La collection d'un musée reflète des histoires, des passions qui ont conduit des conservateurs ou des connaisseurs à aimer des œuvres et à constituer une sorte de trésor pour le public. L'exposition «Paysages et portraits», présentée au MaMa, cherche à faire redécouvrir sa collection en adoptant une logique d'exposition temporaire : cette pratique usuelle dans le monde muséal d'aujourd'hui permet de sortir des œuvres de leur réserve et de les présenter, pour une durée limitée, selon un point de vue. La particularité de l'exposition du MaMa est qu'elle est le fruit d'une collaboration entre la directrice, Nadira Laggoune, et l'équipe de conseillers culturels. L'équipe s'est ainsi exercée à sélectionner, documenter des œuvres, écrire un cartel, le traduire. A s'interroger aussi sur un concept, en l'occurrence le portrait ou le paysage, genres dominants dans les collections du MaMa. Distribuée sur deux niveaux, «paysages», le plus important en nombre, «portraits» en sous-sol, l'exposition reflète les interprétations qui ont pu être données de ces deux genres. Elle comporte aussi un certain nombre de trouvailles, soit des œuvres inconnues du grand public, soit des œuvres qu'elle donne à redécouvrir.
Les inattendus Parmi les trouvailles de l'exposition, les œuvres d'artistes de l'ex-URSS, Silov, ou de Selim Bensaâd, petit-fils de Staline par sa mère. L'exposition exhume les traces de cette histoire, qui, dans le cadre de l'amitié entre pays socialistes, avait conduit beaucoup d'Algériens à se former dans l'ex-URSS. Du premier, Silov, peintre, graveur et tisserand, le MaMa, conserve notamment une petite tapisserie particulièrement suggestive : une matinée dans les montagnes, du second, Selim Bensaâd, une aquarelle et deux petites peintures représentant Moscou. L'histoire de l'Algérie artistique passe aussi par celle des communautés qui y ont vécu et des peintres qui ont voulu y laisser une œuvre : les œuvres tout en finesse du graveur Pierre Frailong et le montage de Patrick Altes en témoignent. Au centre du parcours, deux œuvres importantes, celle de Zineddine Bessaï, la carte des harraga, véritable paysage mental à l'humour décapant, montrée à plusieurs reprises, celle de Sirine Fattouh, jeune photographe libanaise, qui s'intéresse aux bouleversements urbains dont elle rend compte avec une technique éprouvée de montage photographique. Les redécouvertes Les aquarelles de Abderrhamane Ould Mohand et les travaux de son frère Slimane font partie des redécouvertes de l'exposition : les premières ne sont pas sans évoquer les compositions chromatiques de Paul Klee, les secondes des univers oniriques. Dans la section «portraits», les œuvres de Mokrani et Issiakhem sont placées côte à côte : de la sorte, elles rappellent à la fois leur amitié et une époque fondatrice pour l'art moderne algérien : les techniques mixtes utilisées par le premier, le travail sur le fond de gravure donnent une épaisseur surprenante aux portraits, tandis que les autoportraits d'Issiakhem oscillent entre deux registres opposés : celui de la force virile et celui de la maladie. Si l'exposition donne aussi à revoir les œuvres de Louaïl, peut-on parler de redécouverte à propos de gouaches de Baya, qui, désormais, appartiennent à l'univers visuel des Algériens ? La série des moudjahidate de Nadja Boukhalfa, sur laquelle se clôt le parcours «portraits», montrée encore récemment, n'est pas une redécouverte, mais continue à être l'objet de multiples appropriations. Au total, même si l'exposition n'évite pas certains «clichés», que ce soit dans la section «paysages» ou dans la section «portraits», l'ensemble se parcourt avec plaisir et le spectateur prend vraiment la mesure de la qualité de la collection du MaMa et de ses potentialités d'expositions futures.