Le grand maître russo-danois Aaron Nimzovitch est célèbre dans le monde contemporain des échecs comme étant d'abord un joueur de premier ordre, dont l'apogée se situe à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Ses succès les plus notables sont ses premières places aux tournois de Copenhague de 1923, de Dresde en 1926 et de Carlsbad en 1929, ainsi que sa deuxième place derrière Alexandre Alekhine à San Remo en 1930. Aaron Nimzovitch fut l'un des plus profonds penseurs échiquéens modernes, ayant révolutionné de fond en comble la théorie et la pratique de la stratégie des échecs avec de nouvelles conceptions en s'opposant au père de la stratégie classique et « Précaeptor Germanie », Siegbert Tarrasch, le représentant par excellence de cette école qui prônait la logique en se basant sur des concepts considérés comme « dogmatiques ». Nimzovitch, connu et respecté pour ses talents de pédagogue et fondateur de l'école hypermoderne, fut le précurseur des notions de surprotection par le contrôle doublé ou triplé des lignes ou des cases importantes susceptibles de jouer un rôle dans le combat, de « bloquade » qui consiste à limiter la mobilité des pièces adverses avant de lancer une quelconque attaque ou même de prendre l'initiative, de prophylaxie avec l'esprit de contrer les menaces de l'adversaire avant qu'elles ne surviennent, de louvoiement afin de tirer profit de l'amélioration progressive de la position des pièces, de développement élastique avec un contrôle et non par l'occupation du centre, l'adversaire étant invité à prendre possession du centre avec les pions qui deviennent ainsi les cibles d'attaque, de centralisation des pièces et celle du roi en finale. Toutes ces idées furent exprimées dans plusieurs ouvrages dont les plus importants « Mon systè- me », « La pratique de mon système », « La bloquade ». Né à Riga, en Lettonie, c'est son père qui était poète et excellent amateur de jeu d'échecs qui apprit à jouer à Aaron à l'âge de huit ans. Il fit ses études en Allemagne. En 1904, il s'inscrivit à Berlin afin d'étudier la philosophie, mais il interrompit ses études dans leur première année pour se consacrer à une carrière de joueur d'échecs professionnel. Il commença à jouer les premiers rôles dès 1906 par une victoire à Munich et une victoire en 1914 au championnat de Russie à Saint Petersbourg ex aequo avec le futur champion du monde Alexandre Alekhine, 1er à Copenhague en 1923, 1924, 1928, 1933 et 1934 ; 1er-2e avec Akiba Rubinstein à Marienbad, Tchéquie, en 