Cette date correspond au 66e anniversaire du 1er Novembre 1954 qui marque le déclenchement de la guerre de Libération nationale. La Grande Mosquée d'Alger se voit dévolue une place de choix dans le «vivre-ensemble», la tolérance en même temps que de représenter un creuset identitaire. Le gigantesque édifice religieux s'impose à tous les regards dans la belle baie d'Alger. Sa construction aura nécessité sept années de travaux continus mobilisant une main-d'œuvre évaluée à 2 300 individus, entre ingénieurs, ouvriers et divers techniciens amenés directement de la lointaine Chine (9235 km) par la China State Construction Engineering (CSCEC). Coût total du contrat annoncé : 2 milliards de dollars. Lancée en 2012, la construction de la Grande Mosquée d'Alger arrivera à son terme 7 ans plus tard, soit au mois d'avril 2019. Pari tenu pour un défi dont nombre d'observateurs reconnaissent la dimension pharaonique et qui a été – il l'est toujours — accompagné par une controverse qui rappelle dans son contenu celle qui fut suscitée par le Maqam Chahid, sur les hauteurs d'Alger, inauguré alors par feu le Président Chadli Bendjedid. Rappelons-nous l'étiquette de « Chichi Center » qui lui fut collée. Il est bien triste de voir cet acquis commercial et culturel dans un état d'abandon, livré à toutes les convoitises d'affairistes à l'affût et à l'insécurité. Aussi, osons espérer que la splendide Grande Mosquée d'Alger échappera à l'indigence de cette mauvaise gestion décriée par tous. Le Président Abdelmadjid Tebboune, au demeurant, a longuement insisté sur l'aspect gestion de cette infrastructure religieuse au cours de la visite d'inspection qu'il a effectuée ce jeudi 20 août, prélude à l'inauguration, le 1er novembre prochain (dans deux mois), annoncée par le chef de l'Etat lui-même à cette occasion. En effet, la visite a été précédée de travaux de nuit pour quelques retouches et pour parer l'édifice de ses plus beaux atours, l'emblème national flottant aux vents de cette banlieue-est de la capitale. C'est ainsi qu'à la tête d'une forte délégation gouvernementale et d'autorités civiles et militaires, il se rendra tour à tour à la salle de prières, la Maison du Coran, le Jardin islamique et le Centre culturel. Il faut noter que pour Abdelmadjid Tebboune, cette visite qu'il effectue en qualité de président de la République n'est pas la première du genre. En effet, il connaît bien le projet qu'il a chapeauté en tant que ministre de l'Habitat puis comme Premier ministre sous Abdelaziz Bouteflika, initiateur du projet. C'était le ministre de l'Habitat lui-même qui avait coulé le dernier gâché de béton devant les responsables chinois. C'était aussi pour lui l'occasion de réagir aux critiques qui mettaient en avant la fragilité de l'édifice en cas de séisme. D'abord, avait-il dit, les fondations plongent sur 70 mètres assurant une résistance à un fort séisme de 9 degrés sur l'échelle de Richter. (El-Asnam, actuelle Chlef, fut ravagée par un tremblement de terre de 8,5 degrés). Il a donc eu, ce jeudi, à s'enquérir sur le système antisismique installé sous la salle de prières (2 000 mètres carrés). Prédiction pour la durée de vie de la mosquée : quatre siècles. On ne sait si l'inauguration devait avoir lieu ce jeudi pour être finalement reportée au 1er novembre prochain. La journée de jeudi présentait l'avantage d'être un jour de l'An religieux (Mouharam) et une date historique correspondant à la bataille du Nord constantinois, le 20 Août 1955. C'est sans doute pour ne pas faire la part belle aux traditionalistes islamiques que la date a été repoussée. Cette décision serait donc motivée par la volonté des hautes autorités de faire l'économie d'une polémique stérile et être dans l'esprit du «vivre-ensemble». Il s'agit de préserver le caractère consensuel de l'édifice religieux, lieu de communion pour tous les fidèles. Cependant, une controverse amenant une autre, il restera à se déterminer par rapport à l'appellation que portera pour toujours la mosquée, car déjà des ballons de sonde sont lancés. Elle s'appellerait mosquée Cheikh Bachir Ibrahimi, mais son action durant la guerre de Libération n'est pas exempte de critiques pour certains nationalistes purs et durs. Pourquoi pas Abdelaziz Bouteflika, rétorquent d'autres ironiquement puisqu'il est son promoteur ? Attendons donc le verdict le 1er novembre pour le savoir. Quant à nous, nous n'irons pas sans rappeler l'attitude toute de dignité du sultan zyanide de Tlemcen, Yaghmoracen Ibn Ziyad, qui refusa humblement de donner son nom à la mosquée comme il lui a été demandé par les dignitaires de la ville. À ce propos, il est à indiquer que le minaret (mihrab) de la mosquée est reconnu comme le plus beau du Maghreb avant qu'il ne soit aujourd'hui surclassé par celui de la Grande Mosquée d'Alger (265 mètres). Cette dernière, par ailleurs, vient corriger une injustice qui a vu le missionnaire Cardinal Lavigerie (né à Bayonne-France en 1825) décédé à Alger en 1867 imposer son nom. Cette partie chargée d'histoire de la banlieue-est d'Alger a été rebaptisée Mohammadia. Le choix du site est loin d'être le fruit du hasard, il domine la Méditerranée d'où est venu l'envahisseur. Un clin d'œil appuyé. D'autre part, c'est un bien lourd cadeau fait à la tutelle, chargée des biens Waqfs, que de gérer cet immense espace (400 000 mètres carrés !) qui imposera un budget de fonctionnement conséquent. Il est vrai que le ministère en charge de sa gestion espère développer, afin de s'assurer des revenus, le tourisme cultuel. À cet égard, l'ouverture au grand public – qui ne manquera pas de se déplacer en masse ? sera-t-elle soumise à conditions ? Lesquelles ? Brahim Taouchichet