L'acte 10 de la révolution tranquille du 22 février dernier a été marqué, outre du sceau d'une mobilisation intacte, mais surtout d'une évolution significative en termes de slogans portés et entonnés. M. Kebci - Alger (Le Soir) - Ni les derniers discours du général Gaïd Salah, encore moins les enquêtes engagées par la justice et les limogeages opérés à la tête de plusieurs structures publiques n'ont influé sur le mouvement populaire né le 22 février dernier. Bien au contraire, en plus de maintenir la mobilisation citoyenne, cette révolution tranquille a franchi, hier à l'occasion de son 10e vendredi, un autre cap en terme de mots d'ordre avec le chef d'état-major de l'ANP et vice-ministre de la Défense nationale, désormais ciblé par des mots d'ordre des manifestants. Une capitale qui, comme le veut la tradition, a vu l'esplanade de la Grande-Poste quasiment noire de monde vers 10h30. Pas très loin de là, des citoyens débattent et échangent autour de la situation politique du pays. Et dans les alentours, d'autres manifestants, drapeau amazigh ou emblème national porté sur le dos, en solo, en groupes ou en familles, ne cessent d'affluer de partout, notamment dans les rues Didouche-Mourad et Hassiba-Ben-Bouali. Et comme ce fut le cas vendredi dernier, hier encore, le tunnel des Facultés a été interdit d'accès aux manifestants avec des camions et des forces antiémeutes installés des deux bouts du mythique ouvrage d'art. Quant à l'autre place emblématique de la capitale, celle du 1er-Mai, elle a failli à la tradition puisqu'elle n'a fait le plein que vers 13h30. Ce qui est expliqué par les blocages et le refoulement des manifestants venus des banlieues d'Alger et des autres wilayas, notamment celles limitrophes, avec les impressionnants barrages filtrants de forces antiémeutes et de la Gendarmerie nationale installés la veille sur tous les accès donnant sur la capitale qui avait l'air d'être mise sous un état de siège. Preuve en est que de nombreux manifestants n'ont atteint Alger que vers 15h, comme ces deux quinquagénaires rencontrés à la place Aïssat-Idir, non loin du siège de la Centrale syndicale, qui soutiennent avoir fait plus de deux heures pour venir de Bab-Ezzouar, leur lieu de résidence. Comme Gaïd Salah, l'ex-frère conseiller de Abdelaziz Bouteflika a eu aussi sa triste part de la colère citoyenne. «Dégage Saïd» ou encore «Saïd chef de bande à El Harrach», étaient également repris à tue-tête par les millions de manifestants qui ont, par ailleurs, entonné «Les Algériens, khawa khawa», comme pour répliquer à ceux qui parient sur une hypothétique division des rangs sur la traditionnelle base régionale. Les manifestants ont aussi, commenté à leur manière, la campagne mains propres menée par le pouvoir en place. «La justice a plus besoin d'ordre que d'ordres», ou encore «Pas de justice à l'ombre du pouvoir actuel», pouvions-nous lire sur des pancartes, signifiant on ne peut plus clairement que la rue ne croit pas trop aux récentes interpellations et incarcérations dans les milieux des affaires que l'on présente comme autant de réponses aux revendications populaires concernant la lutte contre la corruption. M. K.