Les journalistes, les politiques et les économistes ne cessent d'asséner ce qu'ils considèrent comme une vérité : «L'Algérie, un pays riche avec un peuple pauvre.» Cette «vérité» a été tellement répétée que les Algériens ont fini par y croire et pensent que le gouvernement enrichit l'Etat pour appauvrir son peuple. Une assertion tellement absurde que l'on se demande comment elle a pu se faire une place dans le débat politique algérien. Mais ne dit-on pas que «plus le mensonge est gros, mieux il passe». Nos experts, pour étayer leur fumeuse vérité, se basent sur un élément d'analyse qui n'est pris en compte par aucun institut mondial pour déterminer la richesse d'un pays, en l'occurrence le montant des réserves de changes. Ces dernières ne suscitent l'intérêt des analystes que dans le cas où un pays est fortement endetté pour pouvoir déterminer ses capacités de remboursement. Il est, alors, facile de croire que cette erreur d'analyse est basée sur une confusion entre épargne d'un particulier et le mot réserve qui pousserait nos analystes à confondre les concepts et à se perdre en conjectures comme le ferait un père de famille qui évaluerait ses capacités financières pour acquérir une automobile ou un logement.Les uns et les autres savent pourtant que l'élément déterminant le niveau de richesse d'un pays reste le PIB en attendant de trouver un meilleur outil d'analyse. L'Algérie, avec une population de 37 millions d'habitants, a réalisé un PIB de 183,45 milliards de dollars en 2011. Cette performance permet à l'Algérie de se classer en 48e position au niveau mondial. Une position à relativiser car le PIB algérien représente à peine plus de 10% de celui de l'Union Européenne et moins de la moitié de pays comme l'Afrique du Sud ou de l'Argentine. À cela, il convient d'ajouter le poids du secteur des hydrocarbures dans le PIB algérien. Dans leurs analyses, nos experts nous expliquent que dans ce pays «riche» mais qui ne produit presque rien, vit un pauvre peuple puni par le régime pour on ne sait quel péché originel.Ce peuple «pauvre», selon nos professeurs de médecine, a la caractéristique de développer des maladies de riches. Il a également une espérance de vie parmi les plus élevées dans le bassin méditerranéen. Sonelgaz, pour sa part, nous explique que la consommation en énergie électrique de ce peuple pauvre augmente de façon plus rapide que ses moyens de distribution et de production. La raison de cet «échec et de cette imprévoyance de Sonelgaz» réside dans le fait que l'Etat distribue à titre gracieux des dizaines de milliers de logements et que la société n'en a pas tenu compte dans son programme d'investissement. À cela, il convient d'ajouter la croissance exponentielle de la vente de matériel électronique et électroménager.À tout cela, il convient de prendre acte des statistiques du Cnis (Douanes algériennes). Selon ces dernières, le peuple pauvre a importé pour près de 3,5 milliards de dollars de médicaments en 6 mois, soit prés de 100 dollars par habitant, et la pénurie persiste selon les pharmaciens. Toujours selon le Cnis, les biens alimentaires importés pendant les 6 premiers mois de l'année sont évalués à 4,32 milliards de dollars. Pour les véhicules de tourisme, la facture des importations a atteint 3,15 milliards de dollars en six mois et plus d'un demi-million de véhicules neufs sur une année et demi, soit un véhicule neuf pour 7 habitants.Mais comme il faut conforter la thèse du peuple pauvre, le département de M. Barkat affirme que par solidarité nationale, 1,5 millions de couffins ont été distribués aux nécessiteux. Cette petite synthèse des chiffres officiels permet de conclure de manière aussi arbitraire que nos experts et autres opposants que l'Algérie est un pays «pauvre» avec une partie importante de sa population dotée de richesses insoupçonnées. Il y a certes une frange de la population qui vit dans la pauvreté et la misère, mais il faudra bien que l'on quantifie les Algériens qui consomment pour des dizaines de milliards de dollars en un semestre sans produire grand chose. «Peuple pauvre», dites-vous ? Au vu des statistiques, on a du mal à y croire. «Pays riche», dites-vous ? Au vu du PIB hors hydrocarbures, on ne vous croit pas du tout. A. E.