Jeunes et moins jeunes, de nombreuses personnalités culturelles et artistiques ont tiré leur révérence au cours de l'année écoulée. Cinéma, littérature, musique, théâtre, arts plastiques ; tous les domaines de la création ont été endeuillés cette année, parfois brutalement. Houari Manar Agé de 38 ans, le chanteur de raï décède le 7 janvier dans une clinique privée d'Alger où il devait subir une intervention chirurgicale censée être sans danger. Il meurt des suites d'une erreur médicale lors de l'administration de l'anesthésie, ce qui a motivé l'ouverture d'une enquête dont on ne connaît toujours pas les conclusions. Il aura subi de son vivant toute sorte d'anathèmes et de discriminations en raison de son style vestimentaire et son orientation sexuelle. Médias conservateurs et officiels n'ont pas hésité en effet à le clouer au pilori à chaque fois qu'une occasion se présentait. La dernière en date remontait à deux mois avant son décès lorsque le ministre de la Culture de l'époque, Azeddine Mihoubi, se targuait de l'avoir déprogrammé d'un gala de commémoration du 1er Novembre à Constantine, le jugeant indigne de cette date historique. Youcef Goucem Le 24 janvier, le producteur de cinéma et d'audiovisuel rend l'âme des suites de ses blessures, deux semaines après s'être immolé par le feu dans les locaux de Dzaïr TV. Un interminable litige l'opposait à cette chaîne privée qui tardait à honorer le paiement d'un certain nombre de productions réalisées par le défunt. Son geste désespéré avait secoué le monde culturel et poussé un collectif de professionnels du cinéma et de l'audiovisuel à publier une déclaration dénonçant les conditions précaires dans lesquelles ils exercent leurs métiers et l'absence de réglementation stricte régissant les rapports entre prestataires et commanditaires. Mansour Abrous L'illustre historien de l'art décède à l'âge de 63 ans le 31 janvier, laissant derrière lui un héritage encyclopédique marqué par une démarche analytique et mémorielle sur les arts plastiques algériens. Diplômé en psychologie et en esthétique et vivant en France où il occupait le poste de chargé de mission culturelle de la ville de Paris, Mansour Abrous s'est donné comme mission de bâtir un imposant édifice référentiel concernant la création artistique en Algérie. Il a ainsi laissé aux chercheurs notamment une mine d'informations, de dates-clés et parfois de créateurs sortis de l'oubli. Parmi ses ouvrages : «Dictionnaire des artistes algériens 1917-2006», «Algérie, arts plastiques : dictionnaire biographique 1910-2010», etc. Cheb Azzedine Figure emblématique du raï algérien dissident, le chanteur tire sa révérence à l'âge de 44 ans le 6 février 2019 des suites d'un AVC. Il aura marqué la scène musicale par un ton engagé et frondeur qui le conduira même en prison. La chanson «Chouf el hogra» où il se moque ouvertement des autorités locales lui vaudra en 2005 une condamnation à un an de prison ferme par le tribunal de Chlef pour diffamation et outrage à corps constitué. Aziz Chouaki Né en 1951 à Tizi-Rached en Kabylie, le dramaturge, romancier et musicien disparaît le 16 avril à Paris à l'âge de 68 ans. Talent polyvalent et singulier, il devient dans les années 1980 l'une des figures de la scène rock algérienne avant de publier son premier roman «Baya» (1988) qui sera adapté au théâtre en 1991 par Jean-Pierre Vincent. S'amorce alors pour Chouaki une nouvelle expérience de dramaturge et publie «Les Oranges» en 1997 qui lui ouvrira les portes de nombreux théâtres en France. Par ailleurs, l'un de ses romans «L'étoile d'Alger» (2002) racontant l'histoire tragique d'un chanteur de cabaret algérois au beau milieu des années de terrorisme, sera adapté au cinéma par Rachid Benhadj en 2016. Azwaw Mammeri L'artiste-plasticien décède le 15 mai à l'âge de 65 ans. Il lègue une œuvre protéiforme marquée par une recherche artistique insatiable où, loin du style de son illustre grand-père, il a su se distinguer par un trait singulier et un univers tantôt mystique tantôt anxiogène. Très connu sur la scène artistique algérienne et internationale durant les années 1980-1990, Azwaw Mammeri disparaîtra longtemps des radars avant de revenir discrètement en 2016 à travers une exposition organisée par Valentina Ghanem à la galerie Sirius. Moussa Haddad Le père cinématographique de l'Inspecteur Tahar nous quitte le 17 septembre à l'âge de 82 ans. Sa filmographie aura marqué le 7e art algérien, notamment dans le registre de la comédie satirique. Né en 1937 à Alger, il entame sa carrière en 1966 avec l'un des monstres du cinéma mondial, Gilo Pontecorvo dont il est l'assistant sur le tournage du non moins mythique «La bataille d'Alger». Fort de cette expérience, il signera deux ans plus tard «L'Inspecteur Tahar mène l'enquête», suivi en 1972 des «Vacances de l'Inspecteur Tahar», un film-culte qui a traversé les générations. En 1999, «Mad in» le voit tutoyer le genre du thriller et attire une affluence considérable vers les salles de cinéma. Son dernier film, «Harraga Blues», sort en 2013. Tarik Chikhi C'est l'un des fondateurs du groupe de rock-raï «Raïna Raï» pour lequel il a signé plusieurs mélodies. Il décède à l'âge de 67 ans le 11 novembre 2019 dans sa ville natale de Sidi-Bel-Abbès à l'âge de 67 ans. Cherif Aggoune Le cinéaste à qui l'on doit notamment le premier film en langue amazighe disparaît prématurément à Paris le 17 décembre dernier, fauché par un malaise cardiaque. Son court-métrage «Taggara n'lejnun» (1990) lui vaudra une sélection au Festival de Clermont-Ferrand. En 2011, il revient avec le documentaire «Tlemcen l'andalouse» réalisé dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Il enchaîne, deux ans plus tard, avec le long-métrage de fiction «L'héroïne» qui revient sur les traumatismes de la décennie noire à travers l'histoire d'une jeune maman dont l'époux est tué par les islamistes, qui décide de reprendre sa vie en main et de résister à la terreur. En 2015, il signe «Rocher Noir», un documentaire troublant et riche en révélations sur l'organisation du référendum pour l'indépendance de l'Algérie en 1962. S. H.