Ils sont comme ça, les remaniements ministériels dans notre pays. On en annonce quasiment un tous les trimestres dans d'insondables... ballons de sonde, on donne quelques têtes qui vont tomber aussi sûrement que deux et deux font quatre, on donne aussi quelques têtes qui vont arriver aussi certainement que trois et trois font six, on insiste sur l'imminence de l'annonce «officielle» et on attend. On attend d'avoir raison, ce qui procure toujours quelque gloriole d'avoir été dans le secret des dieux. Sinon, personne ne viendra vous reprocher d'avoir eu tout faux. Les faiseurs de ministres, eux, dégustent le moment. Il paraît que c'est particulièrement jouissif de regarder de loin s'agiter le petit peuple et quelques-uns qui veulent bien s'en détacher un peu. Vous connaissez, ces quidams qui ont toujours l'information officielle qu'ils détiennent de quelqu'un qui connaît quelqu'un qui est proche du sous-directeur de l'atelier de fabrication des ministres ? C'est une grande pyramide où la hiérarchie se décline en nombre de «quelqu'un» sur le chemin de l'usine. Moins il y a d'intermédiaires avant la «source», plus le bonhomme est important. Il paraît que certains remaniements ont été reportés sur de longues durées ou carrément annulés, rien que pour démentir les ouï-dire, trop bruyants pour être vrais. On ne va tout de même pas tolérer que le petit peuple et quelques-uns qui veulent s'en détacher un peu sachent ou devinent ce qui se passe dans les allées du sérail. Il paraît que des ministres dont la disgrâce a été consommée ont gardé leur poste juste pour que certains ne connaissent pas le bonheur d'«avoir raison». D'autres, qui devaient mettre la main sur un maroquin dans la foulée, ont dû tempérer leur enthousiasme, ronger leur frein ou carrément goûter à l'amertume de la désillusion. On l'aura constaté, certains à leurs dépens, que le dernier remaniement ministériel n'a pas dérogé à la tradition. Ça a tout de même une saison que l'imminence d'un «lifting» gouvernemental est annoncée. Plus qu'un lifting, on disait partant le Premier ministre. Que la machine à spéculations ait été encore mise en route par les «sondeurs», par ceux qui «souhaitent donc... pensent» ou par ceux qui redoutent donc conjurent avec leurs moyens, ce n'est pas nouveau. Il y a de tout dans un remaniement ministériel, même quand il n'advient pas. Et puisqu'il y en a un qui vient d'être opéré au moment où on en «désespérait», on en retiendra que les réaménagements de pure forme tiennent encore la route, si d'aventure, il y a quelqu'un qui a attendu qu'un changement tombe du ciel, en la matière. Rien n'a changé dans la démarche et on continue paradoxalement à «expliquer» départs et arrivées avec des paramètres dont on sait pourtant qu'ils sont tirés par les cheveux. Allez savoir pourquoi des ministres qui ne sont choisis ni pour leurs compétences techniques ni pour leur poids dans la représentation politique vont être virés pour leur bilan. Allez savoir pourquoi leurs remplaçants seraient promus pour un projet. Il y a un remaniement, parce qu'il devait y en avoir un. Et si le tout est qu'il n'intervienne pas au moment où on l'attendait ? Enfin, s'il y a quelqu'un qui l'attendait. S. L.