Nos députés, une fois n'est pas coutume, ont imprimé une ouverture mouvementée à la session printanière de la chambre basse du Parlement. Dans l'absolu, il s'agit d'un signe de bonne santé. Depuis son élection en 2012, l'APN s'est montrée plutôt discrète, pour ne pas dire docile. Ses travaux, faute de débats contradictoires et d'idées novatrices, se déroulent comme un fleuve tranquille où l'exécutif a toujours le dernier mot. À l'issue de brefs échanges entre les supposés représentants du peuple et leurs vis-à-vis, prétendus défenseurs de l'Etat, l'hémicycle, comme un seul homme, lève le bras haut pour adopter toutes les propositions. La messe se termine par le bal costumé des congratulations d'usage et chacun rentre sereinement chez-lui dans l'attente de prochaines retrouvailles. Cette fois, il y eu les manifestations de In Salah et chacun a essayé de tirer la couverture vers lui. Se rappelant au bon souvenir de leurs électeurs, nos parlementaires (les présidents des deux Chambres compris) cèdent à la tentation politicienne pour s'inscrire dans la «controverse» en cours sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste. Dans la mesure où aucun nouvel élément d'information n'a été apporté à la discussion, il y a dans tout ce tapage un soupçon manifeste de mauvaise foi électoraliste ou d'obéissance aveugle au pouvoir -c'est, selon- avec les mêmes petits calculs étroits et les mêmes boulimies carriéristes. Autrement, le bien-être des citoyens et l'intérêt national sont les derniers soucis de nos élus, à tous les échelons. Aucun Algérien ne me contredira dans la formulation de ce grave reproche. Pour ou contre le gaz de schiste, les députés et les sénateurs se sont bruyamment exprimés, même si les manifestants directement concernés de In Salah, à leur corps défendant, refusent la politisation de leurs craintes. Les uns se font un grand honneur de rassurer les citoyens du Grand Sud sans connaître quoi que ce soit au dossier. Les autres, aussi peu renseignés, promettent l'enfer si l'on ose toucher à ses «maudites» réserves énergétiques. Les discours des uns et des autres ne s'articulent sur aucun argumentaire sérieux. En spectateur abasourdi par tant de culot, le citoyen lambda se pose des questions : hormis les petites bribes d'informations rapportées par les médias locaux, que savent nos députés au sujet du gaz de schiste ? Se sont-ils amplement renseignés et documentés avant de se prononcer ? Avaient-ils sollicité une étude d'impact ? Concrètement, que font-ils ? Nous savons, tous, qu'ils n'ont rien fait de tel. Nous savons aussi qu'ils ne se préoccupent pas du tout de notre santé. Sinon, comment expliquer la souffrance vécue dans nos hôpitaux par des milliers de malades sans que nos respectueux députés ne bougent le petit doigt ? L'Etat consacre de volumineux budgets au secteur de la santé, alors que la qualité des prestations fournies ne cesse curieusement de reculer. A-t-on diligenté une enquête ou une inspection pour expliquer ce paradoxe ? Bien sûr que non ! Des millions d'Algériens se plaignent présentement de la hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité. Ces soi-disant élus ont-ils fait quelque chose pour réduire la spéculation, lutter contre l'informel et exiger la régulation du marché ? Nos députés, logés sous bonne garde dans des hôtels étoilés, se sont-ils un jour intéressés de près à cette crise du logement qui fait beaucoup de mécontents ? La détérioration du cadre de vie, la pollution des réserves naturelles, l'insécurité routière, le chaos urbanistique, les contre-performances de l'école et de l'université, la mauvaise gestion des collectivités locales, les lenteurs dans la réalisation et la réception des équipements publics, la bureaucratie, le clientélisme politique sont, aussi, autant de dossiers qui laissent nos parlementaires de marbre. Enfin, le rôle de tous ces députés, grassement payés par le contribuable (partisans et opposants), ne devrait pas se limiter à cela : dormir sur leurs deux oreilles trois ans durant pour se réveiller un beau matin en importunant les gens comme ça. C'est à rougir de honte ! K. A.