Il y a des théâtres, des salles de spectacles, quelques rares cinés, des musées, des librairies, des bibliothèques… On peut même trouver, dans certaines villes, des galeries d'expositions. Il est vrai que ces infrastructures se retrouvent principalement dans les grandes agglomérations, qu'elles sont nombreuses à ne pas être aux normes requises, qu'elles sont insuffisantes et sous-exploitées, mais elles sont là et peuvent faire l'affaire en attendant le plus et le mieux promis par l'Etat. D'autant plus qu'il y a aussi suffisamment d'artistes et de créateurs pour alimenter tous ces espaces en productions artistiques.Mais, comme l'affirmait à juste titre un cinéaste, «un film ne fait pas le cinéma». C'est tout aussi valable pour le théâtre, la peinture, la musique, la dance ou la littérature qui ne font pas une culture, s'il n'y a pas un public, des consommateurs, pour toutes les œuvres produites. A quoi pourrait bien servir un film, une pièce de théâtre ou un livre s'il ne trouve aucun écho dans la société, qu'il n'a aucun impact ni influe sur les citoyens ? Il n'y a pire échec pour un artiste que de voir son œuvre ou son spectacle boudé par le public. Il n'y a pire vision que celle d'un bâtiment dédié à la culture vide de tout spectateur. N'a-t-on pas vu des comédiens faire devant la salle El Mouggar, où ils devaient donner leur show, les rabatteurs et inviter tous les passants à entrer ? Quel triste spectacle ! Pour s'éviter ce genre de cuisant revers, certains responsables n'hésitent pas à distribuer des invitations à tout-va. Pis, ils vont jusqu'à user de leur autorité pour faire pression sur les étudiants de l'Institut supérieur de musique (ISM) ou l'Institut supérieur des métiers et arts de la scène (ISMAS) pour qu'ils assistent au spectacle programmé. Ils leur envoient même des bus pour les transporter. Quelle triste situation !Plus triste encore est la réalité de ce fossé qui sépare la société et la culture. Certes, il y a des arts qui ont leur public et on a vu plus d'une fois des spectacles se jouer à guichets fermés, des livres s'arracher et des expositions attirer grand monde. Mais peut-on pour autant dire que les arts sont omniprésents dans la société ? Certes, de nombreuses manifestations font le plein de spectateurs. Mais elles ne sont souvent que des soupapes de soulagement, des défouloirs. Et si tous les responsables n'ont pas encore compris que leur conception de la vie culturelle n'est pas celle de toute cette jeunesse qu'ils veulent intéresser, s'ils ne croient pas qu'ils font fausse route, qu'ils sont complètement à côté et qu'avec leur politique, leurs approches et leurs programmes, ils sont en train de mener la culture droit dans le mur, ils n'ont qu'à faire un tour dans la rue. Ils n'ont même pas besoin de discuter avec les jeunes. Il leur suffira d'entrer dans les cybercafés, de rendre visite à quelques vidéothèques ou d'arpenter simplement les rues où des étals informels proposent des CD de musique et des DVD de films piratés, pour voir ce que sont les centres d'intérêt des jeunes. Les repères et les référents culturels ont changé. La génération d'aujourd'hui qui est désormais connectée sur le monde ne lit pas, ne regarde pas, n'écoute pas et n'apprécie pas ce que lui proposent ses aînés. Et si l'on entend l'atteler à la culture algérienne, il faut commencer tôt, dès l'école, et, surtout, continuer en accompagnant l'enfant dans toutes les étapes de son évolution. L'éducation artistique est un travail à plein temps et de longue haleine. Aussi, la mission, car c'en est une et importante, devra-t-elle être confiée à des responsables et des éducateurs qui savent ce qu'est la culture et son importance dans le développement de l'individu et de la société. Quant aux jeunes, qui se sont déjà émancipés de tous les systèmes éducatifs, il appartient désormais aux artistes de se mettre au diapason de leurs attentes. L'art n'est-il pas aussi un miroir de la société ? H. G.