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Gamal Al Banna (Ecrivain et penseur égyptien)
« Nos intellectuels ont laissé le terrain de la religion au seul Azhar »
Publié dans El Watan le 06 - 10 - 2007

Du haut de ces 88 ans, Gamal Al Banna, frère cadet du fondateur des Frères musulmans, Hassan Al Banna, continue inlassablement de publier livres et chroniques de presse pour faire entendre « une voix humaniste musulmane ».
Le Caire : De notre correspondante
On s'adresse généralement à vous comme à une « voix éclairée » de l'Islam, mais bien avant de vous intéresser à l'écriture sur la religion, vous étiez considéré comme un spécialiste des mouvements syndicaux en Egypte, comment passe-t-on du syndicat à la religion ?
Depuis tout petit, dans mes lectures, je me suis toujours intéressé aux groupes marginalisés, comme les femmes, les travailleurs, mais aussi aux systèmes politiques, etc. Pour moi, le mouvement syndical est parmi les plus importants mouvements qui ont influencé les sociétés modernes. C'est pourquoi je m'y suis intéressé non seulement pour l'étudier, mais en plus, je me suis spécialement fait syndiquer comme travailleur dans une usine de textile dans les années 1950 pour vivre vraiment l'expérience de l'intérieur. J'avais demandé à un ami de me recruter comme employé dans son usine et je me souviens encore de la surprise des autres travailleurs à mon arrivée, j'étais un petit jeune intellectuel maigrelet aux grosses lunettes, mais j'ai fini par faire mon chemin et j'ai été élu à plusieurs reprises délégué syndical. Après cette expérience, j'ai beaucoup écrit sur le mouvement syndical égyptien, j'ai aussi traduit de nombreux livres de l'anglais qui n'étaient pas encore disponibles en arabe, je voulais que les travailleurs égyptiens puissent lire les expériences syndicales en Angleterre, aux Etats-Unis, en Union soviétique.
On entend souvent dire au Caire qu'avant d'être devenu un « musulman réformiste », vous étiez d'abord un militant de gauche, est-ce vrai ?
Non jamais, j'ai d'ailleurs quitté le syndicat du textile à cause des heurts que j'avais avec les militants communistes. Ils étaient nombreux à ne voir dans le syndicat qu'un moyen de renforcer leurs visées partisanes. Et puis, je reproche aux socialistes leur dogmatisme et l'absence de liberté. D'un autre côté, les militants islamistes détestent les syndicats, pour eux, ce sont des « excroissances de Satan ! » Je me suis opposé à eux en cela, pour moi, le syndicat est au cœur de l'Islam et c'est pourquoi j'ai écrit un livre qui m'est très cher et qui s'intitule Le mouvement syndical, un mouvement humaniste.
Vous n'avez jamais donc été, comme fréquemment rapporté par les médias, ni militant de gauche ni militant islamiste ?
Les gens de gauche ressemblent à des « étrangers » au sens camusien dans leur société, je ne leur reproche pas de ne pas être croyants ou musulmans. On peut contribuer à changer nos sociétés sans être musulman, mais eux, souvent, ils ne prennent pas en considération la dimension religieuse dans nos sociétés qui est une donnée incontournable, fondamentale. D'un autre côté, les islamistes, eux, prennent leur société à contre-courant. Ce que je leur reproche, c'est qu'ils ne reviennent pas au Coran et au Prophète, mais seulement à leurs chouyoukh, leurs imams, les fuqaha qui ont posé les fondements du droit musulman, du hadith et du tafsir entre les IVe et VIe siècles de l'Hégire, il y a de cela plus de mille ans, c'est une aberration. Mais ce ne sont pas seulement les militants politiques islamistes qui font cela, c'est toute la région arabo-musulmane qui aujourd'hui macère dans une pensée salafie et se comporte comme telle. Si aujourd'hui quelqu'un disait qu'on devrait créer une cinquième école de pensée musulmane et non pas s'en tenir aux quatre madahib existant, ou que la classification des hadiths par Ibn Hanbal par exemple n'est pas bonne, c'est un tollé qui se lève !
Pourtant n'est-ce pas votre propre père qui a accompli un travail de toute une vie à rendre « lisible » le recueil de hadiths d'Ibn Hanbal ?
Oui oui, les voici d'ailleurs, ce sont tous ces volumes que vous voyez là, et c'est un paradoxe dans la famille, mon père a passé 35 ans à travailler sur le recueil (musnad) d'Ibn Hanbal, ordonné selon les noms des transmetteurs au IIIe siècle de l'Hégire et laissé en friche depuis. Mon père les a classés selon les thèmes et les catégories du fiqh, en a écrit le commentaire, extrait les statuts légaux, etc.