1925 ; 1er à Dresde avec un point et demi d'avance sur Alekhine en 1926 ; 1er à Hanovre devant Rubinstein ... Nimzowitch n'a jamais gagné une seule partie face au champion du monde Jose Raoul Capablanca avec qui des négociations pour un match titre en jeu ont échoué en 1925. Mais il a mieux réussi face à Alekhine, qu'il a battu. Une de ses parties les plus connues est son Immortelle du « Zugzwang », jouée contre le grand maître allemand Fritz Samisch en 1923 à Copenhague, qui se conclut par une situation de paralysie. Sa contribution à la théorie des ouvertures est aussi importante avec une ouverture qui porte son nom (la défense Nimzovitch), ainsi que de nombreuses variantes de différents débuts. On raconte que Nimzovitch était tellement à cheval sur ses nouveaux concepts stratégiques qu'il n'hésitait pas à les appliquer en tout lieu et en tout temps. Ainsi, lors d'un tournoi officiel où il était interdit de fumer, Emanuel Lasker, le champion du monde, posa un cigare sur le bord de l'échiquier. Aaron Nimzovitch, qui en était l'adversaire, se lève alors, et se dirige vers l'arbitre pour lui signaler le fait, et lui demander d'appliquer le règlement. L'arbitre rappelle alors à Lasker qu'il est interdit de fumer, et ce dernier de répondre : « Mais je ne fume pas ! » L'arbitre s'adresse à Nimzovitch : « C'est vrai, il ne fume pas ! » Nimzovitch répond alors : « Mais vous savez très bien qu'aux échecs la menace est plus forte que l'exécution ! S'il commençait à fumer, ce serait la catastrophe et il vaut mieux contrer la catastrophe avant qu'elle ne survienne ! ». Partie n= 1 Blancs : Nimzovitch Aaron Noirs : Salwe Georg Carlsbad 1911 Défense française 1.e4 e6 2.d4 d5 3.e5 c5 4.c3 Cc6 5.Cf3 Db6 6.Fd3 Fd7 ?! 7.dxc5 !? Fxc5 8.0–0 f6 ? 8...a5 ; 8...Cge7 ?? 9.b4+- 9.b4 ! Contrôle des cases c5, d4, e5 9...Fe7 10.Ff4 Surprotection de la case e5 10...fxe5 11.Cxe5 Cxe5 12.Fxe5 Cf6 12...Ff6 ? 13.Dh5+ g6 14.Fxg6+ hxg6 15.Dxg6+ Re7 16.Fxf6+ Cxf6 17.Dg7++- 13.Cd2 13.Dc2 ? 0–0 ! 14.Fxf6 Txf6 15.Fxh7+ Rh8 16.Fg6 e5 !–+ 13...0–0 14.Cf3 Fd6 14...Fb5 ? 15.Fd4 Da6 16.Fxb5 Dxb5 17.Cg5 ! 15.De2 15.Fd4 ? Dc7 16.De2 Cg4 ! 17.h3 e5 ! 15...Tac8 16.Fd4 Dc7 Diagramme n= 1 17.Ce5 ! Fe8 18.Tae1 Fxe5 19.Fxe5 Dc6 20.Fd4 Fd7 21.Dc2Tf7 22.Te3 ! b6 23.Tg3 Rh8 24.Fxh7 !± e5 !? 24...Cxh7 25.Dg6 !+- (25.Th3 ? Tf5 26.g4 e5 ! 27.Fxe5 (27.gxf5 exd4 28.f6 ? Fxh3 ) 27...Dg6 !) 