Djamel Oulmane a écrit une belle page de l'histoire du foot national à la tête de cette flamboyante formation de la DNC/ANP qui avait remporté la Coupe d'Algérie en 1982 et atteint les quarts de finale de la Coupe d'Afrique l'année suivante pour une première participation à une compétition continentale. Il a laissé l'empreinte d'un libéro de charme au jeu de tête impressionnant et à la technique remarquable à un poste difficile que seuls un Franz Beckenbauer ou un Rudi Krool avaient su animer avec succès. Et dans la lignée de ces célèbres joueurs, il a su s'adapter, lui l'ancien attaquant de pointe pour reculer et rendre le défenseur central spectaculaire. Pur natif du quartier de Belcourt, vous n'avez fait ni vos classes ni joué au CRB. Pourquoi ? Je n'ai jamais joué au CRB pour deux raisons. Bon, j'ai commencé à taper dans un ballon dans la rue, puis à l'âge de 14 ans, j'ai intégré les rangs de l'USHA, l'équipe des hôpitaux d'Alger. J'ai débuté directement en juniors parce que le coach des seniors, Zitouni Abdelghani m'avait remarqué et voulait que j'évolue en seniors. Et c'est ainsi que j'ai fait ma première apparition avec les seniors en 1968 contre Tiaret ,en ouverture d'un certain derby CRB-NAHD au stade Zioui. Maintenant pour vous répondre sur le CRB, il y a d'abord une première cause. Laquelle ? En 1969,je suis allé à la DNC pour travailler et j'avais même envisagé d'arrêter le foot parce que je devais subvenir aux besoins de ma famille. Une fois dans la vie professionnelle, la DNC m'a pris en charge sur tous les plans et notamment les études. A l'époque,Aouchiche «Allah y rahmou» qui était le patron de l'entreprise m'a envoyé étudier et j'ai donc eu la chance de revenir dans une atmosphère studieuse car j'avais été obligé d'abandonner le lycée technique du Ruisseau auparavant parce que mon père était décédé et il fallait bien que je prenne en charge la famille. Connaissant ma situation sociale et mon désir de poursuivre mes études, Aouchiche n'a pas hésité à me les payer pendant des années et cela le CRB ne pouvait pas le faire. Ceci est la première raison de ne pas intégrer le Chabab. Quelle était la deuxième ? Je dois vous préciser que le CRB m'a contacté en 1972. Les dirigeants sont venus chez moi vu que j'habitais en face du cercle du Chabab. D'abord pour Aouchiche il n'en n'était pas question. Mais la raison principale de mon refus de porter le maillot du CRB,c'est que je suis un pur Belouizdadi.80% de ma famille réside à Belcourt.Nous y sommes depuis plus d'un siècle. Si mon père était encore vivant, il aurait totalisé aujourd'hui 118 ans de présence dans ce quartier. Evidemment, nous sommes tous des fans du CRB. Imaginez que j'aie disputé un match avec le CRB au 20-Août et que nous avions subi une défaite à cause de moi ? Les supporters en colère auraient été capables de venir m'insulter chez moi et de tout brûler. Les Oulmane sont une grande famille honorable à l'échelle nationale avec 7 chouhadas et 23 moudjahids. Donc pour l'honneur de ma famille et l'amitié qui me liait à ouled el houma et mes voisins, je ne pouvais jouer au CRB sous peine de détruire tout cet équilibre. C'était impossible de porter le maillot du Chabab. En 1982, la DNC remporte la Coupe après sa victoire contre le NAHD qui était privé de ses internationaux retenus par l'EN en Coupe du monde. A ce jour, les Nahdistes contestent votre succès. Que leur répondez-vous ? Les Nahdistes sont libres de dire ce qu'ils veulent, mais moi je vais vous répondre par des faits et ce sera à vous de juger. Lors de cette finale, le NAHD était privé de trois internationaux, en l'occurrence Guendouz, Madjer et Merzekane et ces trois-là n'avait pas la valeur intrinsèque d'un Maïche ou d'un Aït El-Hocine. Je peux vous donner la composition du NAHD ce jour-là. C'était une grande équipe, mais nous aussi, nous avions une formation de très grande qualité et nous avons battu le NAHD sur le terrain et le plus logiquement du monde. Et même avec la présence de leur trois internationaux, on les aurait battus. Maintenant que ceux qui contestent encore notre victoire doivent cesser de le faire car ils ne font que se couvrir de ridicule. A l'époque, le règlement n'existait pas, sinon la finale aurait été reportée du fait que le NAHD avait plus de deux joueurs en sélection... Oui, mais cela n'enlève rien à notre succès. Après