Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La deuxième édition du salon de la PME productive qui a eu lieu du 30 octobre au 3 novembre à la salle omnisports Saïd-Tazrout de Tizi Ouzou a attiré plus d'exposants que la première édition tenue il y a dix-huit mois. Avec la restructuration qui a transféré la PME vers le secteur de l'industrie, des entreprises de grande envergure, comme l'Eniem, l'Enel et le groupe ETRHB Haddad ont également participé à ce salon «pour donner envie aux investisseurs potentiels et leur montrer qu'à Tizi Ouzou, il y a des entreprises qui réussissent», explique la directrice de l'industrie et de la PME de la wilaya, initiatrice de cette manifestation économique. Il est vrai que les entreprises participantes figurent parmi les meilleures de la wilaya et leurs différents produits sont d'une qualité irréprochable, selon un constat fait sur place, mais y a-t-il des actions que les pouvoirs publics ont menées en faveur de ces opérateurs économiques qui ne veulent pas que leur réussite cache les contraintes vécues au quotidien par leur activité ? Lors de la première édition d'avril 2010, La Tribune a donné la parole à certains opérateurs participants pour aborder les problèmes qu'ils rencontraient sur le terrain, et c'est tout naturellement que cette seconde édition soit une nouvelle occasion pour savoir si des choses ont été faites en leur direction, notamment les mesures dépendant directement des attributions des pouvoirs publics. Le constat est amer d'autant plus que certains opérateurs ayant participé aux deux éditions ont posé les mêmes problèmes qu'ils avaient déjà soulevés dix-huit mois auparavant.C'est le cas de l'entreprise Tadmaït Olives spécialisée dans le conditionnement des olives. Celle-ci souffre énormément de la non-viabilisation de la zone d'activité de la ville de Tadmaït où est implantée son unité. Comment pouvoir développer sa PME tant que les problèmes posés en avril 2010 persistent encore en novembre 2011 ? Surtout que cette unité est la seule de la région, un indice révélateur de la non-attractivité de la zone d'activité restée sans viabilisation depuis sa création, il y a plus de vingt ans. La récupération par les pouvoirs publics des lots attribués et non exploités et la nouvelle loi qui interdit la concession ou la cession des lots avant la viabilisation ont fait qu'à ce jour, les Belasla, père et fils, propriétaires de la conserverie, restent seuls dans cette zone avec de l'électricité et de l'eau prises en charge par leurs soins. Une note d'espoir tout de même de ce côté-ci de la wilaya de Tizi Ouzou : la zone en question a bénéficie d'un programme de viabilisation décidé par les pouvoirs publics avec un montant de 53 milliards de centimes, selon la directrice de l'industrie et de la PME, et ce, après les 22 milliards accordés à la zone d'activité de Freha. Une bonne nouvelle même très tardive pour les gérants de la conserverie de Tadmaït qui ont créé dix emplois permanents et au moins une vingtaine de saisonniers en période d'intense activité. Ils vont finalement voir le bout du tunnel après des années de calvaire, surtout que, récemment, ils ont également reçu une autorisation de forage pour qu'ils puissent enfin créer leur oliveraie à Biskra. Une autorisation qu'ils ont attendue depuis deux années d'autant que leur unité souffre beaucoup du manque d'olives sur le marché local et national. Les zones d'activité toujours non attractives Un manque d'olives qui se fait jour également dans certaines huileries de la wilaya dont Djurdjura, Huilerie Kaci Ouzmih d'Azazga qui emploie de 7 à 21 personnes, selon les pics de production. Une activité familiale depuis plusieurs générations jusqu'à ce que l'un des fils se lance, en 2003 et avec l'aide de l'Agence nationale pour le développement de l'investissement (Andi), dans la création d'une huilerie moderne et l'embouteillage de l'huile d'olive entamée l'an dernier. «Les propriétaires d'oliviers n'ont pas encore adopté l'idée de commercialiser leur olive ou leur huile d'olive, se maintenant encore dans la consommation familiale et/ou individuelle», dit le jeune représentant de cette entreprise présent au salon de la PME productive qui estime que le verger oléicole se rétrécit de plus en plus à cause de son abandon