Résumé de la 64e partie n Charcot achète un nouveau navire, «Le-Pourquoi-pas ?». on lui accorde d'importantes subventions qui vont lui permettre d'effectuer des expéditions. Il va se heurter à de multiples difficultés, les expéditions dans le Grand Nord n'étant pas une sinécure. Il lui faut, en effet, comme pilote du «Pourquoi-Pas ?» une résistance à toute épreuve et un grand courage. Il faut, par exemple, supporter les froids les plus extrêmes, rester tout le temps éveillé, et parfois même ne pas dormir de jour comme de nuit, pour éviter les récifs et les glaciers flottant sur l'eau. Les opérations de navigation sont souvent entravées par la brume et il faut avancer à l'aveuglette, se fier autant aux instruments qu'à son intuition. «Attention ! Attention !» crie-t-il, à chaque fois qu'il croit entrevoir l'ombre d'un iceberg. Bien souvent, c'est lui qui prend position dans le nid-de-corbeau (appelé également nid-de-pie), tonneau suspendu au grand mât d'où on peut surveiller efficacement la route et signaler tout danger. Voilà ce que Charcot lui-même écrit, à propos du nid-de-corbeau : «Le nid-de-corbeau du «Pourquoi-Pas ?», comme sur la plupart des navires semblables, est placé au sommet du grand mât. Longues sont les heures de ma vie que j'y ai passées ! (…) D'un lieu élevé, il est facile de savoir si la banquise couvre une surface étendue, si elle est lâche, serrée, compacte, si elle présente des points de moindre résistance ou des chenaux favorables. Seulement ainsi, on appréciera encore la véritable épaisseur et constitution des glaces isolées ; en connaissance de cause, on se rendra compte de l'importance des éperons sous-marins et on décidera de la manœuvre à exécuter.» Les écueils évités, le navire doit progresser dans la glace. Il ne la brise pas pour avancer mais il doit glisser entre ses fentes : des hommes, armés d'espars, sortes de perches, longues de 6 à 10 mètres, repoussent vigoureusement les blocs qui menacent de se refermer sur la coque. Quand de gros morceaux de glaces obstruent la route, on arrête les machines, on fixe des amarres sur la glace et on tire péniblement pour dégager. Il faut aussi protéger contre les pointes tranchantes des glaciers, le gouvernail et l'hélice. S'ils venaient à être brisés, c'est tout le bateau qui serait perdu ! Tant de peines, de souffrances, d'incertitude : mais cette vie plaît à Charcot qui ne veut pas, pour tout l'or du monde, retourner à son cabinet médical. Quand on lui demande ce qu'il aime le plus, il ne manque pas de répondre : «La mer… le grand large !» Sur son bateau, en effet, il goûte à des joies ineffables, celle d'un air pur, froid mais revigorant, d'un puissant sentiment de liberté et de spectacles inoubliables… «Dans le crépuscule coloré et lumineux, écrit-il, une lueur émanait des glaçons que nous traversions. De mon perchoir, les agrès et la mâture dessinaient leurs lignes noires, fines et élégantes ; en baissant les yeux, je distinguais à peine le pont où les lampes des claires-voies et de l'habitacle brillaient comme trois petites veilleuses ; le beaupré et l'avant se détachaient sur la mer sombre et gravement, donnant une impression de volonté et de force, nous entraînaient vers une destinée inconnue ; évitées ou bousculées, les grandes plaques blanches passaient, leurs éperons et excroissances sous-marines mouchetant les eaux noires d'éclats verdâtres. A minuit, je descendis du nid-de-corbeau, la nuit alors complète y rendait ma présence inutile…» (A suivre...)