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«Ma poésie est offensive»
Entretien avec le poète et écrivain Mhamed Hassani :
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 03 - 2020

Mhamed Hassani est né à Aokas sur le littoral est de Béjaïa. Poète et dramaturge bilingue (français et kabyle) depuis les années soixante-dix, il a à son actif plusieurs recueils de poésie et pièces de théâtre. Militant des droits humains, fondateur de plusieurs associations et chroniqueur culturel, il est aussi romancier. Il a monté sa première pièce de théâtre en kabyle en 1978 avec sa troupe à Aokas. En 2011, le Théâtre régional Malek- Bouguermouh produit sa pièce de théâtre Akham n Tiche (écrite en 1980) qui venait d'être primée au Kaki d'Or de Mostaganem et aux Bougies d'Or de Béjaïa. Il est l'auteur de plusieurs œuvres dont Ili ! (Sois !) (poésie kabyle, 2010), le roman Performance à Rocher Noir (2019) et L'ivre citoyen (poésie bilingue, 2020).
Le Soir d'Algérie : Vous venez de donner une conférence-débat à la place de la Liberté à Béjaïa. Un premier mot sur cette place avant de rentrer dans le monde de vos productions littéraires ?
Mohamed Hassani : Ah oui ! Vous faites bien de parler d'espace d'expression, parce que la place de la Liberté du quartier 1 000 Logements Iheddaden est un espace libéré ! Pour être libéré, un espace doit être déconstruit et reconstruit selon les besoins de ses utilisateurs ! C'est ainsi que les espaces sont récupérés actuellement un peu partout à travers le pays selon les besoins du mouvement citoyen et des résidents. Le pourquoi, c'est parce que tout ce qui s'est réalisé dans notre pays n'a pas été conçu pour satisfaire le citoyen dans ses aspirations à la modernité, mais plutôt pour l'emprisonner dans son misérabilisme et sa médiocrité. Rien n'est fait pour son épanouissement. Donc, la première action du mouvement citoyen en cours, c'est de se réapproprier les espaces publics. Et c'est ce qui doit se faire à l'échelle du pays, réadapter le pays à notre volonté de nous moderniser dans le sillon citoyen que nous sommes en train de tracer.
Tout de même, ces réalisations n'ont pas d'autres objectifs que la satisfaction des besoins de la population ?
Oui, dans l'absolu. Mais, ça ne contredit pas ce que je viens de dire. Les programmations pour satisfaire les besoins de nos populations ne se font pas d'une manière concertée, selon des objectifs d'épanouissement citoyen ! On décide à notre place, que nous avons besoin de logements, d'écoles, de tourisme, d'industries… Et ils réalisent à leur manière dans l'opacité et la précipitation pour pouvoir détourner l'argent de la rente, loin des regards citoyens. Et le résultat est là ! Vous vous rendez compte : des cités-dortoirs sans aucune infrastructure de distraction ou de lieu de rencontre en dehors de la mosquée ! Donc, la réaction des habitants d'Iheddaden et d'autres quartiers est salutaire. Le pays est victime de ses richesses. Passons, on reviendra s'il le faut sur cette question, parce que j'ai la conviction qu'elle renferme toute la problématique du présent.
Donc vous avez été invité par le collectif de ce quartier pour animer une conférence sous le titre «l'écri-vain et le mouvement citoyen». Ce jeu de mots n'est-il pas déplacé par rapport à votre public ?
Mais non ! D'ailleurs, j'ai pris le soin de publier, dans un quotidien papier et dans les réseaux sociaux, une chronique avec le même titre. Une manière de donner des éléments de débat à l'avance. Et ce titre rappelle un débat d'actualité.
Sinon, comment s'est déroulée la rencontre ?
Très bien. Agréablement surpris par la teneur des débats et l'écoute du public. J'avais beaucoup hésité avant d'accepter l'invitation, mais comme toujours, j'essaie d'innover avec moi-même pour innover avec la société. Donc, à partir de la chronique publiée, j'ai refait mon parcours de poète depuis ma jeunesse en faisant le parallèle avec les événements nationaux, pour montrer que l'écrivain que j'étais était toujours en osmose avec son peuple et sa société. Si les historiens écrivent l'histoire objective des sociétés, nous, poètes, en faisons l'histoire subjective, à partir de notre ressenti.
Le public attendait beaucoup plus un discours politique, vous leur avez offert de la poésie...
Je vous ai dit que les politiques refont le parcours historique de notre peuple en discours, moi je l'ai fait en poésie. Et le public était très réceptif.
Si j'ai bien compris, vous vouliez parler de la relation écrivain et mouvement citoyen ?
Oui, je voulais donner cette impression tout en détournant le sens par un jeu de mots.
