Dimanche 5 mai 2019, la Direction des moudjahidine de Boumerdès a eu la bonne idée d'inviter Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, ancien cadre dirigeant de la Fédération du FLN en France, pour animer une conférence sur les événements du 8 Mai 1945. A cette date, les autorités militaires et civiles coloniales françaises avaient commis un massacre de grande ampleur tuant plus de 45.000 Algériens à Kherrata, Guelma et Sétif et d'autres villes algériennes. L'auditoire de Moh Clichy est composé essentiellement des stagiaires du CFPA du chahid Saba Ali d'El-Kerma à l'est de la ville de Boumerdès spécialisé dans les métiers du tourisme. Le conférencier a commencé par rendre hommage au chahid M'Hamed Bougarra, chef de la Wilaya 4 historique, tombé au champ d'honneur le 5 mars 1959 au village de Bouachra, dans le sud de la wilaya de Médéa, dans des conditions obscures (sa dépouille n'a jamais été retrouvée). Elle serait entre les mains des autorités françaises. Les compagnons du chahid l'ont réclamée à maintes reprises à la France mais personne n'a daigné leur donner une réponse claire. Revenons à la conférence de Ghafir. Ce dernier n'hésite pas à sillonner le pays ou de à rendre régulièrement en France pour apporter son témoignage sur les étapes importantes du combat des Algériens pour se délester de l'emprise du colonialisme. Il est , en outre, l'auteur — dans sa 4ème édition — de l'essai portant Le cinquantenaire du 17 octobre 1961 à Paris. Droit d'évocation et de souvenance préfacé par Jean-Luc Einaudi et Boualem Aidoun. Evitant le chemin moralisateur ou paternaliste, usant de termes simples, pédagogue à ses moments, Moh Clichy énumère des pages glorieuses du peuple algérien pour apprendre à ces jeunes, qui l'écoutaient sagement, l'Histoire glorieuse de leur pays. Qui a dit que les jeunes Algériens ne s'intéressaient pas à l'Histoire de leur pays lorsqu'elle est rapportée d'une manière neutre, sans arrière-pensées politiques ou de récupération et d'embrigadement ? A la fin de la conférence, les jeunes stagiaires pouvaient tirer la conclusion que les massacres de Mai 1945 ont été une articulation fondamentale dans le long combat libérateur de l'Algérie. Il y a eu, en effet, le 1er Novembre 1954 parce qu'il y a eu le 8 Mai 45, il y a eu 8 Mai 45 parce qu'il y a eu le 2 mars 1926 avec la création de l'Etoile nord-africaine (ENA). Il y a quelques années, Y. Bougarra, la sœur du chahid Si M'Hamed Bougarra, colonel de la wilaya IV, nous confiait que le massacré de 8 Mai 1945 a été le moment déterminant dans l'engagement politique de son frère pour la lutte armée ayant comme objectif la libération de l'Algérie. « Depuis le massacre de 1945, il est pratiquement entré dans la clandestinité », se rappelait-elle. C'est dire que cette énorme injustice qui survient, le jour où est fêtée justement la victoire sur le nazisme, a été déterminante sur le basculement politique individuel ou collectif des Algériens en faveur de la lutte armée comme seul moyen leur permettant de casser les chaînes de la soumission forcée à l'ordre colonial. Ghafir a séquencé son intervention pour énumérer successivement des faits. Il parle de la conférence des alliés (USA, Angleterre, URSS) qui se sont engagés sur l'autodétermination de tous les peuples opprimés sans distinction de race ou de religion, de la conférence de Brazzaville durant laquelle de Gaulle, chef de la résistance française , a pris l'engagement pour la libération de tous les peuples d'Afrique. « Ce sont ces promesses qui ont fait sortir les Algériens, le jour de la victoire. Les manifestants ont entamé une marche totalement pacifique. Ils portaient les drapeaux méricain, anglais, russe, français et algérien. Les autorités coloniales ne pouvaient pas tolérer l'emblème algérien. A cause de ce geste, le porteur a été abattu sur place à Sétif. C'est à ce moment que commencera le massacre. En réalité, la France ne voulait pas de l'indépendance de l'Algérie », dira-t-il. Le conférencier citera, ensuite, le message du général Duval, l'officier responsable de ce massacre qui rassurait son chef, le général de Gaulle, sur le travail réalisé – rébellion pacifique matée — mais qui concluait son rapport en lançant un avertissement «… mais si la France ne fait rien dans 10 ans ce sera irrémédiable. » L'embrasement de Novembre 1954 lui a donné raison. Dans sa conférence, l'orateur fait une révélation que beaucoup d'adultes algériens ignorent mais qui a son importance. Durant la Seconde Guerre mondiale, au sein de la résistance française, il y avait 95 000 «musulmans» lesquels, rappelons-le, ne sont reconnus ni comme français ni comme algériens et seulement 45 000 engagés ayant la nationalité française. Mohamed Ghafir a animé une conférence non pas pour rallier l'auditoire à sa cause, mais passionné par l'Histoire glorieuse de son pays, il veut la partager et permettre aux jeunes d'être fiers d'appartenir à une nation qui repose sur un socle durci par le courage et les sacrifices de ses combattants. Abachi L.