La tonalité du discours que tient désormais le ministre de l'Education nationale à l'égard des responsables des écoles privées laisse comprendre une évolution dans les rapports entre les deux parties même s'il demeure encore fidèle à l'idée d'imposer la langue d'enseignement et la teneur des programmes à enseigner. Le ton n'est plus celui de la menace comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps quand M. Benbouzid montrait systématiquement son intransigeance et sa détermination à contrôler le fonctionnement de cette catégorie d'écoles allant jusqu'à fermer quelques-unes. En organisant hier une rencontre avec les directeurs des établissements d'éducation et d'enseignement privés, le ministre vient en effet de signer une nouvelle étape de la place de ces établissements dans la vie du pays. Il a ainsi promis à ses hôtes des aides «conséquentes» de différentes natures, allant de la formation des enseignants aux manuels scolaires jusqu'à des récompenses pour les écoles qui se montreront respectueuses du cahier des charges défini par la tutelle. Benbouzid veut manifestement inscrire l'apport de l'école dans une logique de complémentarité avec l'école publique. Pour arriver à ses desseins, le ministre de l'Education privilégie visiblement l'option de la coopération. Il y a néanmoins des raisons de croire que la carte de l'apaisement pour laquelle vient d'opter le premier responsable du secteur ne saurait dépasser le niveau formel. Car le vrai mal est ailleurs. C'est plutôt faire preuve de diversion que de promettre d'alimenter ces établissements privés d'enseignants dont la formation devrait être de qualité quand on constate la régression du système d'enseignement du pays, du primaire jusqu'à l'université. Une régression qui se traduit par l'incapacité de l'université à former des «semeurs» de savoir et de connaissances dont ont besoin les premiers paliers du système éducatif. Il est, en effet, difficile de faire admettre à un responsable d'une école privée de doter son établissement d'un personnel professoral de qualité issu d'une université qui marche à reculons. Notons également que l'école privée, si qualifiée soit-elle en matière d'encadrement et mieux outillée pour une bonne formation des générations futures, n'a pas pour vocation de compléter les missions de l'école publique. Si cette dernière n'arrive plus à assumer son rôle, pour des raisons par ailleurs diversement expliquées, il faudrait s'y pencher avec beaucoup d'objectivité et de rigueur scientifique en évitant les solutions irréfléchies. Aujourd'hui que le ministre se félicite des bienfaits et du succès de la réforme engagée dans le secteur, il n'y a manifestement pas de motif pour lui à attendre que l'école privée complète une école publique qui a plutôt besoin d'être repensée pour qu'elle puisse retrouver sa vocation initiale et jouer pleinement son devoir sociétal. A. Y.