Résumé de la 1re partie n Redgrave se rend chez le gouverneur pour l'informer de la découverte du corps d'une fille sacrifiée selon un rituel... - Attendez... Attendez... Et le gouverneur, s'avisant que le sergent Redgrave est devant lui au garde-à-vous, raide comme un piquet, lui montre une chaise : «Et asseyez-vous, bon sang !... Ce n'est pas un problème qu'on va régler en trois coups de cuillère à pot.» Le gouverneur est, lui aussi, une caricature : chauve et distingué, il a le ton cassant, le geste impérieux, une belle voix grave et s'exprime dans un anglais parfait. Toute son énergie est mobilisée vers un seul objectif : l'autorité. Son autorité jamais ne doit être contestée puisqu'il représente le gouvernement de Sa Majesté britannique. Malheureusement, il n'est ni plus ni moins hésitant que les autres hommes et, comme eux, il doute à tout bout de champ. Tandis que le sergent Redgrave l'observe, assis sur le bord d'une chaise, le gouverneur s'interroge une fois de plus : doit-il laisser ce policier professionnel, consciencieux et borné, foncer dans le brouillard ? Dans ce pays où, en dépit de tous les progrès de la civilisation, le culte vaudou se maintient à l'état endémique, un crime rituel est toujours inquiétant. Il peut être le prélude à quelques dangereux coups de tête de la part du cocktail de Noirs, d'indiens et de sang-mêlé qui vivent entre la rivière Demeara et les monts-de-la-Lune. «Vous êtes sûr de votre affaire ? demande le gouverneur au sergent Redgrave... Je veux dire : sûr d'arrêter les vrais coupables ?... très vite, et quels qu'ils soient ? — Oui, monsieur le gouverneur.» Le gouverneur n'ose pas dire qu'il préférerait si l'affaire doit traîner en longueur, qu'on l'étouffe gentiment... C'est le genre d'avis que ne comprendrait pas le sergent Redgrave. Il insiste tout de même : «Si vous n'en êtes pas certain... — J'en suis certain, monsieur le gouverneur. — Alors, allez-y, sergent... Vous avez carte blanche», dit-il en soupirant d'inquiétude. Le sergent Redgrave ne s'est pas trompé. La façon dont Clara est morte est facilement et rapidement éclaircie, il s'agit bien en effet d'un sacrifice rituel auquel une centaine d'indigènes ont collaboré. Comment et pourquoi Clara a été choisie comme victime, le policier ne le sait pas encore. Mais quelques témoins, affirmant n'être mêlés en rien à cette cérémonie, vont lui raconter comment une troupe – sorcier en tête – est venue, en fin d'après-midi, enlever la malheureuse enfant. Ces gens se sont réunis dans une clairière perdue au fond de la forêt vierge où ils ont allumé de grands feux. Au rythme des tambours creusés dans des troncs d'arbres et des calebasses évidées, ils ont chanté, entremêlant les complaintes héritées des esclaves d'autrefois, les hurlements cadencés dépourvus de sens et les hymnes chrétiens. Cet accompagnement sonore soutenait un déchaînement de danses qui ne cessait de croître à mesure qu'avançait la nuit. Le maître du jeu était un petit sorcier indien vivant dans la forêt et, paraît-il, âgé de plusieurs siècles ! Quand l'aube approcha, le sorcier s'en fut réveiller Clara qui, malgré le tintamarre, dormait sur une couverture dans un coin de la clairière. Le sorcier la fit entrer dans une case construite pour l'occasion et brillamment éclairée avec des bougies. Là elle fut étendue sur une sorte de lit grossier et la scène d'horreur commença. (A suivre...)