Ramadhan se passe bien. C'est devenu une molle routine. Les jours se suivent et se ressemblent. Il n'y a pas de souci. On s'habitue à tout. Y compris à la mercuriale. Je ne peux pas parler de faim, ni de soif. Le temps est clément. Un mois comme je n'en ai pas vu depuis longtemps. On est stressé la journée ; on l'est d'autant la nuit, une fois que l'estomac est bien tendu. C'est la loi du genre, allais-je dire. Franchement, je ne souffre pas trop. Pour les veillées, je suis maintenant habitué ; je suis un insomniaque pur et dur. Je récupère, autant que faire se peut, le matin. Puis il faut fignoler un emploi du temps ; ne me parlez surtout pas de marché, j'en ai ma claque. Dès que j'entends le mot «h'chicht chorba», je ressens une poussée d'urticaire. Mais j'ai le moral ; j'arrive à faire les mots croisés ; c'est déjà ça ! La surprise de ce mois de jeûne nous vient d'un groupe de personnalités nationales qui, après l'initiative des «19», prennent sur eux d'appeler le président de la République, lui demandant de faire l'impasse sur le cinquième mandat. Au moment où les thuriféraires du pouvoir ne cessent de battre la campagne, s'appuyant sur tous, pour demander, exiger, expliquer, convaincre, mettre en avant, de la nécessité au Président de rempiler. Pour le bien de l'Algérie. Pour raffermir la réconciliation nationale. Pour liquider le programme présidentiel. Pour son rôle messianique. Aucun argument ne les arrête. Ils maîtrisent très bien le timing. La machine électorale est à son rythme de croisière. Voilà que des Algériens ont l'outrecuidance de sortir du peuple silencieux, d'un silence coupable, pour dire au Président que son «âge avancé» et son «dramatique état de santé» lui commandent de s'arrêter maintenant, car «un autre mandat serait un calvaire pour vous et pour le pays». Tout est dit, n'est-ce pas ? En d'autres termes, vous n'avez plus les capacités de commander ce pays, même si on ne travaille pas avec ses pieds, mais avec sa tête. Le choix des mots est fondamental dans cet appel, il suffit juste de les transposer dans leur réalité palpable. Ce n'est pas de l'incompétence, disent-ils, non, il s'agit d'incapacité. Ce n'est pas la même portée de sens. L'autre me disait, juste après la chorba : «On n'envoie pas de lettre au Président, c'est lui qui nous écrit.» C'est juste, me suis-je dit. A défaut de le rencontrer et de lui dire, de vive voix, cette préoccupation vitale, il ne reste aux Algériens que la relation épistolaire ; puisque c'est devenu un mode de gouvernance. Puis à défaut de nous parler de vive voix, de parler à son peuple, le Président (?) envoie à son peuple des lettres. Il nous arrive de les lire. Mais lui, lit-il les nôtres ? A-t-il lu ou reçu cette dernière missive ? L'autre : «Jamais, il ne la lira. Le facteur ne passe jamais par Zéralda.» Et si c'était vrai ! Qu'il la reçoive, qu'il ne la lise ou pas, dans les deux cas, je dis que la situation est gravement grave. Fasse Dieu qu'il prenne sa plume, qu'il réponde à ces citoyens qui, franchement, ont posé un problème relevant d'un cas de conscience. Je reste convaincu qu'il n'y aura pas de réponse présidentielle. Mais les «autres» vont bouger l'estomac bien calé ; ils bougeront parce qu'ils veulent maintenir le statu quo. On ne cesse pas d'entendre le chef du FLN, il l'a répété dernièrement, que la légitimité révolutionnaire a encore de beaux jours en Algérie. Place alors à la gérontocratie ! Dès lors, je dis à Yasmina Khadra et les autres signataires que leur appel est un coup d'épée dans l'eau ; sauf, si miracle de ce mois sacré, le Président ne... Heureusement que pour les surtaxes sur les documents administratifs, Ouyahia et son ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, tentent des justifications par le coût de revient. Tu veux une carte biométrique, tu «kouhes». Le parallèle avec la France, ô cette France désirée et rejetée n'est pas recevable. Ces documents sont gratuits et ont une validité de quinze ans. Maâlich, payons, puisqu'il faut payer. Payons, puisqu'on ne nous demande que ça. Payons, puisqu'on ne sait faire que ça. Alors, payons et fermons nos gueules. Mais, qu'ils aient la décence de ne pas tenter le dribble populaire ! On verra bien ce que diront les députés, ces élus du peuple ! Pour le règlement intérieur, nos députés ont su le mettre au placard, parce qu'il ne les arrange pas ; ils pourront faire «la main levée buissonnière» à leur guise. Il n'y aura pas de retenue sur leurs salaires. Ni d'appel avant chaque session. Ni de jeton de présence. Ils vont et viennent. Ils lèvent la main. Ils votent les lois. Alors, surtaxes ou pas, «le peuple opère en marge». Pour cette chronique, je m'en vais recenser les mauvaises nouvelles, qui restent lettre morte dans les journaux. Et pour la prochaine chronique, sauf si le Président nous écrit une lettre, je parlerai de mes états d'âme, états d'âme d'un Algérien qui a mal à son pays. Allons-y : la presse étrangère absente des kiosques ! Et alors ? Nos journaux suffisent à notre peine quotidienne ; on ne va pas rajouter les fanfaronnades de Trump, ou les jérémiades de Macron. Manque d'eau dans les villages ! Il faut passer le mot à Necib, notre ministre de l'eau. Le ministre a promis un Ramadhan et un été sans coupures. Il faut qu'il aille constater la réalité du terrain. Des commerces de chicha fermés par la police à Annaba ! Je ne vois pas pourquoi ? Ils ne disposent pas de l'autorisation. Il n'y a qu'à les inviter à la faire délivrer. Mais que fait-on du commerce informel ? Risque d'une grève des boulangers ! Les résidents reviennent aux gardes. Et les boulangers menacent de fermer le pétrin. Le pain n'est pas vendu au prix de revient. Oui, il faut le payer à son tarif, tout comme les documents administratifs. Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux poids deux mesures. Aussi, je soutiens la grève des boulangers. Et si j'étais boulanger, j'aurais fermé mon pétrin depuis longtemps déjà. Souk Ahras, saisie de 28 kilogrammes de viande rouge impropre à la consommation ! Quelle saisie ! Quel record ! C'est à inscrire dans le Guinness Book. Une saisie digne des incorruptibles ! Bravo, il n'y a rien à dire. Ah, il y a toujours la chaîne chez le «Tounsi» du coin ! C'est une mauvaise nouvelle, car je comprends par là que rien d'autre n'intéresse les jeûneurs, sinon de bouffer avec les yeux. Quand au cinquième mandat, ce n'est même pas dans la liste de leurs préoccupations. Il y a tout de même une bonne nouvelle. Pour moi, c'en est une. Le HCA met en place un numéro vert devant permettre à tous de s'amazighiser. Allô, je voudrais, s'il vous plaît, avoir la traduction de... Oui, vous êtes au HCA, parlez-nous en tamazight. Y. M.