Après le Mexique, l'Asie du Sud-Est, la Russie, c'est le Brésil qui est atteint de plein fouet par la crise financière mondiale. Et les remèdes du FMI, de plus en plus contestés, n'y ont rien pu. La population brésilienne reste seule face au chômage, à l'inflation, à la récession. Le raz-de-marée qui a submergé la monnaie brésilienne, le real, à la mi-janvier dernier était annoncé de longue date. Selon certains économistes, il l'était depuis la débâcle financière mexicaine de décembre 1994 qui mobilisera 50 milliards de dollars apportés par les Etats-Unis et le FMI au titre d'un plan de sauvetage. François Chesnais dans un article publié par le Monde diplomatique en mars 1995, "Défense et illustration de la dictature des marchés" démontrait que cette crise était de tout autre nature que celle qu'avait déjà connue ce pays en 1982 lorsqu'il se déclare en état d'insolvabilité. Dans le même article il notait que certains y voyait, sans états d'âme, "le premier exemple d'une crise d'un type nouveau, propre à l'ère des marchés financiers " globaux ", marqué par l'action peu prévisible de capitaux concentrés et volatils". C'est dans ce cadre que surviennent, à partir de juillet 1997, les naufrages financiers de la Thaïlande, de la Malaisie, de l'Indonésie, des Philippines, de la Corée du Sud, tandis que les bourses de Hongkong et de Tokyo sont fortement secouées, que le système bancaire japonais montre de graves dysfonctionnements et que toutes les places européennes, en septembre, perdent des points. Domino Prévu lui aussi, le troisième temps de cette crise financière surgit le 17 août 1998 lorsque la Russie suspend le remboursement de sa dette et dévalue le rouble. Les investisseurs-spéculateurs savent que la prochaine pièce du domino est le Brésil : le Financial Times, le 24 août, le désigne comme l'un des pays les plus vulnérables de l'Amérique latine. Mais le Brésil est alors en pleine campagne électorale. Fernando Henrique Cardoso, président sortant, brigue, face au candidat du Bloc des oppositions, Lula, un deuxième mandat présidentiel, lors de l'élection du 4 octobre, et se fait évasif et prudent sur les éventuels effets de la crise russe sur l'économie brésilienne. La bourse de New York, début septembre, connaissant une suite de baisses, comme celle de Sao Paulo, il se dit convaincu qu'il n'y a pas pas d'attaque spéculative contre le réal, mais qu'on est en présence d'une crise mondiale. Cependant, le ministre des finances, Pedro Malan, a engagé de discrètes discussions avec le FMI, dès la fin août.
Réélection Mais la problématique de la crise financière mondiale et de ses implications économiques et sociales au Brésil ne viendra jamais au centre du débat électoral, malgré les tentatives répétées de Lula. Le président Cardoso, en effet, a été élu une première fois en 1994 sur un programme de stabilisation de l'économie, réussit avec le lancement du real qui met fin à près de dix ans d'une hyper inflation incontrôlable qui atteindra jusqu'à plus de 5000 % l'an, en juin 94, sur 12 mois cumulés. Et c'est sur cette ligne politique de stabilisation des prix qu'il axe à nouveau sa campagne et lui vaudra sa réélection.