Hier, c'était le premier anniversaire du soulèvement populaire qui a chassé un dictateur et libéré un peuple d'une emprise sans pareil. Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, un jeune chômeur, qui se débrouille pour gagner sa vie et nourrir les siens, s'est vu saisir son étal de fruits et légumes par une police répressive. Pourtant, Sidi Bouzid est située à l'intérieur du pays, loin de la vitrine que Ben Ali voulait présenter aux étrangers. Bouazizi s'est immolé devant la préfecture, devant le symbole du pouvoir absolu de Ben Ali et sa belle-famille, par désespoir, par dépit, par incapacité à agir autrement, tant les injustices sont légion dans ce pays où les citoyens sont réduits au silence, à la peur, à la soumission. Mais Bouazizi ne savait pas que ses concitoyens de Sidi Bouzid allaient embraser le pays. Bouazizi ne savait pas que sa colère silencieuse était plus contagieuse que tous les bruits de bottes de la police de Ben Ali. En s'immolant, Bouazizi a mis le feu aux poudres d'un réservoir qui a trop supporté la pression, la répression, l'oppression. En explosant, la Tunisie ne savait pas que ses éclats allaient bouleverser l'ordre oppressif en Egypte, en Libye, en Syrie, au Yémen, au Bahreïn… Ce petit pays pépère, tranquille, calme, apprivoisé a donné le ton et la mesure à une région qui vivait sous tutelle depuis les indépendances et où les régimes sont cédés de père en fils comme un héritage familial, et personne ne trouvait rien à redire. C'était une fatalité. Mais Bouazizi et les Tunisiens ont dit «basta». Les peuples ne sont pas des troupeaux et les choses doivent changer. Les choses commencent en effet à changer. En Afrique du Nord, les peuples ont réussi à bousculer l'ordre et à impulser des dynamiques prometteuses. Mais dans les pays du Golfe, dont certains se sont faits étrangement les chantres de la démocratie, rien ne bouge. Les monarchies pétrolières sont immuables, y compris en ce qui concerne les droits humains élémentaires. Si ailleurs, c'est la violence qui a permis le changement, en Algérie, les populations qui aspirent à un changement profond refusent de succomber aux tentations de la violence à travers des manifestations de nature à remettre en cause une paix et une stabilité chèrement acquises. Cependant, l'éveil d'une partie de la société civile active a poussé le Président à engager un processus de réformes politiques que le Parlement a vidé de sa substance. L'opinion publique attend, toutefois, ce que décidera le président de la République dans les semaines à venir, d'autant plus qu'une révision de la Constitution est à l'ordre du jour. Selon le calendrier initial, elle interviendra après les législatives de 2012, même si des voix préfèrent que cette échéance précède toute élection, afin que la prochaine législature découle de la nouvelle Constitution. A. G.