Il utilisait le cycle de la vie des fleurs pour réaliser des œuvres probablement uniques au monde comme l'est également sa méthode pour décrire le cycle de la vie des humains, surtout ceux de la Kabylie. Le cycle de la vie l'a fait partir discrètement, à l'âge de 76 ans (il est né en 1943 à Hasnaoua, dans la wilaya de Tizi-Ouzou), en laissant de la tristesse parmi les siens et ses amis. Mais lui, comme les fleurs qui laissaient des graines comme continuité de la vie, d'où il en prélevait les substances qui composent ses fresques, a laissé une œuvre en héritage artistique. Dda Achour est parti le mois de juin 2019. Les responsables de la Direction de la culture de la wilaya de Boumerdès ont donné aux festivités organisées à la Maison de la culture Rachid-Mimouni, à l'occasion de la célébration de Yennayer 2970, de la profondeur en honorant un artiste, un vrai, en la personne de feu Achour Tamani. Ses enfants étaient présents. Une quinzaine de ses tableaux étaient exposés à cette occasion. L'art de feu Dda Achour est probablement unique au monde. Il a réalisé une centaine de tableaux avec la variété de graines de fleurs. Pour les cueillir, les sécher, les trier et utiliser le contraste de leurs couleurs pour construire une œuvre, ce qui exige des connaissances botaniques, une volonté de fer, un immense capitale de patience, de la haute précision et de l'inspiration artistique. Fragment de mémoire, c'est l'appellation qu'il avait donnée à son œuvre qui se compose, selon son fils Mourad, d'une centaine de tableaux. L'artiste tirait son inspiration de ce que sa mémoire lui a restitué de la vie quotidienne en Kabylie des années 1940. «La femme est omniprésente dans ses tableaux», remarquait Mourad, présent à la Maison de la culture. Les anciens qui ont vécu en Kabylie dans les années 50 et 60 ne peuvent échapper à la fascination que suscitent ces fresques. Nous lui avions consacré un article il y a une dizaine d'années. Les tableaux de Dda Achour réveillent les mémoires et leur donnent de la fécondité et de l'exaltation. La dernière fois que nous l'avions rencontré, c'était au printemps 2019. Il était au centre-ville de sa ville d'adoption, Boumerdès, et il attendait les départs de la marche du Hirak pour manifester pacifiquement aux côtés de ses concitoyens pour la justice et la liberté. Il a été emprisonné par les colonialistes durant 2 années pour avoir participé à la guerre de Libération. Il n'est pas connu pour être un tchatcheur comme le sont généralement les artistes. Il fait partie de ces Kabyles que la rude vie a façonnés, de ces Kabyles pour lesquels le silence est d'or et le verbe un décret. L'artiste a participé à plusieurs exposés au niveau national ou à l'étranger. «Il a refusé de vendre ses tableaux. Il nous disait ‘'je ne peux pas vendre mon 8e bébé''.» Feu Achour avait sept enfants. Pour l'heure, la famille est toujours en possession de ce patrimoine. «Nous souhaitons trouver une institution ou un musée qui se chargera de protéger ce patrimoine et de l'exposer aux Algériens. Nous souhaitons également offrir l'un des tableaux aux représentants des familles des descendants des déportés algériens en Calédonie, en hommage à la résistance d'El Mokrani», nous a confié Mourad. Abachi L.