Entretien réalisé par Abla Chérif Dans cet entretien, l'ambassadeur de la République sahraouie démocratique (RASD) s'exprime sur les événements en cours au Sahara Occidental, nous renseigne sur le rôle actuel des Casques bleus onusiens déployés dans les territoires occupés et l'état d'esprit qui règne au sein de la population sahraouie. Le Soir d'Algérie : De graves événements se déroulent depuis plusieurs jours au Sahara Occidental. Pouvez-vous nous faire le point sur la situation actuelle ? Talib Omar : Comme vous le savez, notre Président, Brahim Ghali, a décrété officiellement ce dimanche la fin du cessez-le-feu avec le Maroc. Cette décision vient après l'agression menée par l'armée marocaine à Guerguerat. Cette agression a signé la fin de l'accord qui avait été conclu 29 ans auparavant sous l'égide des Nations-Unies. Nous avions mis plusieurs fois en garde contre le comportement inadmissible du Maroc qui, pendant toutes ces années, n'a rien fait d'autre que de tenter de nous mettre, de mettre le monde entier devant le fait accompli. Nous avons alerté, attiré l'attention sur ce qui se déroulait, pas seulement à Guerguerat mais dans bien d'autres zones occupées. À présent, le Maroc a mis fin au plan de paix, nous sommes dans une toute nouvelle situation, la guerre a repris. Comment se déroule la situation sur le terrain ? Des communiqués sont publiés pour informer des évènements qui se déroulent. L'armée sahraouie s'est défendue en réagissant à son tour, des ripostes de nos soldats se sont fait entendre dans plusieurs points au cours des jours précédents. L'armée marocaine, déployée tout au long du mur, est, bien sûr, en état d'alerte, le congé et les vacances sont finis pour eux, ils ne savent pas d'où viendront les prochains coups. Nous savons que la réaction de notre armée a produit un effet psychologique inattendu, elle a provoqué des pertes matérielles, humaines, des dégâts... La paix dont ils jouissaient est terminée, la guerre a repris et il est clair que ses répercussions se feront rapidement ressentir au sein du Maroc où la situation n'est guère reluisante. Elle aura inévitablement des retombées sociales et économiques qui vont compliquer la situation chez eux. Le Maroc a tout fait pour qu'on en arrive à cette nouvelle étape, il a défié, méprisé le plan de paix, les lois définies par le cadre juridique mis en place par la communauté internationale, il a fait la sourde oreille aux appels aux négociations, refusé le référendum d'autodétermination, et en face, personne n'a rien dit, rien fait, ils se sont contentés de laisser sur place la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara Occidental). Quel rôle jouent, justement, sur le terrain les Casques bleus onusiens depuis la reprise des hostilités ? Sur place, leur rôle est terminé, en réalité. Depuis son déploiement, la Minurso s'est contentée d'accepter le fait accompli du Maroc, rien d'autre. À présent, la guerre a repris, ils n'ont plus rien à faire sur place. Mais que fait la Minurso depuis l'attaque marocaine ? Ils sont dans leurs bases. Avez-vous vu venir l'attaque de Guerguerat ? Je vous disais que le Maroc a méprisé tout le monde. Il se croyait tout permis. L'absence de réactions l'a encouragé dans ses dérives et, nous ne le dirons jamais assez, les Français ont la plus grande part de responsabilité dans cette situation. Ils avaient un discours, mais agissaient inversement en soutenant toutes les démarches marocaines. Il y a aussi les pays du Golfe qui l'ont et continuent à le soutenir en ouvrant des représentations diplomatiques, en l'aidant dans sa politique du fait accompli. Il agissait en maître, allant à chaque fois plus loin et il a fini par rompre le cessez-le-feu. Comment la population sahraouie a-t-elle réagi à la reprise de la guerre ? La population sahraouie a réagi de manière extraordinaire. Elle est très satisfaite de voir la situation bouger. Ce peuple a énormément souffert, attendu en vain que le plan de paix soit appliqué, qu'un référendum soit organisé, que la solution pacifique ait lieu, mais rien de cela n'est arrivé. Les années sont passées sans qu'aucune évolution soit enregistrée dans ce sens. La population et les jeunes en particulier ont adressé des critiques aux responsables. Ils considéraient que cette attente était une véritable perte de temps, ils ont vu que l'ONU n'avait pas assumé ses responsabilités, que tout le monde se taisait devant la politique du fait accompli du Maroc. Aujourd'hui, tous sont heureux de pouvoir défendre leur territoire. Les Sahraouis n'ont pas fait la guerre à Guerguerat, ils ont alerté puis manifesté pacifiquement, mais l'armée marocaine a attaqué. Comment peut évoluer la situation, selon vous ? Le Maroc sera très certainement amené à revenir au plan de paix qu'il a fui tout au long de ces dernières années. Il sera forcé d'accepter des rencontres et des négociations qu'il a toujours refusées. A. C.