Les cours de Bourse des groupes européens de l'industrie, de la chimie et du secteur aérien devraient demeurer sous pression pour le restant de l'année alors que leurs prix acquittés augmentent et que la demande pour les produits et services reste déprimée. Les cours pétroliers ont enregistré sur la période d'avril à juin leur plus forte hausse trimestrielle depuis 1990, bondissant de 42%. Depuis le début de l'année, les cours du cuivre et du nickel, composantes clés pour certains groupes industriels, ont pris respectivement 58 et 33%, alors que les sidérurgistes ont relevé récemment leur prix. La hausse des cours des matières premières a été nourrie par la perspective d'un rétablissement de l'économie mondiale mais cet optimisme ne s'est pas encore diffusé aux prix de vente pratiqués par les entreprises. Les prix producteurs de géants industriels comme ABB ont reculé de 4,6% en avril et l'association internationale du transport aérien (IATA) prévoit cette année des pertes totalisant 9 millions de dollars pour les 200 compagnies aériennes qu'elle représente. "Le pouvoir (des entreprises) en matière de fixation des prix reste très faible, si vous voulez conserver vos parts de marché vous ne pouvez pas faire payer le client davantage", estime Robert Griffiths, stratège actions chez Cazenove, à Londres. "La fin de l'année pourrait être le bon moment pour regarder à nouveau des actions actuellement sous pression, alors que les investisseurs devraient être prudents avant de constater une amélioration de la demande en Europe", a-t-il ajouté. L'indice des valeurs européennes du voyage et des loisirs et celles de la chimie - dépendant des cours du pétrole -, ont peu évolué depuis le début de l'année, alors que l'indice du secteur minier a gagné 36% et celui des banques 19%. La hausse du coût de l'unité de travail a dans le même temps accéléré sur un an, constatent les stratèges de Nomura. "Les groupes de la zone euro recrutaient jusqu'au deuxième trimestre 2008 et ont mis du temps à réduire leurs effectifs quand l'économie a ralenti", écrivent-ils à leurs clients. La baisse des revenus devrait à terme peser sur la demande des consommateurs. La Banque centrale européenne (BCE) table sur une baisse "significative" des salaires cette année dans le secteur privé. L'évolution des prix a été négative pour la première fois dans la zone euro en juin et la BCE anticipe une baisse des prix durant quelques mois. Dans le secteur automobile, la hausse des coûts des matériaux de base s'ajoute au problème des surcapacités de production. Le japonais Nissan a ainsi récemment proposé son plus gros rabais historique à ses clients, selon une étude de l'université de Duisbourg-Essen, en Allemagne. Les sociétés pourraient toutefois échapper à la baisse de leur profitabilité si les marchés se redressent et si les volumes de ventes augmentent suffisamment pour compenser le rétrécissement des marges. Si la croissance économique revenait au second semestre de cette année, les marchés actions suivraient un rebond des marchés des matières premières, estiment des spécialistes des marchés qui tablent sur une reprise économique rapide, et l'incapacité actuelle des entreprises à imposer leurs prix ne serait alors qu'une première phase naturelle du cycle. "D'une histoire de fin du monde nous passons maintenant à la perspective d'une amélioration cyclique", juge ainsi Mislav Matejka, stratège actions européennes chez JPMorgan. "Nous prévoyons une reprise au second semestre quand la hausse des volumes va l'emporter sur les coûts des facteurs de production." La Banque centrale européenne a cependant plaidé la prudence récemment, son président Jean-Claude Trichet déclarant que l'activité économique resterait faible pour le restant de l'année.