La contestation au Rif marocain se poursuit. La population d'Al Hoceima était toujours dans les rues durant le week-end, peu après le ftour (rupture de jeûne), rapporte la presse locale. Le Hirak du Rif gagne désormais en sympathie et mobilisation des Marocains. Le mouvement n'est d'ailleurs plus celui d'une région mais de toute une nation. En effet les soutiens aux «frères rifains» proviennent de nombreuses provinces. Al Hoceima, l'épicentre de la colère populaire, innove désormais dans les outils de lutte. L'une des stratégies des meneurs était depuis jeudi 1er juin, en plus les rassemblements et marches, la grève générale. En effet, Nabil Ahmadjik, le numéro deux du Hirak a appelé, mercredi dernier, à une grève générale des commerçants dans toute la province. Et l'appel a trouvé un large écho. Exceptés un hypermarché, un kiosque à journaux et quelques autres activités devant assurer le service minimum, toute la province d'Al Hoceima, dont les plus importantes régions Imzouren et Bouayache, a été paralysée, rapporte le site d'information Le Desk, citant El Mourtada, une des figures de proue du mouvement du Rif depuis octobre 2016. Cette grève est une manière de maintenir la pression et éviter l'épuisement de l'énergie des manifestants. La force du mouvement du Rif, outre la cohérence des slogans et des revendications, l'organisation et, surtout, la maturité de ses animateurs qui ne sont pas tomber dans le piège «séparatiste» et autres que le régime du Makhzen a tendu à la révolte, est sans doute dans son caractère inclusif. Il n'est pas l'émanation exclusive de la gent masculine et il mobilise toutes les franges de la société, des deux sexes. Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, sont impliqués. D'ailleurs, l'arrestation de la figure charismatique Zefzafi n'a aucunement freiné ni infléchi le mouvement qui s'est tout de suite choisi un autre leader. Le leader est en fait une. C'est Nawal Benaïssa, qui est la une nouvelle figure montante du Hirak, rapporte les mêmes sources. Dans une brève vidéo twittée par un activiste marocain, on peut voir celle qu'on peut désormais appeler la relève de Zefzafi en pull blanc sur lequel on peut lire «Je suis Zefzafi». Microphone à la main, la jeune femme se distingue déjà et semble bien maîtriser l'art de haranguer à la foule. Elle insiste à l'adresse des partisans sur l'impératif de «maintenir les manifestations sans recourir à la violence». Et Nawal Benaissa n'est qu'un exemple parmi d'autres, ce qui renseigne sur la mobilisation et la détermination dans le combat que mènent les rifains depuis maintenant huit mois. C'est dire que même en privant le mouvement de ses têtes, la société peut s'organiser avec différentes méthodes. Les organisateurs utilisent également des rubans afin de délimiter les zones au sein desquelles les différents groupes de manifestants pourront faire entendre leur voix. Une zone spéciale est réservée aux femmes. Elles sont mises en avant car «elles n'étaient pas assez représentées lors des récentes manifestations dans le Rif», rapporte la revue marocaine Telquel qui cite un manifestant. Un passage spécial est réservé aux médias qui reçoivent un accueil chaleureux de la part des manifestants, témoigne un journaliste tunisien. Dans les autres provinces du pays, la pression est aussi maintenue. Des rassemblements ont été observés. Hormis les calomnies et la propagande médiatique sans merci des supports proches du palais royal sur les animateurs du mouvement et l'arrestation de ces derniers, la répression reste apparente en dehors d'Al Hoceima. A Meknès, à 130 km de Rabat, un sit-in a été violemment dispersé par les forces de la police, rapporte Telquel. Ainsi donc, se poursuit le mouvement de contestation du Rif qui ne cesse de prendre d'alarmantes proportions, en l'absence d'alternatives sérieuses proposées par le pouvoir pour la prise en charge des revendications légitimes des Rifains. Devant l'ampleur des revendications, de la mobilisation et la sourde-oreille du roi, la société s'organise et fait émerger de nouvelles têtes capables de propulser le combat populaire en l'absence des leaders emprisonnés. Depuis quelques jours, le slogan phare de la contestation est la libération de la figure contestataire Nasser Zefzafi, arrêté dans la nuit de lundi à mardi dernier, suivi par une quarantaine d'autres parmi ses compagnons. Pour leur procès, ils sont plus de 600 avocats s'être constituer pour les défendre, rapporte un site d'information marocain. A. B.