L e temps est venu de redonner à Messali Hadj sa juste place. La guerre est finie, mais les complexes sont toujours là.» Intervenant lors d'une rencontre initiée par l'Organisation nationale de la continuité des générations (ONCG) pour commémorer la création du PPA, le 11 mars 1937, le chercheur en histoire, Mustapha Nouicer appelle à «relire» l'histoire «véritable» du pays. Dans un local à Hussein Dey (Alger), d'anciens combattants du Mouvement national algérien (MNA) et leurs enfants, venus de plusieurs régions du pays, rappellent les grands mérites de leur «zaïm calomnié» et leur exclusion par l'Etat. «Messali a subi l'injustice de son vivant et après sa mort», estime Rabah Mechehoud, ancien moudjahid et diplomate. L'homme qui a rencontré Messali et lui a serré la main à El Harrouch (Skikda) se rappelle l'accueil «sans égal» réservé par la population. De Oued Zenati à El Harrouch, la voiture du président du PPA, où se trouvait Mohamed-Larbi Demagh El Atrous, député du parti, progressait lentement. «Quand des scouts lui ont donné le bouquet de roses qui enveloppait le drapeau national, des larmes avaient coulé sur ses joues», se rappelle le diplomate. La maison du militant Salah Boulkeroua, où était descendu le chef du PPA-MTLD, avait été encerclée par la police et la gendarmerie, mais le leader national a pu en sortir sans que personne ne s'en rende compte. «Messali est allé par la suite rencontrer les cadres dans la maison d'El Aifa à El Kobia. Mais on ne s'est aperçus de rien. Demagh El Atrous, à qui j'ai posé plus tard la question, m'a avoué ne pas avoir de réponse», s'étonne le témoin, qui affirme que Messali a rencontré des militants de premier plan de la région, à l'instar de Messaoud Boukadoum, grand militant de l'Etoile nord-africaine et député MTLD après la Seconde Guerre mondiale. Autre épisode méconnu : le témoin soutient la main sur le cœur que Ben Boulaïd, Boudiaf et Ben Bella, qui ont déclenché la guerre sans leur chef, parlaient avec déférence de l'ancien dirigeant en utilisant la même expression : «Sidi El Hadj». «Hocine Ben El Mili, qui a rappelé à Boudiaf la lettre que lui a envoyée Didouche Mourad pour le persuader de mener la guerre au nom de Messali, a pleuré en disant à son interlocuteur qu'il dû le suivre. Boudiaf lui a parlé de la malédiction qui a touché ses compagnons», rapporte le diplomate qui précise que la dernière rencontre entre les deux hommes s'est tenue une semaine avant l'assassinat du président du Haut-Comité d'Etat (HCE) à Annaba. Une délégation du MNA à Rocher Noir Ali Agouni, compagnon de Messali et président du PPA, non agréé, a exhorté les chercheurs à «écrire l'histoire réelle», celle enseignée actuellement est, soutient-il, «falsifiée». L'ancien du MNA rappelle à cet effet l'accord conclu en 1956 par Mohamed Maroc et Ahmed Ben Bella à la prison de la Santé, mais, regrette-t-il, que la direction extérieure du FLN n'a pas cautionné. En mai 1961, raconte le conférencier, Messali a reçu l'envoyé du général de Gaulle, Bernard Tricot, qui lui a proposé de négocier avec son parti, le MNA, ailleurs qu'à Evian. Le leader rabroua le haut fonctionnaire en assénant que «l'Algérie est une et indivisible et a un seul drapeau». «Vous avez commencé à négocier avec les dirigeants du FLN à Evian, continuez à négocier avec eux, je les connais et je souhaite qu'ils défendront les intérêts du peuple algérien. Quant à moi, je me retire pour ne pas porter atteinte aux négociations», lança-t-il à l'effronté. Après le cessez-le-feu, le zaïm, qui n'a obtenu la nationalité algérienne qu'en 1965, a envoyé une délégation, à sa tête Zerouali Mohamed, à Rocher Noir (Boumerdès), où s'était installé l'Exécutif provisoire. Combien y avait-il de militants MNA à l'indépendance ? «Il est difficile de savoir leur nombre. A l'indépendance, certains, complètement engagés au sein du MNA, avaient des cartes du FLN. Celui qui a exécuté Amédée Froger, maire de Boufarik, était MNA. Mais j'ai appris qu'il avait sa carte FLN», signale le chercheur en histoire et journaliste Mountasser Oubetroune, qui a lu à l'assistance la lettre écrite par Messali sur son compagnon Filali Embarek, assassiné en novembre 1957. Le chercheur considère que le PPA doit être reconnu comme une «constante nationale» et que les partis politiques doivent s'y référer, «comme un porte-drapeau de lutte de libération et un bien commun de toute la nation».