La vraie question, c'est est-ce que l'écrit est vain par rapport au mouvement citoyen ?
Et la réponse ?
L'écrit ne peut être vain dans l'absolu, parce qu'il reste le témoin et la mémoire du présent. Mais les gens recherchent l'effet immédiat, ce qui dévoile l'absence de cumul culturel, si on peut dire cela. L'auteur, l'artiste n'a de l'effet qu'avec le temps ! Il donne de la profondeur à notre vécu. Des fois, on en arrive à juger des artistes sur leur production présente qui ne parle pas du mouvement citoyen. C'est faux parce qu'ils ont chanté ce soulèvement depuis longtemps et, aujourd'hui, il est là. L'artiste est la voix du futur mais aussi le terreau du présent. Néanmoins, je souligne que l'artiste et l'écrivain et tout intellectuel sont tenus de se positionner par rapport aux droits humains. On ne peut passer à côté.
Et vous, comment vous situez-vous dans le présent ?
Dans cette rencontre, j'ai essayé de montrer que l'artiste, le poète, est un tout, depuis ses débuts jusqu'à sa fin. Tant qu'il produit, qu'il est vivant, on ne peut le juger ou le stigmatiser. Il peut toujours rebondir, changer de direction… Donc, j'ai accompagné ma lecture du mouvement citoyen depuis les années quatre-vingt par la lecture de poèmes, extraits de mes différentes productions. Et ma surprise renouvelée à chaque fois, c'est de constater que ma poésie, des années soixante-dix, quatre-vingt en kabyle, s'interprète toujours en fonction de l'actualité.
Exemple ?
Exemple, mon poème Ili ! extrait du recueil du même nom, édité sous forme de brochure artisanale en 80 et réédité en 2010, suscite beaucoup d'intérêt. Une strophe du poème dit «: Hud, ayentufidthud, acukanhud ! Hud a lukan d akhamik ma izedeghittlam ! Hudleswarigezmentikli n usekudik !» (Détruis tout ce que tu rencontres, mais il faut détruire ! Il faut détruire même ta maison, si elle est habitée par l'obscurité ! Détruis les murs qui limitent la course de ton regard.)
C'est choquant de détruire sa maison !
Précision : si elle est habitée par l'obscurité et il faut comprendre «déconstruire» au lieu de détruire. Le public a tout de suite saisi le rapport au combat actuel du mouvement citoyen avec son slogan «yettnehaw gaâ !», il s'agit de déconstruire tout ce qui existe pour le reconstruire à notre convenance. Surtout déconstruire le système qui nous enserre et nous gère depuis les débuts de l'indépendance du pays. Vous voyez qu'à partir d'un poème de 80, on arrive à débattre en profondeur de l'actualité. Parce que c'est un concept philosophique intemporel.
D'autres exemples de rapport de votre poésie à l'actualité ?
Oui, dans un poème extrait d'Etre et agir édité en 2017 chez Chapitre.com en France, il est question d'être et agir dans la société en s'identifiant aux différents mouvements qui l'agitent jusqu'à devenir soi-même une vague parmi toutes les vagues de la société.
«Sois
Léger comme une idée
Lourd comme une vision
Et te confondront
Les vagues de la mer de la liberté
Jusqu'à devenir toi-même
Vague parmi les vagues de la société.»
Ma poésie est offensive, incitative, elle ne se contente pas d'être, elle appelle à agir.
Parlez-nous un peu de votre dernier recueil L'ivre citoyen.
L'ivre citoyen, en kabyle «a hellil i ughrim», est né dans la rue. Exilé des espaces couverts, l'artiste a dompté la rue pour la transformer en atelier. La rue, la place publique, sont devenues le lieu de la liberté d'expression citoyenne, bien avant 2019. C'est là que les amoureux de la liberté ont commencé à revendiquer ce droit et ont demandé la libération des détenus d'opinion dont Marzouk Touati (dont je salue le travail d'information qu'il a repris dès sa libération) était l'objet d'un comité de libération à Béjaïa. Donc, c'est en accompagnant ces jeunes mobilisés que ce livre a pris forme à travers des poèmes et chroniques publiés régulièrement dans la presse et les réseaux sociaux. L'ivre citoyen devait être un support pour mes interventions en faveur des droits humains lors de mes rencontres-dédicaces que j'ai l'habitude d'organiser à Paris ou ici. Effectivement, j'avais commencé une tournée en décembre 2018 en France avec ce recueil qui a été bien accueilli. À mon retour, fin janvier, le temps que l'éditeur le réédite, le 16 puis le 22 février sont arrivés et le poète que je suis a replongé dans le mouvement pour en capter les pulsations. J'ai rajouté une partie que j'ai appelée «La cinquième saison» et l'éditeur Boussekine a mis sa machine en route. Ainsi L'ivre citoyen, 2e version, est né en avril 2019. Puis voilà qu'en janvier 2020, l'éditeur m'informe qu'il souhaite faire un nouveau tirage avec, si possible, une mise à jour. J'ai tout de suite accepté. J'ai regroupé mes textes écrits en 2019 et composé une nouvelle partie intitulée : «ce livre est aussi ivre que le citoyen !», il paraîtra au premier anniversaire du mouvement citoyen ! Un livre ouvert comme le mouvement qu'il porte et qui le porte.
