La violence dans les stades a atteint des proportions alarmantes en Algérien notament avec le décès du footballeur camerounais de la JS Kabylie, Albert Ebossé. Comment peut-on expliquer ce phénomène ? Vous savez, la violence n'a pas débuté dans les stades. Elle a commencé dans les foyers pour ensuite se propager ailleurs sous d'autres formes. Quand la violence envers les femmes, la catégorie sociale la plus ciblée, est banalisée, comment voulez-vous qu'on s'intéresse sérieusement à la lutte contre les autres formes de violence ? Le stade n'est en fait que le lieu de prolongement de la violence engendrée par plusieurs causes. En passant devant le stade 1er-Novembre de Mohammadia ou le stade Zioui, j'ai constaté que des supporters sont souvent maltraités par le service d'ordre avant l'accès dans l'enceinte. Ce mauvais traitement est souvent une cause de violence sachant pertinemment que ce supporter a s'offrir un ticket de stade pour y'accéder non sans difficultés et trouver une place pour suivre le match dans une infrastructure dépourvue de commodités (ni eau, ni sanitaire, ni cafétéria ...). Donc, avant même l'entame de la rencontre, on a affecté moralement ce supporter d'où sa réaction violente à la moindre étincelle. Je ne suis pas en train de cautionner la violence mais ce sont là des faits réels. La violence dans les stades est un phénomène universel. Les raisons sont-elles similaires ou diffèrent-elles d'un pays à un autre ? Certaines causes sont générales et d'autres sont spécifiques. Elles diffèrent selon la religion, les traditions, le mode de vie. Il y a trois décennies, il y avait le hooliganisme. Ces supporters anglais qu'on appelle les hooligans saccageaient tout sur leur passage. Leur état d'ébriété en accédant aux stades a constitué la principale raison du déclenchement des violences à chaque rendez-vous footballistique. Après l'étude du phénomène, les autorités de ce pays avaient alors interdit les débits de boissons alcoolisées dans les stades et aux supporters ivres d'assister aux matchs. Cette stratégie a porté ses fruits et on n'entend presque plus parler de hooligans dans les stades anglais. Cette spécificité n'existe pas en Algérie. Chez nous, ce sont plutôt les causes du mal de vivre (chômage, pouvoir d'achat, crise du logement, manque de transport, embouteillages sur les routes, insécurité au son sens large, bureaucratie, manque de moyens de distraction et bien d'autres points négatifs) qui font que le stade devient un véritable défouloir pour certains supporters. Si les hooligans exprimaient leur violence en cas de défaite, certains de nos supporters, pour ne pas dire tous, expriment même leur joie avec violence ! Et là, c'est plus grave. Comment peut-on éradiquer cette violence, selon vous ? La violence est vécue au quotidien chez nous et il n'y a pas que cela dans les stades. Je crois qu'il ne faut pas attendre qu'il y ait un drame pour réagir, il faut tout le temps en parler. La violence est multiforme et les solutions sont multiples. Il faudra travailler à la base car il faut savoir que l'absence d'éducation est une violence, l'insécurité est une violence, le chômage est une violence, la bureaucratie est une violence, l'absence de moyens de distraction est une violence... Il ne faut pas oublier aussi que nous sommes un peuple qui a subi des violences et nous sommes en train de les reproduire aujourd'hui. Le ministre des Sports, Tahmi, a déclaré que les textes juridiques pour lutter contre la violence, notamment dans les stades existent, et il va falloir les appliquer dans toute leur rigueur pour atteindre les résultats escomptés. Quelle est votre lecture ? Oui, la loi est une chose fondamentale mais il ne faut pas se contenter d'un arsenal juridique pour punir seulement sans pour autant s'attaquer aux problèmes de fond. La violence est graduée, et il faudra dans ce cas commencer par lutter à la base, c'est-à-dire par l'éducation. A titre d'information, 67% des violences sont commises au sein des familles. Alors, comment voulez-nous lutter contre la violence à l'extérieur quand les personnes sont agressées et violentées dans leurs propres foyers ? Pour cela, je dirai que la lutte contre la violence sous toutes ses formes est une mission de l'Etat et le gouvernement doit dégager un programme efficace qui permettra d'éviter fléaux, drames et tragédies et permettre aussi à notre société de s'épanouir.