par les familles mais aussi de l'action antiterroriste des forces de l'ANP. L'huilerie moderne Djurdjura d'Azazga pâtit également de l'indisponibilité du foncier industriel, selon notre interlocuteur qui fera savoir que son entreprise est encore locataire, alors que la zone d'activité de la région est encore en suspens depuis sa création officielle en… 1978. La longue, très longue opération de son assainissement juridique qui l'a mise sous tutelle de la Société de gestion immobilière (Sogi, ex-OPI) a été très vite suivie d'une nouvelle réglementation qui empêche la cession ou la concession de parcelles de terrain sans la viabilisation des zones d'activité concernées, selon M. Ould Rabah, le directeur de la Sogi, rencontré sur les lieux. Cette nouvelle disposition mise en place pour éviter la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les zones d'activité déjà existantes n'est pas faite pour faciliter la tâche à l'huilerie Djurdjura, même si le retard que pourrait accuser le lancement de la zone d'activité de Tacherouft (Azazga) aura au moins le mérite de lui permettre d'activer dans de bonnes conditions. Un retard devenu «normal» dans cette wilaya au grand dam de l'activité économique dans la région et des investisseurs potentiels qui pourraient être éventuellement intéressés par une installation à Tizi Ouzou, surtout que la campagne de réhabilitation des 19 zones industrielles et d'activité de la wilaya a certes commencé mais à pas de tortue, avec le lancement de la seule zone de Freha avec 22 milliards de centimes accordés et l'inscription de celle de Tadmaït avec une subvention de 53 milliards. Les PME productives marginales De son côté, la fromagerie Univert Milk qui produit du camembert est, comme Tadmaït Olives, à sa seconde participation au salon de la PME productive. Le jeune Samir Abbou, son directeur, pose les mêmes problèmes qu'il y a dix-huit mois. Des problèmes relatifs à la qualité de la poudre de lait importée et à la main-d'œuvre qualifiée, même si la question de la viabilisation de la zone d'activité de Tala Athmane, où son unité est implantée, se pose aussi avec autant d'acuité que pour les autres opérateurs économiques de cette zone et des zones non encore viabilisées de la wilaya. «Les différentes qualités de poudre de lait importée engendrent inévitablement une instabilité dans la qualité du produit», dit notre interlocuteur qui dit souffrir de cette situation, notamment vis-à-vis du consommateur qui trouve qu'il n'y a pas de régularité dans la qualité. Les importateurs et les nombreux intermédiaires qui commercialisent tout et n'importe quoi font leur loi sur le marché en matière de qualité et de prix. L'entreprise Univert Milk fait face également à l'absence d'une main-d'œuvre qualifiée dans le secteur du lait, du fait justement que ni l'université, ni les centres de formation professionnelle n'ont pensé créer une filière dans ce sens. Samir Abbou, diplômé en technologie du lait et dérivés de l'Institut national des industries légères (INIL) de Boumerdes, se voit contraint de former lui-même ses employés et cela se répercute sur la productivité et le bon fonctionnement de son entreprise alors qu'il est censé penser au développement de son activité et à la diversification de sa production.La directrice de l'industrie et de la PME de la wilaya, organisatrice de cette manifestation économique malgré toutes les difficultés, a choisi les participants parmi ceux qui ont réussi sur le terrain pour donner envie aux investisseurs potentiels de venir s'installer à Tizi Ouzou et développer la PME productive encore marginale dans la wilaya, mais pour attirer concrètement les investisseurs et leurs capitaux, il faudrait peut-être que ces derniers voient clairement que les opérateurs économiques déjà installés ne rencontrent pas des problèmes d'un autre âge. Des problèmes qui empêchent les opérateurs de développer leur activité à valeur ajoutée et qui risquent de les faire fuir avant qu'ils attirent qui que ce soit. Rendez-vous donc l'année prochaine, à la troisième édition du salon de la PME productive pour savoir si la situation des PME dans la wilaya de Tizi Ouzou connaîtra un changement positif ou restera encore en stagnation, synonyme de recul dommageable pour le développement local.