Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine A. Lemili
Il est des plus explicites que les bureaux de vote disposent d'isoloirs pour garantir et protéger l'intimité de l'électeur et plus particulièrement pour nos compatriotes de soustraire à une indue vue l'exercice d'un devoir dans lequel l'acte citoyen est bien loin de constituer une mesure étalon de leur maturité politique. Celui-ci (acte de vote) a une dimension plutôt étrange pour ne pas dire équivoque. Les jeunes desquels nous avons sollicité une appréciation des élections législatives du 10 mai, ont, sans profonde distinction, fait preuve de grave suspicion à notre égard. Même une fois notre identité et activité professionnelle déclinées, ceux que nous avons tenté de faire parler sont restés plutôt craintifs.Cela ne peut finalement qu'être imputé au poids imposé par la société politique, notamment du temps du parti unique, à ce qui a été au lendemain de l'indépendance plus une obligation que l'accomplissement d'une volonté individuelle librement consentie. Du coup, nos interlocuteurs, cela était plus que visible, ne pouvaient que répondre de manière biaisée. Ainsi, ceux que nous avons approchés, du fait de leur âge, ne pouvaient en réalité et en aucun cas, pour ne pas l'avoir vécu au cours d'une période précise, connaître le sentiment d'oppression vécu par leurs aînés au lendemain de l'indépendance.De facto, dans leur quasi-majorité, ils se sont crus obligés de confirmer la nécessité de voter pour «le bien de l'Algérie». Dés lors, il était aisé d'en déduire que question langue de bois, il était difficile de faire mieux. Il s'en trouvait malgré tout, exception oblige, qui faisaient dans ce qu'il était difficile de déterminer si c'était la vérité ou de la provocation en répondant : «Les élections… Quelles élections ? Ah oui, j'espère qu'avec l'arrivée de Hollande, les Français vont nous voir autrement», répondra Wahid, chômeur pour ajouter s'agissant des législatives : «A vrai dire, j'ai voté parce qu'il me semble que cette fois-ci est la bonne.» Toujours au chapitre votants, Kamel, cambiste informel de son état est du genre plutôt pragmatique : «A part le vote pour le président, je n'ai jamais cherché à faire un choix. Je vote par mimétisme et surtout pour éviter des tracasseries avec l'administration». Enfin, Abdou, informaticien et gérant de cybercafé, semble plus lucide sur l'acte de vote : «J'ai toujours répondu présent. Sans doute sur l'influence de mes parents qui votent régulièrement sans jamais, par ailleurs, s'épancher sur leur choix individuel. Ils votent parce qu'il faut voter. Je le fais alors à mon tour depuis 2002 pour le même parti et je ne changerai jamais même si je n'ai pas de sensibilité politique précise.» Mais comme tout ne peut pas être qu'idylle, il y a les réfractaires et parmi une poignée d'entre eux, Inès, étudiante : «J'irai à cet acte citoyen le jour où la vie sera moins chère et que mes parents souffriront moins pour me permettre de continuer mes études alors que la vie devient de plus en plus chère.» Rachda, avocate stagiaire, est quelque peu proche de cette attitude : «Je ne déposerai pas de bulletin dans une urne pour fournir une chance à des aigrefins de décider de mon avenir. Même si je reste persuadée que mon abstention n'a aucune influence, en réalité, en ce sens. J'ai toujours trouvé que les jeux étaient faits par anticipation.» Quant à Mounir, étudiant en médecine il n'a pas voté le 10 mai parce qu'il estime qu'il vit «dans un pays virtuel» et qu'un jour ou l'autre, il se réveillera de ce cauchemar. «J'ai bien scruté les affiches, j'ai assisté à plusieurs meetings pour me faire une idée et essayer de me trouver un argument à même d'aller voter. Rien ne m'y a encouragé ni fourni un tout petit espoir que le changement viendra de ces candidats», conclut-il.