surtout à Washington à la Library of Congress (ndlr : bibliothèque nationale). Il y a là-bas, comme vous savez, des milliers de documents sur l'Afrique du Nord et donc l'Algérie.
Vous êtes impliqué dans les luttes de votre communauté et, en ce moment, elles sont plutôt dures...
Vous avez entendu parler de ce gars qui s'appelle Trump ? Il a déjà commencé à faire du mal. Ma communauté s'est opposée au Dakota Access Pipeline, un oléoduc de 2000 km que la compagnie veut faire passer sous le lac Oahe qui est sacré pour les Lakotas. Il y a eu des manifestations à Cannon Ball quand ils ont repris les travaux et j'ai participé. Même les ingénieurs de l'armée américaine se sont opposés à ce que la compagnie pétrolière passe son pipeline près du fleuve Missouri, à un kilomètre à peine du lac. Mais, rien n'arrête les intérêts des compagnies et maintenant elles ont Trump pour leur ouvrir la voie. En février, un juge de la Cour fédérale, à Washington, a rejeté nos demandes, et en mai ils vont construire le tronçon sous le lac.
A Standing Rock d'où je viens, la tension est au maximum. Tout cela sent mauvais. Il ne faut pas oublier que la découverte de l'or a conduit à la bataille de Little Big Horn (1876) menée par Sitting Bull, un Lakota. Nous vivons une époque terrible et je ne sais pas où cela va mener. Et, en mai aussi, le cirque Barnum où j'ai un peu travaillé à mes débuts va disparaître pour de bon, après un siècle et demi d'existence. Pour moi, c'est un signe.
Vous m'avez confié que vous rêvez de vous rendre en Algérie. Quand ?
Pour le moment, c'est impossible. Bien sûr, je suis impatient de le faire. Mais j'aimerais avancer dans mes recherches et être auprès de ma communauté dans ces moments difficiles. En tout cas, l'Algérie est aussi au fond de moi. Je suis très fier de descendre d'un Algérien qui appartient à une belle histoire de dignité et de combat. Pour la promotion de mon livre, je vais d'ailleurs me rendre à la bibliothèque d'El Kader dans l'Iowa, une manière pour moi d'honorer la mémoire de l'Emir Abdelkader et de parler de l'Algérie. J'en profite pour saluer les Algériens qui sont en contact avec moi par internet. Et tous les autres. A bientôt donc, je l'espère.
A. B. (Correspondance de Minneapolis)


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