La semaine a été pénible. Elle s'est terminée par la disparition de Nacer Medjkane. Photographe talentueux, homme de sourdes colères et d'infinies tendresses, Nacer a plus été dans le regard haut et fin que dans l'instantantané. S'il a plus témoigné qu'informé, c'est sans doute parce qu'il a toujours pris le métier comme il l'aimait. D'autres diront que c'est un artiste mais ce n'est pas sûr qu'il aurait aimé ça, tellement il avait la sensibilité humble et détachée. Tout le temps dans une guerre sereine contre le ronflant et l'évident, Nacer a souvent rongé son frein et souri dans son coin de n'avoir pas toujours été pris à hauteur de ce qu'il a fixé au bout de son objectif. Nacer est parti en laissant derrière lui, avantage des seigneurs, un trésor pour la postérité. Et une vie à raconter, s'il n'y voit pas d'inconvénient. Ciao, l'artiste. La semaine a été pénible, même si elle aurait pu être plus agréable. Avec tous les prisonniers d'opinion qui ont été libérés, on aurait pu passer de bons moments d'émotion et de communion sans avoir à polémiquer. Les beaux moments d'humanité n'ont pas besoin de ça mais on n'a pas pu y échapper. Il y a eu d'abord la jeune Samira Messouci. Incarnation belle et déterminée de la contestation populaire, elle a été accueillie à sa libération avec les égards qu'elle mérite. Non, ont estimé les coupeurs de cheveux en quatre et d'autres qui sont beaucoup moins sympathiques que ça. Il paraît qu'on aurait oublié d'autres comme si le fait d'adopter des symboles est la négation des autres. Comme si Ali la Pointe avait fait oublier Bouhamidi et tous les autres combattants de La Casbah ! La semaine a été pénible. Elle aurait pu l'être moins et pour rester dans les symboles, le plus illustre d'entre eux a été libéré jeudi. Lakhdar Bouragaâ rejoint la chaleur et l'affection des siens et ça aurait pu suffire au bonheur de beaucoup d'Algériens qui savent combien il ne méritait pas la prison et combien il est important qu'il en sorte. Mais voilà, il a été dit beaucoup de choses, souvent des évidences servies sur le ton de quelqu'un qui a inventé le fil à couper le beurre. «Il n'est pas libéré, il a purgé sa peine». Ah, quelle perspicacité, les amis ! Les Algériens doivent donc contenir leur joie de voir leur héros en liberté, parce qu'il y a des nuances juridiques dans l'affaire ? Dur. La semaine a été pénible. On disait déjà dans cet espace que les Algériens ont beau contester la légitimité du nouveau Président, ils ont quand même attendu l'annonce du gouvernement. Comme ils avaient attendu le vainqueur alors que tout le monde soutenait mordicus qu'il… savait. Cette fois, comme on ne peut pas vraiment dire qu'on sait, on commente alors après coup. Un peu paradoxal quand même mais on y est habitué, de critiquer la composition d'un gouvernement dont on conteste la… légitimité. Il a été ainsi question du nombre de femmes qu'on a trouvé très faible, du retour de certains ministres de l'ancien régime, des «jeunes», des «surprises» et de beaucoup de choses encore. La double… peine, parfois. S. L.