Les contestataires du FLN et du RND auraient-ils réussi à mener tout leur monde en bateau en entretenant pendant des mois et des mois une cynique opération d'enfumage digne du tristement célèbre Deuxième bureau français et du redoutable KGB de l'ex-URSS ? Sous leur apparence anodine, il y a des faits qui ne trompent pas et trahissent les pires intentions cachées. Saluée d'abord comme la meilleure des solutions pour sortir de la crise, l'arrivée de Abdelkader Bensalah au RND pour y assurer l'intérim du secrétariat général reçoit sa volée de bois vert moins d'un mois après l'intronisation du consensuel «impétrant». Avec ses gros sabots, Yahia Guidoum, chef de file des redresseurs, le somme d'épurer l'instance dirigeante de certains éléments fidèles à Ouyahia avant même la tenue du congrès. La confiance règne, décidément. A croire que l'homme est crédité du pouvoir de Ceausescu et de Beria réunis, génie manœuvrier de Talleyrand en prime, la personne de l'ancien Premier ministre s'est imposée en tropisme de toute l'activité du RND. C'est trop de méfiance et d'alerte pour l'autocrate, le despote, le chef sans base militante dépeint par ses adversaires. Quid, donc, d'une vie organique censée être régentée par le vote démocratique et le règlement intérieur du parti ? Bensalah, réputé homme de compromis et du juste milieu, et ramené ès qualité en tant que médiateur pour promouvoir une synthèse, est mis brutalement devant un choix qui risque fort de le décrédibiliser. S'il accepte d'ouvrir une chasse aux sorcières, comme le lui réclament des voix menaçantes, il ne restera au parti, qui fut un pivot de l'Alliance présidentielle, que la scission librement consentie ou la mort lente de la voie judiciaire. Car l'exigence d'épuration du groupe de Guidoum en cache en fait une autre, subséquente, sous-jacente, inévitable : après les partants, les «retournants», tous ces anciens responsables et cadres du parti broyés à un moment par la machine partisane et qui, excipant aujourd'hui d'une certaine légitimité historique, aspirent à un retour dans la maison mère. De préférence par la grande porte. On remarquera, au passage, que depuis que le «médiateur» s'occupe d'arrondir les angles et d'écrêter les vagues au RND, les voix qui accusaient Ouyahia de rouler pour lui-même et d'afficher un faux soutien à un quatrième mandat de Bouteflika ont mis en sourdine le refrain du qui soutient mieux et le plus le président de la République. Au FLN, en proie à une contestation à rebondissements depuis deux ans, l'obtention d'une «courte tête» – sans jeu de mots- de la tête du secrétaire général (4 voix à peine), a fait apparaître un appareil dans toute sa nudité programmatique, fut-ce pour l'immédiat. Belkhadem évincé, sa succession s'avère des plus problématiques. Il n'y a, dans le vieux parti, qui ne manque pas pourtant de fortes personnalités, ni successeur tout-désigné ni héritier présomptif. Mais beaucoup d'héritiers putatifs qui, au moment de faire acte de candidature, feront prendre à la bataille une tournure qui, en étant nouvelle, ne serait pas forcément ce qu'il y aura de mieux pour le vieux parti traditionnellement plus ou moins maîtrisé tant qu'il était dans la camisole du pouvoir. Mais comme au RND, la donne semble avoir changé. Belkhadem, à qui il faut reconnaitre le mérite d'avoir chèrement vendu sa peau, sans appui de «centres décisionnels» a peut-être contribué, à son corps défendant, à soustraire le parti à l'emprise de ces cercles qui adoubaient les têtes du parti. Ainsi, si sa désignation s'était faite avec l'assentiment du président Bouteflika, son éviction n'a pas eu besoin du coup de pouce du chef de l'Etat et semble avoir été plutôt le résultat d'un processus purement interne ou qui a été sciemment laissé se développer ainsi. Certains, craignant que le lien ombilical avec le pouvoir soit rompu, se font fort de rappeler que le président d'honneur du parti n'est autre que Bouteflika et l'appellent à sortir de sa réserve ou neutralité. Ils posent une question tout à fait pertinente : que serait le FLN si le pouvoir le laissait voler de ses seules propres ailes ? N'être plus le parti du pouvoir, voilà une perspective dont la seule évocation remplirait d'effroi bien des ténors, voire de simples militants d'une formation politique qui a survécu à tout. L'idée peut être dans l'air, mais elle ne n'autorise pas un jugement définitif. Pour la raison, très sérieuse, que l'opération de redressement a touché tout le trépied de l'Alliance présidentielle qui ne jurait que par une fidélité sans faille au grand chef, candidat ou non à un quatrième mandat. On se rappelle quand même de cet élément central de la charge dirigée contre l'ancien secrétaire général du RND et en même temps Premier ministre : «Ouyahia se prévaut d'un soutien du DRS (services de renseignement militaires) qu'il n'a pas, pas plus que celui du président de la République». On ne peut pas être naïf au point de croire que les processus de destitution d'Ouyahia et de Belkhadem, les deux partis du pouvoir, n'ont été quasi-simultanés que par le fait du hasard. C'est que quelque part (où, exactement ?), il a été décidé de laisser faire pour d'abord exclure de la compétition de 2014 deux candidats potentiels qui risqueraient de pimenter –et de quelle manière- la campagne pour la présidentielle. Nous voilà bien avancés, c'est-à-dire autant que le Schmilblick ! Mais on sait déjà que si ce n'est pas Bouteflika, ce sera quelqu'un d'autre qui n'est, pour le moment, ni Ouyahia ni Belkhadem. A. S.