Lorsqu'un courrier prend l'allure d'une contribution, je le partage en respectant, comme toujours, l'anonymat de mon correspondant. En voici un qui ne trahit pas, par démagogie, les envolées tout à fait cohérentes d'un chauffeur de taxi et auquel je souscris totalement. «Pour avoir consacré une partie de mon existence (un peu plus de 20 ans) à travailler dans les zones rurales, je me sens à chaque fois interpellé par cette opposition rural/urbain au plan culturel. Comme si les campagnes étaient juste ‘‘blad essiba'' et obéissait à la mécanique infernale d'Ibn Khaldoun, explicative de la chute des pouvoirs de la Cité… Il serait faux de croire qu'en milieu rural les règles de base de la Cité sont inexistantes. En plus, d'un point de vue sociodémographique et géographique, les ‘'zones éparses'' ont quasiment disparu pour des regroupements en bourgades à dimension variable. Ce phénomène a commencé il y a plus de 50 ans. Je crois que le drame a pour origine, non pas le mouvement migratoire (je n'aime pas le terme exode qui a une connotation fortement religieuse, biblique et qui est loin d'être neutre), mais le délitement culturel proprement urbain. Avec les écoles réformées et ce qu'elles enseignent, avec la ‘‘nouvelle'' religion en rupture avec l'Islam ancestral, ce sont les cadres régissant les comportements qui ont volé en éclats. Sans compter qu'il y a une évolution générationnelle faite de ruptures continues. Les élites pouvant servir de référents dans le maintien et l'amélioration du socle culturel se sont régulièrement disloquées et ont choisi la voie la moins coûteuse individuellement, l'exil. Ce n'est donc pas tant le mouvement massif de déplacements de populations qui est à questionner et à montrer du doigt. Revenez à l'histoire de la constitution urbaine durant la période coloniale comme preuve, en Algérie, dans les pays voisins et même dans d'autres régions du monde. Mais cela n'ôte rien au message que vous vouliez passer. En première lecture, il peut renforcer une fausse accusation des ‘‘ruraux'' des maux dont souffrent le pays. Dans le contexte actuel, c'est pour le moins inapproprié.» Signé : Un citadin de plus de 70 ans. M. B.
