Le premier jour de l'Aïd el Fitr au service de pédiatrie du centre hospitalo-universitaire CHU de Constantine est à première vue une journée de travail comme les autres. Dès 9 heures, les staffs médical et paramédical abordent leur journée de travail comme ils le font tous les jours, en vaquant à leurs occupations, prodiguant les soins quotidiens à une quarantaine d'enfants malades hospitalisés dont la plupart sont issus de wilayas de l'est du pays. L'arrivée d'une caravane de proximité de la police, à sa tête le chef de sûreté de wilaya, Abdelkrim Ouabri, initiée pour partager un moment de bonheur avec les petits patients et leur apporter des cadeaux et un peu de gaieté, a toutefois plongé le service dans une ambiance bon enfant, même si médecins, infermières et aides-soignantes continuent d'accomplir leur mission avec la même concentration.
Une journée ouvrable comme une autre "L'Aïd, ce sera pour l'après-midi, pour le moment je suis de service jusqu'à 13 heures", a souligné Mme Houda M., infirmière, sans cesser de s'occuper de la petite Yousra, 13 ans, de Mila, hospitalisée depuis près d'un mois au service de pédiatrie. Ne semblant pas le moins du monde frustrée de "rater" les premières heures de l'Aïd, Mme Houda a souligné qu'en onze ans de service dans le secteur de la santé, elle a fait des dizaines de permanences pendant les fêtes et les jours fériés. "J'ai laissé ma petite Maria, âgée de 19 mois, avec mon époux, et je sens que ces petits malades sont aussi mes enfants" a-t-elle souligné. Mlle Abir B. médecin interne en 7ème année, rencontrée dans le couloir du service de pédiatrie, sourit à pleines dents. Affirmant que c'est la première fois qu'elle assure une permanence un jour d'Aïd, elle a précisé que pour elle "c'est une journée comme une autre". Elle a ajouté qu'elles sont six, entre médecins, internes et résidentes, à assurer la garde pour cette journée. "Certaines ont des enfants, mais chacune accomplit sa mission comme lors d'une journée ordinaire". Pour Houria, une aide-soignante, les enfants malades ont su "créer l'ambiance si particulière de l'Aïd dans le service". Tout de neuf vêtus, les petits patients se font un point d'honneur lorsque leur maladie les y autorise à goûter aux gâteaux succulents apportés de bon matin par des citoyens anonymes. Leur joie est perceptible et "très contagieuse", commente Houria. Fatiha, une autre infermière rencontrée au chevet de la petite Malak, 5 ans, d'Ain Beida Oum El Bouaghi, atteinte d'un cancer et obligée de s'astreindre à des séances de chimiothérapie, a souligné avoir "passé une bonne moitié de la nuit à mettre au point les habits de l'Aïd pour mes trois enfants, et à préparer la sinia plateau en cuivre garnie de gâteaux de l'Aïd avant de rejoindre mon poste de travail à 7 heures du matin". Elle a aidé Malak à enfiler sa jolie robe de l'Aïd, l'a coiffée et se prépare à lui prodiguer des soins "dans une bonne ambiance", a-t-elle dit en décochant un chaleureux sourire à la petite malade qui balbutie un timide "Saha Aidkoum".
