L'Egypte et la Tunisie ont toutes deux connu ce qui est communément appelé «le Printemps arabe». Toutes deux ont vu leurs dictateurs déchus. La comparaison s'arrête là. Puisque dans l'une et l'autre, la transition dite «démocratique» sur fond d'élections est diversement vécue.L'Egypte, en raison de son poids stratégique dans la région du Moyen-Orient, connaît une transition plutôt mitigée pour ne pas dire chaotique. Les dernières élections législatives, par ailleurs favorables aux islamistes des Frères musulmans, ont enfanté une situation politique tendue, projetant le peuple égyptien dans un avenir des plus incertains. A côté, les Tunisiens ont, eux, plutôt bien réussi leur «transition». Les élections ayant donné lieu à une nouvelle constituante se sont déroulées dans le calme, en dépit des inquiétudes exprimées par le camp démocratique devant la montée des islamistes d'Ennahda de son leader Rached El Ghannouchi.Contrairement à l'Egypte, la probabilité que la transition démocratique en Tunisie tourne à l'affrontement et au chaos politique n'aurait, pour tout dire, aucune retombée géostratégique sur les plans régional et local. Parée du fardeau d'acteur stratégique dans la région du Moyen-Orient, notamment dans le conflit israélo-palestinien, l'Egypte se doit de mener à bon port et sans dommages collatéraux, hautement préjudiciables pour sa stabilité tant interne que régionale son processus, la phase de transition. La junte militaire au pouvoir éprouve les pires difficultés à gérer la transition surtout que la rue demande son départ, ce que le maréchal Tantaoui et ses collaborateurs n'entendent pas de cette oreille. A défaut de céder le pouvoir, les militaires veulent déléguer les pouvoirs à un gouvernement civil. La nomination de Kamel El-Ganzouri d'El Ganzouri à la tête du nouveau gouvernement entre dans cette optique. C'est que le pouvoir militaire veut s'assurer d'une transition douce et sans trop de dégâts. Après avoir été adoubés par la rue égyptienne, contente de s'être affranchie de trois décennies d'un pouvoir oppresseur, les militaires qui refusent tout départ dans l'immédiat, ont vu les Egyptiens se retourner contre eux. Devant le refus des nouveaux dirigeants et l'exigence de plus en plus persistante de la rue, l'affrontement est devenu inévitable. Ayant été le point de chute de millions d'égyptiens qui se sont soulevés contre le régime de Moubarak, la mythique Place Al-Tahrir voit converger depuis plusieurs jours ces mêmes Egyptiens qui exigent le départ des militaires. Bilan : des morts et une incertitude de plus en plus exacerbée pour la transition démocratique en Egypte. Parallèlement, le processus de changement tunisien, moins tragique, semble se diriger vers une issue, même si elle ne sera pas aussi prodigieuse, contenterait l'ensemble des acteurs politiques. L'Egypte a-t-elle raté sa transition ? Même s'il est trop tôt pour se prononcer, il est néanmoins fort à craindre que c'est déjà fait. Y. D.