Deux Saoudiens sur trois ont moins de 25 ans. Victimes du chômage et d'un système éducatif inadapté, certains se laissent tenter par l'extrémisme religieux. Comme il a changé, le royaume des Al-Saoud... Dans les années 1970, à l'époque du premier choc pétrolier et de l'argent facile, de nombreux Occidentaux imaginaient les Saoudiens au volant d'une Rolls-Royce plaquée or, quittant de temps à autre leurs palais immenses pour les palaces de la Côte d'Azur ou les grands magasins de Londres. Depuis, les attentats du 11 septembre 2001 ont bouleversé l'image du pays et de ses habitants ? vue des Etats-Unis, en particulier. Pas moins de 15 Saoudiens figuraient parmi les 19 pirates de l'air. Tous avaient moins de 30 ans. A Riyad, le gouvernement tente de relativiser : «3 terroristes sur 4 dans le monde ne sont pas Saoudiens ! s'exclame Ali Al-Hakami, ministre adjoint chargé de la Réforme de l'enseignement. Si autant de mes compatriotes ont participé aux attentats, c'est parce que Ben Laden l'a voulu ainsi. Son casting est destiné à embarrasser l'Arabie saoudite face aux Etats-Unis.» Certes. Mais dans quelles conditions ces jeunes ont-ils été recrutés ? A l'exception de deux, tous étaient étrangers aux groupes islamistes extrémistes. Ils ont été choisis deux ans avant l'opération, semble-t-il, par des recruteurs d'Al-Qaîda. A y regarder de plus près, leur parcours s'explique autant par le fondamentalisme religieux que par un profond malaise social. La majorité était originaire d'une province déshéritée, l'Asir, dans le sud-ouest du pays. Avant de rejoindre Al-Qaîda, beaucoup étaient au chômage. D'autres faisaient des petits boulots, que leurs compatriotes jugeaint humiliants. Hamza Al-Ghamdi, par exemple, détourna l'avion qui heurta la tour sud du World Trade Center ; jusqu'à l'automne 2000, il travaillait dans l'arrière-boutique d'une quincaillerie. Hani Hajour, lui, était aux commandes de l'appareil qui s'est écrasé sur le Pentagone ; âgé de 29 ans, il rêvait de voler pour la compagnie nationale Saudia. Malgré sa licence de pilote de ligne obtenue en 1999 aux Etats-Unis, il n'a pas réussi à décrocher un job. Les auteurs des attentats du 11 septembre ne sont pas des cas isolés. Des centaines de Saoudiens se sont battus, en Afghanistan, aux côtés des taliban. Et plus d'un tiers des prisonniers islamistes détenus dans le camp américain de Guantanamo Bay, à Cuba, sont d'origine saoudienne. Si les liens entre Al-Qaîda et l'Irak semblent difficiles à démontrer, ceux unissant l'organisation d'Oussama ben Laden à des pans entiers de la société saoudienne ne font guère de doute. Des milliards de dollars venus du royaume ont alimenté des groupes armés. D'autres fonds ont permis la création d'innombrables institutions religieuses fondamentalistes, telles ces écoles coraniques du Pakistan d'où sont issus les taliban.