De l'amour pour la Russie à la crise des Gilets jaunes et au futur de l'UE. David Foenkinos dont l'ouvrage "Deux sœurs" a battu un record de ventes en mars, selon le classement de L'Express, se livre à Sputnik. Dans une interview exclusive à Sputnik, David Foenkinos lève le voile sur sa perception du métier d'écrivain, ses préférences littéraires mais aussi son attitude envers l'actualité française et européenne.
Question: Je sais que vous admirez la Russie, il y a des références à ce pays dans presque chacun de vos livres. Alors pourquoi et d'où vient cet amour? Qu'est-ce que vous aimez le plus?
David Foenkinos: C'est un amour qui, au départ, est littéraire. Quand j'ai commencé à lire, je suis devenu un obsessionnel de la littérature russe. Notamment de Dostoïevski. J'ai alors essayé d'apprendre le russe, et je suis venu en Russie en 1997 pour faire un grand voyage. J'ai eu la chance par la suite de revenir souvent pour la sortie de mes livres, ou de mon film La délicatesse. J'ai des souvenirs.
Y a-t-il quelque chose de Tchekhov (ses "Trois sœurs") dans votre roman "Deux sœurs"? Mon dernier roman n'est pas une référence à Tchekhov, mais comme il avait déjà écrit Les Trois Sœurs, je ne pouvais mettre que deux sœurs. En tout cas, c'est toujours un plaisir à venir en Russie.
En mars, votre livre "Deux sœurs" a battu un record de ventes, selon le classement de L'Express, et a laissé Houellebecq à la deuxième place. Pourquoi un tel succès? Quand le livre est sorti, il s'est beaucoup vendu la première semaine. Et c'est un succès en France. Mais je vends tout de même moins de livres que notre grand écrivain Houellebecq.
Comment pourriez-vous expliquer cette réussite: que deux de vos romans, "Vers la beauté" et "Deux sœurs", soient dans la sélection de Gallimard? Vous arrivez également à publier presque tous vos nouveaux ouvrages dans la prestigieuse Collection Blanche de Gallimard, comment? Depuis La Délicatesse, mes livres ont beaucoup de succès en France, et à l'étranger. Je ne peux pas l'expliquer. Surtout que j'écris des livres différents à chaque fois. Le livre qui a été le plus important pour moi c'est Charlotte. Le succès de ce livre a été merveilleux pour moi, car cela a permis aux lecteurs de découvrir qui était Charlotte Salomon, une génie de la peinture.
Vous écrivez des scenarios pour des films basés sur vos livres et, de plus, vous avez vos romans joués au théâtre. Qu'est-ce qui est le plus difficile, d'une part, et d'autre part, le plus fascinant: écrire des livres ou les adapter pour des films, pour les mettre en scène plus tard? Ce sont deux choses différentes. La solitude de l'écrivain et le côté "chef d'entreprise" du réalisateur. J'ai besoin d'alterner les deux. Je suis scorpion, ce qui fait de moi un être qui aime la lumière et l'ombre.
Parmi vos personnages, il y a beaucoup d'héroïnes féminines avec leurs problèmes psychologiques, leurs désirs, peurs et rêves. Comment arrivez-vous à comprendre l'âme de la femme si précisément? J'ai sûrement une part féminine. J'aime écrire sur les femmes. Écrire développe une sensibilité et l'écriture est cette conversation avec le sensible. Mais je me sens proche de tous les personnages. Je suis aussi capable de me mettre dans la peau d'un Suédois dépressif, dans La délicatesse.
Dans une de vos interviews, vous avait dit que vous "comprenez l'origine du mouvement des Gilets jaunes, le mal-être, la difficulté de la vie quotidienne. Les choses explosent quand la souffrance est véritable. Le peuple a besoin de s'exprimer". Cependant, le site Internet Riposte laïque qualifie votre film "Le mystère Henri Pick" de film anti-Gilets jaunes. Êtes-vous d'accord? Ou votre but est de chercher ailleurs? Que pensez-vous du développement de ce mouvement à l'heure actuelle? Dans de nombreux pays, il y a une grande souffrance sociale. La crise économique est très forte. Alors oui, cela me paraît juste de revendiquer plus de partage. Après, comme tous les Français, nous avons désapprouvé les excès de certaines personnes très violentes. Ce ne sont pas eux les Gilets jaunes. Le mouvement s'atténue car le Président Macron a essayé d'y apporter des réponses.
Les résultats des élections européennes en France vous ont-ils surpris? Pourquoi? Non, cela fait un moment déjà que la vie politique s'est ainsi polarisée. C'était déjà le cas il y a deux ans, avec un duel Macron-Le Pen. Ce qui est surprenant est l'effondrement des anciens partis traditionnels. Il y a une grande mutation. Et ce qu'on peut voir aussi c'est que les jeunes votent massivement Vert. C'est une préoccupation majeure de l'avenir.
Comment voyez-vous le rôle de la France dans la construction européenne et, plus globalement, dans le monde? Je ne sais pas. Je pense qu'Emmanuel Macron donne une image moderne, dynamique et littéraire de la France. Et je trouve cela très bien.
Face à la montée nationaliste faut-il s'inquiéter de l'avenir de l'Europe unie? David Foenkinos: L'Europe est confrontée à de grandes crises et ne parvient pas à s'unir pour les régler. C'est ce qui provoque le rejet de la population. Il est évident que l'Europe qui est pourtant d'une si belle ambition est en danger.