Après plus d'une décennie d'euphorie, l'économie thaïlandaise est en berne, et pour cause, la Chine, principal client, se tourne vers l'autre tigre et non moins voisin, le Vietnam, pour les composants électroniques qui seront assemblés en Chine. La Thaïlande fabriquait quasi exclusivement tous les disques durs vendus à travers le monde avant d'être concurrencée pour ensuite être écartée de cet important marché. L'agriculture a, elle aussi, subi de plein fouet les effets de la crise financière mondiale. La chute des cours du riz et du caoutchouc sur les marchés mondiaux a été un coup dur pour ce tigre en mal de diversification économique. Perçue au départ comme un pays à main-d'œuvre bon marché, la Thaïlande a accueilli de nombreuses usines japonaises, en quête de compétitivité, notamment dans le secteur de l'automobile. Mais le boom n'a pas duré longtemps, en raison des revendications sociales. Les Thaïlandais se sont enfoncés dans un endettement problématique. Les crédits à la consommation étaient tellement irrésistibles que bon nombre de ménages ont fini par être ruinés. Du coup, les banquiers rachètent les dettes des ménages, les rééchelonnement, avec toutes les conséquences que l'on imagine. D'un climat plutôt instable, la Thaïlande en paie le prix fort. Avec les moussons qui font des ravages, mais pas seulement, puisque même quand il fait chaud et humide, la pluie s'invite avec son lot d'inondations, notamment durant la saison des pluies, qui s'étale de juin à octobre et où le soleil et la pluie jouent au yoyo, donnant le tournis aux touristes non habitués à ces bouleversements climatiques. Mais cela n'a pas empêché les Thaïlandais de continuer à investir. Les milliardaires, et ils sont nombreux, ratissent large, notamment dans l'immobilier qui ne semble pas connaître de crise, en témoigne ces gratte-ciel qui poussent comme des champignons à Bangkok. Férus de jeux de hasard, superstitieux à outrance, les Thaïlandais consacrent une bonne partie de leur budget aux loteries, notamment les 1er et 16 du mois. Allez savoir pourquoi. En Thaïlande, le contraste est frappant : riches et pauvres cohabitent, se disputent les espaces. Dans les rues de Bangkok, les pick-up flambant neufs et autres bolides côtoient les tuc-tuc et autres mototaxis, comme les gratte-ciel se disputent les terrains aux bidonvilles longeant la rivière Chao Phraya. Des restaurants chic font face aux magasins de restauration rapide qui préparent plats et jus sur les trottoirs. Ayant bénéficié du boom économique des trois dernières décennies où sa croissance atteignait les 9% par année, la Thaïlande en a profité pour mettre en place des infrastructures de base de qualité mondiale, à l'image de l'aéroport international de Bangkok, ou encore son réseau autoroutier qui n'a rien à envier à ce qu'on trouve dans les pays développés. Seul le secteur tertiaire, notamment la finance, les télécommunications et la production cinématographique, tire son épingle du jeu, pour le moment. Le tourisme, une valeur sûre S'il est un secteur qui continue à assurer des entrées considérables au royaume, c'est bien le tourisme. Disposant de nombreux atouts, la Thaïlande demeure l'une des destinations touristiques les plus prisées au monde. Avec ses plages de sable fin et ses cocotiers, à Pattaya ou à Phuket, mais aussi à Chiang Mai pour les amateurs du trekking et de la rencontre des tigres et des éléphants, ou encore le parc national de Khao Sok. En fait, tout le pays est une destination touristique de premier ordre, à commencer par la capitale Bangkok, ses buildings dernier cri et ses immenses grandes surfaces ou encore ses marchés ambulants, ses salons de massage, ses temples, ses palais dorés, mais aussi la possibilité de faire des excursions d'une demi-journée en pleine jungle pour contempler les marchés fluviaux et se payer une balade à dos d'éléphant. A Bangkok, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. L'on peut, par exemple, faire ses courses à bas prix dans le quartier de Pratunam, ou dans le quartier arabe, comme on peut prétendre au luxe en se rendant dans le très chic quartier de Rotchada et ses imposantes grandes surfaces. Le pays dispose d'infrastructures hôtelières suffisamment fournies pour accueillir davantage de touristes. Si les Occidentaux en raffolent depuis plusieurs années, et ce en dépit du tsunami ayant frappé Phuket en 2004, ce sont les Chinois, de plus en plus nombreux, qui font le bonheur du secteur touristique thaïlandais. Revers de la médaille : le tourisme sexuel, qui attire de nombreux clients, notamment les pédophiles de tous bords, demeure très présent et très pesant sur la notoriété du royaume, malgré tous les efforts consentis en vue d'en atténuer la portée. En dépit d'une densité démographique impressionnante, notamment dans les grandes villes, la présence policière est quasi inaperçue. Dans les marchés ambulants, l'on peut lire des pancartes avertissant les touristes des risques de se faire voler par des pickpockets « non thaïlandais ». La précision est de taille. Car les Thaïlandais veulent présenter leur pays comme étant l'un des plus sûrs, malgré les attentats terroristes, dont le dernier a eu lieu fin août écoulé. Incertitudes politiques Ce qui fait craindre le plus en Thaïlande, c'est l'instabilité politique. Le pays, une monarchie constitutionnelle, est connu pour avoir vécu au rythme des coups d'Etat, dont le dernier est survenu en 2014. La junte militaire au pouvoir a concocté une nouvelle Constitution, la 20e que le pays connaît depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle, a été votée en août dernier, sans le moindre débat politique, étant donné que l'activité politique a été gelée depuis le coup d'Etat. La junte militaire prévoit des élections générales pour 2017 sous le contrôle de l'armée qui devra nommer, pour les cinq ans à venir, les membres devant siéger au Sénat. Mais dans les rues, notamment à Bangkok, pas de trace de militaires. Mais ce calme apparent cache une crise qui pourrait dégénérer à tout moment. Une situation qui n'est pas sans comporter de grands risques pour la stabilité et l'unité du pays. Déjà, les séparatistes du Sud se sont illustrés par la multiplication d'attentats terroristes ciblant les stations balnéaires et rien n'indique qu'ils s'arrêteront avant l'aboutissement de leurs revendications. L'ancien royaume du Siam devrait, également, en découdre avec une partie de la classe politique mise au frigo depuis le dernier coup d'Etat, notamment les Chemises rouges qui se sont illustrés en 2010 à travers des manifestations grandioses réprimées par la junte militaire et qui ont fait des dizaines de morts. Ainsi, le nord du pays est sous la menace des Chemises rouges, tandis que le sud est sous l'emprise des séparatistes musulmans, alors que l'avenir politique du royaume s'assombrit de plus en plus, les craintes vont grandissant. Mais la goutte qui pourrait faire déborder le vase est la succession au roi Bhumibol Adulyadej, alias Rama IX, âgé de 88 ans, qui souffre de troubles cardiaques et respiratoires, selon le palais royal. Son fils, le prince Maha Vajiralongkorn, ancien général de l'armée de l'air et ancien amiral de la flotte thaïlandaise, est un personnage qui ne fait pas l'unanimité, en raison des nombreuses accusations qui pèsent sur lui. Menant un train de vie fastueux et très mal vu des hauts gradés de l'armée, son accession au trône pourrait mettre le feu aux poudres dans un pays qui se tient le ventre.