Tel un orage d'été, la guéguerre que semblaient se faire le Premier ministre et certains hommes d'affaires liés au sérail s'est vite fondue dans les nuages dans un pays dont la visibilité est ce qu'il y a de moins développé. En décidant de s'en prendre, d'une manière aussi brutale qu'inattendue, au patron des patrons proche du cercle présidentiel, Abdelmadjid Tebboune a dû agir sur instruction. Et c'est probablement un autre «contre-ordre» qui a réussi à réconcilier tout ce beau monde qui se crêpait le chignon il y a quelques jours seulement. Dans un pouvoir où la transparence n'est jamais la première des vertus, il est difficile de décoder tous ces rétropédalages. Le Premier ministre, qui se revendique tout autant que ses adversaires de la légitimité du chef de l'Etat, n'avait visiblement pas bien mesuré la force de nuisance de Haddad et ses amis. Le président du FCE, se croyant intouchable quoique déjà averti à l'occasion du scandale du Forum africain des entreprises, n'avait pas non plus prévu une éventuelle gifle de la part de ceux qui étaient censés être de son camp. Tebboune, poussé par son ascension à la tête du gouvernement et auréolé par les échos favorables d'une opinion publique qui n'attendait que des gestes forts venus des autorités, a sans doute fait du zèle. Il a été rappelé à l'ordre. Blessé, Ali Haddad, qui a menacé de prendre la tête de la rébellion, sait désormais que malgré les images euphoriques d'El Alia, sa puissance est déclinante. L'arbitre ayant sifflé la fin de la partie, les deux principales figures du match, dont les règles ne sont connues que par les tenants du système, sont sortis affaiblies. Personne ne peut prédire si une autre partie, invisible pour l'instant, est gagnante. Mais il est certain que cette soudaine baisse de tension entre ces protagonistes d'un genre particulier porte un coup dur à la crédibilité de la parole publique des hommes politiques et de ceux qui représentent le patronat. Dans ce domaine, c'est plutôt le Premier ministre qui y laisse plus de plumes. Il ne pourra plus expliquer aux Algériens ce revirement qu'il a dû faire la mort dans l'âme. Il ne pourra pas convaincre les citoyens de l'efficience des décisions qu'il prendra dans les jours à venir, lui qui a promis de faire «la séparation» entre l'argent et le pouvoir, avant de revenir en arrière, deux semaines plus tard. Plus grave encore, cet épisode remet au goût du jour la réalité de la prise de décision dans notre pays. Celui qui décide n'apparaît plus en public et, surtout, n'assume presque jamais ses décisions publiquement.