À Tamanrasset, le chef d'un centre d'examen a renvoyé deux jeunes sœurs candidates au bac pour un retard de quelques minutes. C'est la rigueur de la loi, paraît-il. On ne connaît pas leur nom. Pour leur âge, elles doivent avoir entre 18 et 20 ans. Peut-être un peu moins, peut-être un peu plus, ce n'est pas important, c'est l'âge du bac et des rêves d'émancipation. Un peu moins si elles ont de l'avance. Et un peu plus si elles ont pris du... retard. Ça arrive pour plein de raisons. Ce n'est pas important. Ce qui est important pour le chef du centre intransigeant, ce sont les quelques minutes de retard à l'examen. Il paraît qu'elles habitent juste à côté. Circonstances aggravantes. Et les atténuantes alors ? Le chef connaît la loi, pas son esprit. L'heure, c'est l'heure, avant l'heure ce n'est pas l'heure et après l'heure, ce n'est plus l'heure. C'est touchant. Mais c'est surtout « normal ». Il doit prétendre à une décoration, monsieur le préposé au centre d'examen. Il a renvoyé deux jeunes filles qui ne passeront donc pas leur bac cette année. Il n'y a pas de place aux sentiments dans un pays qui a mis 20 ans pour réaliser une ligne de métro. Là, on a expliqué le retard. L'étude a été mal faite, le coût plusieurs fois réévalué, pour qu'on puisse bouffer encore. On ne ferme pas un râtelier dans les délais. On ne laisse pas deux jeunes filles de Tam aller en salle d'examen avec du retard, dans un pays qui a mis l'équivalent de leur âge pour construire une autoroute plusieurs fois livrée et autant de fois bâclée. Vingt ans, 20 surcoûts, plus de vingt mille nids-de-poule, zéro aménagement et des centaines de milliards puisés dans la mangeoire du Trésor public. Plus de trente ans de retard après, nous n'avons toujours pas d'autoroute mais nous avons le préposé à un centre d'examen qui ne badine pas avec le règlement du bac. Deux jeunes filles ne passeront pas leur bac cette année. Traumatisées, elles ne le passeront peut-être jamais. C'est quoi un rêve d'émancipation devant la rigueur du règlement ? Hier au JT de 13 heures de l'ENTV, il n'était pas question des deux demoiselles de Tam mais il était question du nouveau stade d'Oran. Un retard qui n'est pas loin de 20 ans. Cette fois, c'est la pelouse qui est à refaire. Le nouveau stade de Tizi, c'est le VRD, les tribunes ou les infrastructures d'accompagnement. Les nouveaux stades de Baraki et de Douéra aussi. Il y a toujours une « histoire» du genre pour expliquer le retard. On explique tous les retards, sauf celui de deux filles de Tam à l'épreuve de leur vie. On a même trouvé une explication au retard de la Grande Mosquée. Un projet mortellement inutile et financièrement saignant. Dans la... vraie vie, il n'y a pas d'explication en dehors de l'incurie dans la gouvernance et la schizophrénie dans la quête de grandeur. Puis les ventres insatiables, encore et toujours. Ce n'est pas devant le portail d'un centre d'examen que commence la rigueur de la loi. Il eût fallu commencer par d'autres... retards, ce n'est pas trop tôt. S. L.