Portrait Fatima a 50 ans et est mère de 7 enfants. Elle n?est jamais allée à l?école. Elle tente, même si elle n?en saisit pas la définition exacte, de répondre à une question sur la classe moyenne. «Je suis née à Alger. Après l'indépendance, mon père s'est installé dans un deux-pièces. Mes 5 frères sont venus par la suite, nous avons grandi et vécu dans la promiscuité. Mes frères se sont mariés et sont devenus pères dans le même appartement ! La vie était devenue insupportable !», marmonne la mère en ajustant son foulard sur ses cheveux grisonnants. Elle avait un couffin vide, elle se rendait au marché. «Je n?ai encore rien acheté, je n?ai que 200 DA, regardez, et je dois faire le marché. Un kilo de pommes de terre à 45 DA ! Les tomates à 60 DA ! Que dois-je acheter et que dois-je préparer ? Nous n?y arrivons plus !», dit-elle agacée. Elle se tait un moment, puis enchaîne : «Près d'une quinzaine de personnes se partageaient le toit familial. Même quand je me suis mariée, mon époux, un enseignant, n'avait pas d'appartement, nous n?avions pas où aller et la location est chère», confie-t-elle. «Quatre ans plus tard, nous avons réussi à louer un F2 dans la banlieue d?Alger grâce à l?aide d?un ami de mon mari, le loyer était abordable. Mes enfants ont grandi, les uns travaillent et d?autres étudient, c?est ainsi que nous arrivons à équilibrer nos dépenses. Mon mari est retraité et sa pension ne pourra jamais nourrir 7 personnes ! Tout le monde participe aux frais.» Farid, un cadre exerçant dans une administration étatique, dit, dans un sourire ironique : «Classe moyenne ! Elle n?existe plus en Algérie, aujourd?hui, il y a ceux qui vivent et ceux qui ne vivent pas ! Il y a les riches et les pauvres ! Il y a ceux qui mangent et ceux qui meurent de faim !» Il confie qu?il a 8 personnes à charge et que son salaire de 40 000 DA lui permet à peine de couvrir les besoins de sa famille nombreuse. «Le pain me coûte environ 3 000 DA/mois, l?eau, l?électricité et le gaz environ 4 000 DA. Le marché, n?en parlons pas ! A cela s?ajoutent les frais de scolarité et les besoins quotidiens. Alors lorsque quelqu?un est malade, c?est la catastrophe. Les vacances ? C?est pour les riches, pas pour nous !» Notre cadre explique qu?il respire un peu depuis que ses deux enfants travaillent dans une société privée. «Lorsqu?on est nombreux, je crois que l?on peut se permettre certaines choses, comme une voiture, des vacances? Tout est tellement cher !»