Entre l'été d'hier et celui d'aujourd'hui, le passé a cédé sa place tout en laissant ses traces et sa nostalgie. Et il a aussi légué intacts au présent les 1200 km de côte jalonnée d'une fresque de plages, d'histoire et d'un patrimoine qui façonnent sa beauté baignée par le soleil méditerranéen. Les anciens le clament haut et fort : l'été algérien était paisible et simple. D'une simplicité qui rendait douce la canicule de la haute saison. Jadis, et même durant les années 1980 et 90, se rendre à la plage était un instinctif rituel où se mêlaient le respect de la mer généreuse et l'envie de se dépenser sans se soucier du temps qui filait. A l'époque, quand les oursins n'étaient pas atteints de calvitie, la pollution était une vague définition sans ancrage dans la réalité. On se contentait de quelques belles tomates, de patates bouillies, d'œufs durs et du pain pour calmer l'appétit vorace qui tenaillait le baigneur. La vie paraissait ordinaire. La matinée, les bus et les voitures convergeaient vers les sites de baignade avec empressement, mais sans un brin d'anarchie. On ne risquait pas de faire la mauvaise connaissance d'un vil « parkingueur » menaçant les vacanciers à coup de gourdin et d'insultes. La gratuité des plages était un acte palpable. On étendait sa serviette où bon nous semblait, sur l'immensité du sable des plages ou sur les rochers accueillants. Les larcins étaient maudits et leurs auteurs traînaient la honte. C'est une époque presque parfaite, diront les anciens qui partageaient des longs moments de discussions, sans qu'ils donnent l'impression d'être des reclus, comme c'est légion aujourd'hui, où la majorité des jeunes reste scotchée à leur téléphone et au monde virtuel, comme si la beauté de la plage n'a plus d'attirance. Les centres d'intérêt ont peut-être changé, et avec, tout un mode de vie qui s'estompe. Le partage, la joie de retrouver ses amis d'été ou de faire de nouvelles rencontres semblent devenir des notions de second rang, face à la frime et à l'exhibition des plus beaux équipements de la plage et des tenues. Le passé raconte que les familles ne risquaient pas d'être importunées sur les plages. L'étranger veillait à sa tranquillité en l'absence du père. Ce fut ainsi. Bien que d'apparence la nostalgie édulcore les souvenirs, il n'empêche qu'il fut un temps où les Algériens, du moins en majorité, ne pensaient pas passer leurs vacances d'été sous d'autres cieux. Nous avions notre propre été qui peut facilement être ressuscité en mieux. Pour peu qu'on se réconcilie avec la mer. Un processus qui exige de chacun de nous d'arrêter de l'incommoder avec nos immondices et faire respecter la loi dans toute sa rigueur. Ni plus ni moins.