Stratégie n La plupart des imams reverront, peu à peu, leurs prêches pour les adapter aux réalités du moment sans toucher toutefois au domaine sacro-saint de la politique. Il est clair que les discours des imams ne pouvaient aller à contresens du courant général. En encourageant les fidèles à respecter la baraka des marabouts et des anciens, ils ne pouvaient que les maintenir et les enchaîner dans leur crédulité, au grand bonheur de l'administration coloniale. Bref, ce qui arrangeait les uns profitait aux autres. Et c'est la raison pour laquelle un homme de la stature de Ben Badis allait passer au tamis toutes les scories d'essence païenne qui empoisonnaient la religion. Aidé par une bonne vingtaine de réformateurs il se mettra, conférence après conférence, à replacer les choses à leur place et à plaider pour un islam débarrassé des «bidaâ». Le génie de Abdelhamid fut de ne pas mélanger politique et religion et de ne s'en tenir qu'au dogme, au fikh et à la sunna. Une campagne d'intoxication et de désinformation sera lancée et orchestrée aussitôt par les suppôts de l'Algérie française pour diaboliser Ben Badis. Tant que le peuple algérien adorait ses marabouts, l'ordre colonial pouvait dormir sur ses deux oreilles. Les dirigeants français de la colonie étaient convaincus qu'un islam «lifté» et délesté de sa gangue était capable de donner des idées aux indigènes, ce dont personne ne pouvait prévoir les conséquences. La plupart des imams reverront, peu à peu, leurs prêches pour les adapter aux réalités du moment sans toucher toutefois au domaine sacro-saint de la politique. Plus tard, les prédicateurs du FIS voudront réformer eux aussi la religion à leur manière en plus de la politique. Ils feront des mosquées leurs meilleures tribunes et des fidèles leurs plus fervents militants. Partant du principe qu'il n'y a pas de parti au dessus de Dieu, ils réussiront à faire de leur formation la plus grande et la plus efficace institution organique du pays, bien loin du FLN qu'ils regardent désormais comme un «sanafir», c'est-à-dire un nain. Et comme l'excès en toute chose finit par nuire, les assassinats et les meurtres en masse de paisibles algériens par leur bras armé amèneront le peuple qui a voté collectivement FIS à reconsidérer sa position et à faire moins confiance à des zélateurs, des illuminés assoiffés de pouvoir.