En 2019 vous avez aussi publié votre premier roman. Vous pouvez nous en parler ?
Bien sûr ! Mon roman intitulé : «Performance à Rocher Noir» m'a pris beaucoup de temps ! Une première expérience que j'ai entreprise comme une performance où j'essayais de me sortir des textes poétiques courts pour aller vers la prose. Comme le décrivent mes premiers lecteurs qui connaissent mon style, «c'est un long prosème». «Prosème» est un néologisme que j'ai inventé pour parler de mon écriture qui se situe entre poésie et prose. Cela du point de vue de la forme. Quant au fond, il s'agit de deux amis, un poète et un peintre, chacun aborde un virage de sa vie. Ils se créent une opportunité de voyage dans le cadre d'un échange culturel officiel entre deux villes algériennes. La ville de destination est Boumerdès ex-Rocher Noir. Là se déroule le roman avec toutes les réminiscences des personnages et du lieu. Le personnage principal est un cadre de l'administration acculé à prendre une décision : démissionner ou se soumettre à la logique du système ? La poésie comme une conscience aiguë l'accompagne à chaque crise.
Vous pouvez nous en dire plus ?
Il m'est difficile de le résumer, vu les diverses facettes qui le composent. D'ailleurs, il a fait l'objet d'une analyse psychanalytique de la part du docteur Benjamin Abdessadok, un spécialiste de «la créativité», analyse que j'ai jointe à la fin du roman.
Vous avez lu un passage lors de votre conférence.
Oui, un passage pour illustrer d'abord la violence qui caractérisait l'Algérie des années 90 et de la révolte de 2001. C'est un passage qui parle de la réaction de la jeunesse à l'assassinat de Matoub. Un passage où il est dit qu'«être casseur était la seule promotion qui restait aux recalés du système et que ce dernier était inaccessible aux jets de pierres des révoltés». J'ai lu ce passage pour montrer le contraste avec le mouvement actuel dominé par un pacifisme à toute épreuve, dont la problématique centrale est toujours le changement de système.
Votre roman est disponible en Algérie ?
Oui. Il a été édité en France chez Maä Editions qui a bien voulu autoriser les éditions Boussekine de Béjaïa à le reproduire pour les besoins du lectorat algérien. Donc, il est disponible et moi avec pour d'éventuelles rencontres à travers le pays d'est en ouest et du sud au nord ! Nous avons soif de circuler librement avec nos idées à travers tout notre territoire ! régulièrement, je fais ma tournée dans les espaces parisiens mais chez moi je n'arrive pas à sortir de la Kabylie et Alger. Je me suis produit une fois à Oran, grâce à des amis.
C'est vrai que nos écrivains manquent de mobilité à travers le pays, pourquoi, à votre avis ?
J'ai posé la question à des amis, il paraît que c'est difficile d'organiser quoi que ce soit à travers tout le pays, même à Béjaïa, vous voyez les difficultés malgré la combativité de la société civile. Mais le mouvement citoyen est en train de balayer d'est en ouest, du nord au sud, bientôt les espaces d'expression fleuriront comme autant de poèmes et de récits naîtront de nos amours et nos rencontres !
Un mot en conclusion pour le mouvement citoyen ?
Le mouvement citoyen vient des profondeurs de la société, il ne disparaîtra pas de sitôt. Cette lame de fond ira crescendo jusqu'à faire basculer le pays vers la nouvelle République et l'Etat de droit. Nous n'avons pas d'autre alternative. La maturité est un cumul d'expériences intériorisées. Et nous sommes dans la phase offensive de notre histoire. Nous la faisons avancer à grands pas. Dans ma jeunesse, dans mon recueil Ili ! j'écrivais en kabyle «tagrawlaurtettghib ara, tettezzi g umkanalamatufababis» «la révolution ne s'éteint pas, elle tourne sur place jusqu'à trouver son maître».
La révolution est une constante humaine. L'esprit du Hirak doit se ramifier dans la société, atteindre tous les secteurs et habiter tous les Algériens. C'est ce qu'on entend par auto-organisation. Chacun doit agir à son niveau et aller en circonvolution jusqu'à atteindre toute la société.
Entretien réalisé par
Kamel Gaci


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