25.Fg6 Te7 26.Te1 Dd6 27.Fe3 d4 28.Fg5 Txc3 29.Txc3 dxc3 30.Dxc3 Rg8 31.a3 Rf8 32.Fh4 Fe8 33.Ff5 Dd4 34.Dxd4 exd4 35.Txe7 Rxe7 36.Fd3 Rd6 37.Fxf6 gxf6 38.Rf1 Fc6 39.h4 1–0 Partie n= 2 Blancs : Nimzovitch,Aaron Noirs : Bernstein,Ossip Vilnius 1912 Défense française 1.e4 e6 2.d4 d5 3.e5 c5 4.Cf3 cxd4 5.Dxd4 Cc6 6.Df4 Dc7 7.Cc3 a6 8.Fd3 Cge7 9.0–0 Cg6 10.Fxg6 hxg6 11.Ce2 Fe7 11...Cxe5 12.Dxe5 (12.Cxe5 Fd6) 12...Fd6 13.Dxg7 Fxh2+ 14.Rh1 Fe5+ 12.Ced4 Cxd4 13.Dxd4 Dxc2 14.Fe3 Dc4 15.Dxc4 dxc4 16.Fb6 ! Fd7 17.Tfc1 Tc8 18.Cd2 ! Fg5 19.Ce4 ! 19.Cxc4 Fxc1 20.Cd6+ Re7 21.Cxc8+ Txc8 19...Fxc1 20.Cd6+ Rf8 21.Cxc8 Fg5 21...Fxb2 22.Td1 Re8 23.Cd6+ Re7 (23...Rf8 24.Cxc4) 24.Cxc4 Fc3 25.Fc5+ Re8 26.Cd6+ Re7 (26...Rd8 27.Cxf7+) 27.Ce4+ 22.f4 ! Fxc8 22...Fxf4 23.Td1 Re8 24.Cd6+ Re7 25.Fc5 b6 26.Cf5+ Re8 27.Cd6+= 23.fxg5 Fd7 24.Td1 Re7 25.Fc5+ Re8 26.Td4 Fc6 27.Txc4 Fd5 28.Tb4 Rd7 29.Tf4 Rc6 30.Fd6 Td8 31.b3 Td7 32.h4 ! a5 33.g4 ! b5 34.h5 gxh5 35.gxh5 a4 36.bxa4 Fxa2 36...bxa4 37.h6 37.a5 ! Ta7 38.Ff8 Fb1 39.Tf1 Fd3 40.Td1 Ff5 41.Fb4 ! Ta8 42.Td6+ Rc7 43.a6 ... 44.Fa5 Rb8 45.Td8 Ra7 46.Fb6 +- 43...Th8 44.Fc5 ! Fg4 44...Txh5 45.Fb6+ Rc8 46.Td8mat 45.h6 gxh6 46.gxh6 Rb8 47.Rf2 Ff5 47...Txh6 48.a7+ Rb7 49.Td8+- 48.Rf3 b4 49.Fe3 Ra8 50.Tb6 Tf8 51.Txb4 f6 52.Fc5 ! Tc8 52...Tf7 53.Tb7 ! Txb7 54.axb7+ Rxb7 55.exf6 Fg6 56.f7 Fxf7 57.h7 53.exf6 ! Txc5 54.f7 Tc8 55.Tb7 ! Fd3 55...Fg6 56.Te7 Tf8 57.Te8+ Txe8 58.fxe8D+ Fxe8 59.h7 56.Te7 Fb5 57.Rf4 ! 57.Te8 ?! Fxe8 (57...Txe8 ? 58.fxe8D+ Fxe8 59.h7) 58.f8D Fc6+ 57...Th8 58.h7 Fa4 59.Re5 Fb5 60.Rf6 e5 61.Rg7 1–0 Partie n= 3 Blancs : Nimzovitch Aaron Noirs : Alapin Simon Vilnius 1912 Défense sicilienne 1.e4 c5 2.Cf3 Cf6 3.Cc3 d5 4.exd5 Cxd5 5.d4 e6 6.Cxd5 Dxd5 7.Fe3 cxd4 8.Cxd4 a6 perte de temps 9.Fe2 ! Sacrifice de pion pour gagner un temps de développement 9...Dxg2 ? Très risqué 10.Ff3 Dg6 11.Dd2 Trois pièces développées constituent une large compensation pour le pion sacrifié ! 11...e5 ?12.0–0–0 ! exd4 13.Fxd4 Cc6 14.Ff6 ! Dxf6 14...Fe7. 15.Fxc6+ bxc6 16.Dd8+ ! 15.The1+ Fe7 15...Fe6 16.Dd7mat 16.Fxc6+ Rf8 16...Fd7 17.Dxd7+ Rf8 18.Dd8+ Fxd8 19.Te8mat ; 16...bxc6 17.Dd8mat Diagramme n= 3 17.Dd8+ !! Fxd8 18.Te8mat 1–0 Partie n= 4 Blancs : Saemisch Fritz Noirs : Nimzovitch Aaron Copenhague, 1923 Défense Ouest Indienne 1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cf3 b6 4.g3 Fb7 5.Fg2 Fe7 6.Cc3 0–0 7.0–0 d5 8.Ce5 c6 9.cxd5 cxd5 10.Ff4 a6 11.Tc1 b5 12.Db3 Cc6 13.Cxc6 Fxc6 14.h3 Dd7 15.Rh2 Ch5 16.Fd2 f5 17.Dd1 b4 18.Cb1 Fb5 19.Tg1 Fd6 20.e4 fxe4 21.Dxh5 Txf2 22.Dg5 Taf8 23.Rh1 T8f5 24.De3 Fd3 25.Tce1 h6 Diagramme n= 4 « Zugwang ». Aucune pièce ne peut se mouvoir sans perte de matériel 0–1