Mais vous-mêmes dites souvent préférer ne pas vous référer aux hadiths…
Oui, parce que de très nombreux hadiths ont été fabriqués de toutes pièces, c'est une vérité historique, ils ont commencé à être écrits en 150 Hégire, à savoir près de 100 ans après la mort du Prophète, transmis oralement, ce qui est à l'évidence un vrai problème. Ce qui nous ramène à la manière avec laquelle l'Islam est pensé aujourd'hui, il est tout de même incroyable que l'on façonne aujourd'hui sa pensée sur celle de gens morts il y a plus de 1000 ans. C'est de la pure arriération ! C'est une pensée fossilisée. D'autant que la raison est négligée alors que l'on devrait tout bâtir sur la raison. Moi je dis haut et fort que nous ne devons pas nous sentir liés, noués par les dires de tous ces imams. Revenons au Coran sans nous sentir chevillés aux tafassir.
Mais qu'est-ce qui, selon vous, explique cette « fossilisation de la pensée religieuse dans les pays arabes » ?
Ceux qui nous parlent de l'Islam, ce sont les Azharis, les ouléma d'Al Azhar, l'église musulmane ! Il n'y a qu'à voir que maintenant ils exigent que leur apparat leur soit spécifique et que personne d'autre qu'eux n'ait le droit de porter « l'habit azhari ». Eh bien, ça y est ! ça veut dire qu'ils sont devenus des prêtres, des évêques... Ceux qui ont étudié à Al Azhar y sont tombés depuis leur enfance, c'est comme cela qu'ils ont appris l'Islam et c'est comme cela qu'ils l'enseignent, ils n'ont jamais rien appris d'autre ni lu d'autres livres que ceux des fuqaha. Ils n'ont pas cherché à étudier pour savoir comment cette humanité avance, eux n'ont lu que des livres de théologie et l'enseignent. Alors quand ils montent dans une voiture ou dans un avion, ils disent la prière du voyageur : « Sobhane alladhi sakhara lana hada » (Loué soit Dieu qui a mis cela à notre disposition, ndlr) (rires)…
Mais Al Azhar a plus de mille ans d'histoire, et n'a pas toujours été ce fossile que vous évoquez…
Si, si, Al Azhar a toujours été comme ça, et puis mille ans c'est justement un problème, c'est beaucoup ! Surtout parce que c'est un symbole millénaire du conservatisme et non pas une institution où s'opère le renouvellement. Al Azhar a pu avoir quelques prises de position intéressantes au courant de l'histoire, mais cela a été sur des événements historiques. Pour ce qui est de la production de pensée, il est totalement pétrifié. Il faut dire aussi que d'un autre côté, notre intelligentsia s'est condamnée par son identification à la culture européenne, son ignorance de notre culture musulmane. Moi, je leur dis : venez lire sur l'Islam, il y a des tonnes de livres disponibles, mais il y a un problème, c'est que s'ils le faisaient, ça voudrait dire qu'ils entrent en conflit ouvert avec Al Azhar qui est puissant et allié du pouvoir. Nos intellectuels préfèrent donc éviter cette bataille et parler seulement de « créativité » comme ils disent et de « modernité ». Et puis, eux aussi ont fini par être alliés du pouvoir, il leur a confiés les organes des médias, etc., et ils sont devenus au service du pouvoir. Du coup, seul Al Azhar parle d'Islam. Ils en ont fait un monopole. Ce sont là les raisons de la crise, de l'enfermement, de la fossilisation de la pensée musulmane, notre intelligentsia a refusé de pénétrer le débat et laissé le terrain au seul Al Azhar qui est un allié du pouvoir.
Il est aussi arrivé que des intellectuels ou universitaires égyptiens ont été férocement attaqués par Al Azhar…
Oui, c'est vrai, ils ont attaqué tous ceux qui ont présenté des idées quelque peu rebelles. Mais malheureusement beaucoup de ces intellectuels ont fini eux-mêmes par rentrer dans les rangs au bout d'un moment.
Mais Al Azhar peut-il être la même source de problèmes dans des pays autres que l'Egypte ?
Oui, parce qu'il représente aujourd'hui une autorité dans le monde musulman. Et à sa périphérie, il y a les islamistes qui eux ne bâtissent par sur l'homme, mais ont construit toute leur pensée sur « foulan a dit et foulan a dit ». Alors que l'homme doit être l'objectif, le but. Les religions ne sont que des moyens, et pour moi, l'humanisme est inséparable de l'esprit de l'Islam. L'un de mes premiers livres, en 1946, s'intitule Nouvelle démocratie, un livre politique dans lequel j'interpelle les Frères musulmans en ces termes : « N'ayez pas foi en la croyance religieuse, mais ayez foi en l'homme. » C'est ce que je disais en 1946, et je continue à le dire aujourd'hui.
Quelle a été votre relation avec la confrérie des Frères musulmans avant la mort de votre frère ? Et qu'en est-elle aujourd'hui ?
Aujourd'hui, je n'ai absolument aucun lien avec les Frères musulmans, la seule relation que j'ai eue avec eux date du temps de Hassan Al Banna, pendant les années 1940, et ceux que j'ai connus à cette époque-là sont tous morts. Mais je n'ai jamais été membre, parce que j'ai toujours été très indépendant, et parce que j'avais aussi des réserves sur la pensée des Frères musulmans en dépit du fait que j'étais très proche de l'oustad El Banna, que Dieu ait son âme.


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