le succès en Coupe, la DNC a participé à la Coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe et vous aviez effectué un excellent parcours en atteignant les quarts de finale... Nous avions atteint le quart de finale et nous avions été éliminés pas les Ivoiriens de l'ASEC-Abidjan qui était l'une des meilleures du continent. Vous auriez pu aller plus loin si la DNC avait des supporters ? On avait un public restreint composé de gens amoureux du beau football car on pratiquait un jeu spectaculaire et attrayant. Le manque de supporters n'a jamais été un problème pour nous parce que l'ensemble avait une force de caractère extraordinaire. Bien au contraire, quand on affrontait le MCA,l'USMA ou la JSK chez eux , plus le stade était plein de fans qui nous étaient hostiles, plus on était motivés. D'ailleurs, on a battu ces équipes avec leurs stars chez elles et c'est dire qu'il y avait de la qualité chez nous. Et c'est pour cela que vous avez déclaré que la DNC était un club professionnel... Depuis 1962 à ce jour, on n'a jamais eu de véritables clubs. Ce sont des équipes uniquement. Je dis que le seul club avec un grand C qui a réellement existé en Algérie depuis l'indépendance, à ce jour, c'est bien la DNC. Cela nécessite une explication. On avait nos propres infrastructures sportives avec des terrains, des annexes et des salles omnisports ainsi qu'un hôtel et le restaurant. Nous avions un centre médical avec toutes les spécialités médicales ainsi qu'un centre de formation pédagogique qui se situait à Rouïba. Nous avions le premier centre de rééducation en Algérie. Nous avions également notre propre centre de pharmacie et en matière de transport, nous disposions de deux grands bus, cinq fourgons plus les véhicules légers. Voilà ce que c'était la DNC,un vrai club alors qu'aujourd'hui, il y a des équipes qui se disent professionnelles alors qu'elles ne possèdent même pas un terrain. La DNC était un fleuron. Comment expliquez-vous sa disparition ? Ce sont les grands hommes qui font l'histoire et qui la construisent. Je veux parler de Abdelmadjid Aouchiche «AllahYrahmou» qui a créé, bâti et développé la DNC voire le pays car il a été à l'origine de la construction de collèges, théâtres, immeubles etc. depuis les années 60.Mais à la mort de Houari Boumediene,et avec l'arrivée de Chadli Bendjedid à la présidence, tout a changé et il fallait casser la DNC. On allait adopter un nouveau concept économique et il fallait effacer tout ce qui était proche de Boumediene et comme Aouchiche l'était, les nouveaux dirigeants dont je ne veux pas citer les noms pour ne pas leur faire de publicité ont éclaté la DNC pour la faire disparaître. Pour revenir à vous, vous aviez débuté comme avant de pointe. Comment êtes-vous devenu libéro ? C'est grâce à Abdelhamid Bellamine qui demeure pour moi l'un des meilleurs entraîneurs de l'histoire de notre football qui avait insisté pour que j'occupe le poste de défenseur central. Au début, j'étais très réticent et puis il m'a convaincu en me disant que j'allais devenir le meilleur du pays à ce poste. Et effectivement, si ce n'était pas une blessure qui vous a handicapé, vous auriez pu faire partie de l'EN qui a pris part au Mondial 1982... Certainement,si je n'avais pas été blessé ,j'aurais pu faire le voyage en Espagne pour participer à la Coupe du monde de 1982. Et avec le recul, vous auriez pu détrôner Mahmoud Guendouz qui était le titulaire au poste de libéro... Je vais vous dire. En ce temps là, à part Mohamed Kheddis,je crois que j'étais le seul véritable libéro du pays d'autant plus que j'avais des qualités techniques exceptionnelles. Personnellement, je me permettais de dribbler dans ma surface et de remonter les ballons sans problème. Pour en revenir à Guendouz, lui, ce n'était pas un libero. Il était bon sur l'homme et le marquage et lui-même, lors de discussions amicales, il reconnaissait que le seul véritable libéro, c'était moi. Aujourd'hui, vous êtes toujours actif puisque vous êtes le coach d'une équipe de médecins. Il ne reste plus que deux médecins vu que les autres sont soit décédés ou ont pris de l'âge. Il s'agit de l'ASMA, l'Association des médecins d'Alger. J'en suis le manager et nous sommes très sollicités pour disputer des rencontres. Evidemment, le Covid-19 nous empêche de le faire pour le moment Propos recueillis par Hassan Boukacem