Le geste auguste des policiers Au service de pédiatrie du CHU Benbadis, les policiers membres de la caravane de proximité de la sureté de wilaya parcourent les salles, s'entretiennent avec les enfants malades, leur souhaitent bonne fête, leur offrent des cadeaux avant de prendre des photos-souvenir avec eux. "La direction générale de la sûreté nationale DGSN entreprend de telles initiatives à chaque fête de l'Aïd pour être aux côtés des enfants malades qui n'ont pu quitter l'hôpital", a déclaré à l'APS le chef de sûreté de wilaya Abdelkrim Ouabri. Pour M. Ouabri, sa présence ainsi que celle des plusieurs cadres de la police ne sont qu'une manière de "renforcer les liens de proximité de la police avec l'ensemble des couches sociales". L'atmosphère de fête créée par ces visiteurs d'un jour procure beaucoup de joie dans les rangs des enfants malades et rompe la monotonie et les angoisses d'un séjour à l'hôpital, particulièrement pour ceux qui résident dans des régions éloignées", a attesté Zerfa D., la soixantaine, originaire de Tébessa, garde malade de sa petite fille Nouara, âgée de 5 ans. Adam, âgé de six ans, venu de Batna, et Soundous, une petite constantinoise de 12 ans, ont soutenu que cette visite chaleureuse et les cadeaux qu'ils ont reçu leur ont permis d'oublier la douleur, mais aussi l'absence de leurs parents et de leurs copains de quartier
Vœux de l'Aïd El Fitr: "SMS-mania" De nombreux Constantinois privilégient le service de messagerie Short Message Service SMS pour échanger les vœux de l'Aïd El Fitr parfois au détriment des rencontres physiques et des traditionnelles accolades, a-t-on constaté vendredi, au premier jour de la fête à Constantine. "Aïd saïd", "Saha Aïdkoum oua snin daïma" et "Takaballa Allah minna oua minkoum" sont les modèles des messages courts qui reviennent le plus souvent et que des milliers de téléphones portables envoient et reçoivent depuis les premières heures de la journée. Une "vogue" imposée par la modernité et le développement des technologies de l'information et de la communication, mais qui n'est pas toujours vue d'un bon œil, surtout par les personnes âgées, nostalgiques des déplacements vers les amis et les proches et du bon vieux bisou sur les deux joues. C'est le cas d'Abderrezak, un épicier de 60 ans ayant pignon sur rue du côté de la cité Filali : "mon fils aîné, marié et vivant à Ali-Mendejli, m'a envoyé un SMS mais je considère qu'il ne m'a pas, en fait, présenté ses vœux de vive voix comme il l'a toujours fait", a-t-il déploré. Les plus jeunes, habitués à l'univers des TIC, ne sont évidemment pas d'accord et estiment que cette nouvelle formule, rapide et peu coûteuse, est un mode de communication "pratique" et "discret". "Mon père, policier, est de permanence à Sétif, comment voulez-vous que je lui présente mes bons vœux, faudrait-il que je loue un taxi et que je me déplace jusqu'à Sétif rien que pour lui faire la bise ?", a expliqué Walid, un jeune commerçant de 32 ans. "Les SMS rapprochent les distances et je peux envoyer un petit message à travers lequel je souhaite une bonne fête aux personnes que j'aime et qui sont loin de moi, et ce n'est pas plus mal", -t-il soutenu. Zakaria, un policier d'Annaba 28 ans, a passé la fête de l'Aïd à Constantine, loin de sa famille, pour raisons professionnelles et a avoué profiter des importantes offres proposées à chaque fête de l'Aïd par les trois opérateurs de téléphonie mobile en Algérie. "Alors, j'écris mon petit texte, je l'enregistre et procède à un envoi multiple à mes amis", a-t-il dit. Il faut dire que la nouvelle génération "connectée", très attachée quelque fois à l'excès au monde virtuel, recourt également aux réseaux sociaux pour envoyer leurs meilleurs vœux de l'Aïd El Fitr. Des arguments qui laissent de marbre Maâmar, un grand-père de 70 ans, ancien directeur d'école, qui a expliqué fièrement qu'à chaque Aïd, il n'hésite pas à "se déplacer avec un grand plaisir pour souhaiter de vive voix un joyeux Aïd à ses deux filles mariées et à sa seule sœur". L'avis de Maâmar est partagé par Sakina 68 ans qui a confie "ne rien connaître de cette technologie qui fragilise le lien social" et qui, selon elle, a vidé la convivialité de l'Aïd de son sens. Le développement de la technologie a imposé, à Constantine comme ailleurs, de nouvelles pratiques, certes, mais l'Aïd, comme toutes les fêtes, reste avant tout une occasion de communion et de resserrement des liens. Finalement, la façon de dire à quelqu'un que l'on pense à lui a-t-elle une aussi grande importance? Les avis restent partagés.